Confinés plus que jamais au Maroc, les enfants et les adolescents ont été la seule catégorie de personnes à ne pas avoir le droit de sortir de quarantaine depuis que le virus a frappé le pays en mars. Frustrés, agités, le psychiatre Jaouad Mabrouki analyse pour Hespress FR, les réactions de ces enfants et adolescents face au covid-19. Alors que depuis le début de l'épidémie au Maroc, l'attention a surtout été portée vers les adultes et leur mal-être, l'impact négatif d'un confinement précipité sur leur santé mentale, sur leur bien-être, les enfants et adolescents ont été les laissés pour compte, pourtant eux, n'avaient strictement pas le droit de sortir à moins d'une urgence médicale. Subissant eux aussi une privation de liberté alors qu'à leur âge ils débordent d'énergie, ils ont été impactés également par l'énergie négative transmise par leurs parents. L'enfant peut développer des séquelles « L'enfant en général, est incapable de se représenter mentalement la pandémie, le virus, le monde, la mort et la gravité de la situation. De même il est incapable de se représenter intellectuellement le confinement sanitaire, pour lui il ne s'agit que des vacances comme les autres qu'il a connu depuis le début de sa scolarité », a indiqué le psychanalyste, en nuançant que les événements sont ressentis différemment chez les enfants selon leur âge. « Il est certain qu'à partir de 5 ans, l'enfant devine et ressent ce qui ne va pas et ce qui inquiète les parents et tous les changements de son environnement », explique-t-il. Pour le spécialiste, l'enfant aurait de forts risques d'être « traumatisé » par cette expérience si elle est mal gérée par les parents car « il est capable de capter toute l'anxiété, l'angoisse, la peur et les inquiétudes de ses parents par rapport à cette pandémie et ses conséquences », et développe par conséquent un sentiment d'insécurité et exprime ses inquiétudes par « son agitation, son hyperactivité, sa désobéissance aux règles de la maison ». D'autres signes révélateurs de ce sentiment se remarquent par une mauvaise alimentation, un manque de concentration, des difficultés à dormir. « L'enfant risquerait d'être traumatisé par un confinement mal géré et garder des séquelles dans son cerveau avec des circuits neuronaux rigides et qui seraient responsables dans l'avenir à percevoir toute émotion comme une violence », estime le psychanalyste. Et pour remédier à cette situation, Dr. Mabrouki estime que le rôle des parents est crucial. Ces derniers doivent « accompagner » leur enfant en lui accordant « beaucoup de temps » pour le sécuriser et lui donner la parole pour comprendre comment il vit cette crise. « Je propose aux parents de demander à chaque membre de la famille, grand et petit de dessiner la peur, la maladie, la mort, le covid-19. Par la suite chacun pose des questions sur le dessin de l'autre, que représente ceci et cela. Ainsi nous donnons la parole à l'enfant et ceci aide l'adulte à dédramatiser les inquiétudes de l'enfant ». L'adolescent risque un retard de développement Chez les adolescents aussi, l'expérience du confinement est mal vécue, peut-être même plus que chez l'enfant car en cette période compliquée de « de transformation physique et psychique », il est en recherche de liberté, indique Dr. Mabrouki. « Malgré le fait que l'adolescent est capable de se représenter mentalement la pandémie, ses risques et sa gravité, il reste aussi incapable comme l'enfant de mettre des mots sur ses émotions pour les exprimer, d'autant plus que le cerveau de l'adolescent n'est pas encore en mesure de réguler ses émotions, d'où son instabilité de l'humeur et ses sauts thymiques inexpliqués pour lui et son entourage », ajoute le psychanalyste qui dresse la différence entre l'adolescent et l'enfant dans leur perception du covid-19. L'instabilité des humeurs de l'adolescent peuvent se traduire d'ailleurs par des envies de rester seul «car effectivement il en a besoin et évite la promiscuité essentiellement avec les parents pour des raisons inconscientes, en rapport avec la phase sexuelle de cette période », explique le spécialiste. Pourtant « durant le confinement, tous les membres de la famille sont à la maison les uns sur les autres. Ceci contrarie l'adolescent et le met très mal à l'aise d'où ses explosions d'humeur avec souvent des impulsivités verbales et physiques. Ceci évidement, totalement incompris par les parents, génère davantage de conflits et de tension avec l'adolescent ». Alors que l'adolescent est en recherche de liberté et d'autonomie, il se retrouve coincé à la maison, interdit de sortir, malgré lui, et obéissant aux ordres des parents sans pouvoir y échapper, redevenant un enfant, « ceci évidement engendre une très grande frustration responsable d'un retard de son développement dans le processus d'adolescence et de transformation en adulte » avance notre interlocuteur. « Le cerveau de l'ado va garder une trace dans son cerveau de cette crise sanitaire pour toujours. L'accompagnement de l'ado est très difficile et, toute démarche doit être bien mesurée et dosée ». Pour remédier à la situation, le psychanalyste propose quelques pistes. « La meilleure démarche qui rassure l'ado est sous forme de question « as-tu besoin de quelque chose ? ». Souvent l'ado répond par « non merci », mais il va être très touché qu'on s'intéresse à lui et que nous sommes là », a estimé Jaouad Mabrouki, appelant à éviter au maximum les critiques et les conseils, et plutôt faire comprendre à l'adolescent que ses parents eux aussi ne sont pas parfaits en lui racontant leur propre histoire à son âge.