La relation enfants-parents. Une relation unique mais tellement complexe qu'il est difficile de l'imaginer. Dans une analyse, Dr. Jaouad Mabrouki, psychiatre et expert en psychanalyste de la société marocaine et arabe s'est penché sur un volet très important de cette relation à savoir « les préférences parentales entre les enfants chez les Marocains ». « Cela m'arrive constamment d'entendre un Marocain se plaindre que sa mère ou son père préfère un autre fils ou une autre fille », nous explique Dr. Mabrouki psychanalyste de la société arabe et marocaine, et psychiatre de profession. Des plaintes dans le genre : « Moi, je suis aux petits soins avec elle, alors que mon frère ne lui prête même pas attention. Et pourtant, ma mère le préfère à moi ». « Et à cet effet, se plaintif ou plaintive, est très affecté », selon Dr. Mabrouki, et exprime sa colère contre cette injustice parentale en se posant une question sans réponse : « comment une maman ou un papa peut-il préférer un enfant par rapport à un autre ? ». Fréquemment, le rapport argent/préférence est exprimé comme la raison principale, permettant à la victime de souligner son discours par « le pauvre n'a pas de chance dans ce monde et tout s'achète avec l'argent » analyse Dr. Mabrouki. Il s'est ainsi posé plusieurs questions notamment concernant la manière d'analyser cette souffrance. Est-ce que, réellement, les parents aiment-ils un enfant plus qu'un autre ? Et enfin, l'argent et le pouvoir sont-ils une raison de préférence des parents ? En réponse à ses questions, Dr. Mabrouk commence par souligner que « psychologiquement, les parents aiment leurs enfants avec le même amour. Et bien entendu, les enfants sont totalement différents les uns des autres. Un enfant peut être doux, bienveillant, exprimant facilement ses émotions, très câlin, tandis qu'un autre peut être un peu distant, réservé, pudique et gardant tout en lui. Aussi, nous pouvons trouver un enfant un peu rebelle et opposant ». De ce fait, le psychanalyste explique que les parents restent tout de même des êtres humains, et leurs « cœurs penchent naturellement vers celui qui est plus doux et expressif, mais ceci ne peut en aucun cas être pris comme une preuve d'amour, c'est-à-dire que les parents l'aiment plus que les autres. Il s'agit d'une préférence émotionnelle naturelle ». Dans un autre volet, intitulé « des parents et des enfants psychologiquement malades », Dr. Mabrouki fait savoir qu'il arrive parfois que « l'un des parents (la maman ou le papa) soit perturbé psychologiquement et évidemment il risque d'aimer ou détester un enfant par rapport à un autre. » De même, poursuit-il, « il arrive qu'un enfant soit malade sur le plan psychique et interprète tout, en déduisant qu'il est mal aimé et que ses parents préfèrent son frère ou sa sœur pour une raison ou une autre, se sentant ainsi persécuté, une sorte de délire paranoïaque ». Autre question soulevée par le psychanalyste : Pourquoi l'enfant a-t-il l'impression d'être mal aimé par ses parents ? La réponse à cette question serait d'ordre religieuse selon notre interlocuteur. « Tristement dans les religions, nous trouvons que Dieu préfère un peuple par rapport à un autre, bien que c'est Lui qui les a créés tous. Sans oublier l'histoire de Joseph et la façon avec laquelle est interprétée et ancrée dans le cerveau de l'enfant. Par l'interprétation des adultes de cette histoire, l'enfant déduit que les frères sont des ennemis et il en doit être méfiant. De même l'enfant est incité à désirer d'être « Joseph » pour ses parents en essayant de conquérir leur cœur et éliminer les autres frères » fait-il observé. Et d'ajouter que « Dieu, supposé être le Créateur (le Père de toute la création), alors qu'Il préfère certains de ses peuples (enfants) par rapport à d'autres, pousse l'enfant à accepter la normalité dans l'existence d'une préférence des parents entre leurs enfants ». D'autre part, Dr. Mabrouki soulève un point important qui est « l'absence de l'expression parentale de leur amour et de leur affection ». Selon lui, «tristement dans l'éducation marocaine, les parents n'expriment pas leur amour à leurs enfants ni leur affection. D'ailleurs, dans la langue marocaine, darija, on ne trouve pas de Je t'aime et même les câlins sont absents ». Le psychiatre évoque également le nombre de plaintes incalculables qu'il a entendus de la part de ses patients : « Je n'ai aucun souvenir que mon père m'ait un jour serré dans ses bras et qu'il m'ait pris sur ses genoux », ou plus grave encore : « Je n'ai jamais vu mon père câliner ma mère ou l'embrasser ». Il analyse ainsi que « c'est pour cette raison que l'enfant confond l'amour et la préférence et qu'il a l'impression que les parents aiment un enfant plus qu'un autre ». La comparaison, erreur éducationnelle fatale des parents selon Mabrouki Dans notre société, on a tendance à assister à la scène ou un parent expose les talents et la réussite d'un de ses enfants à un autre. Et c'est là une erreur fatale selon Dr. Mabrouki. « Malheureusement, l'éducation marocaine est basée sur la comparaison d'où ce discours répandu « fais comme ton frère (ou ta sœur), il est sérieux, il travaille bien à l'école, il va être quelqu'un et toi tu vas balayer les rues » indique-t-il. Cette comparaison induit la compétition et la rivalité entre les frères et sœurs, explique le psychanalyste. Et de ce fait, « l'enfant déduit ainsi que les parents aiment et préfèrent son frère (ou sa sœur), car il (elle) est le premier de la classe par exemple » analyse-t-il. Toujours dans la comparaison, mais cette fois-ci Dr. Mabrouki évoque le rapport à l'argent et la réussite. « Tous les enfants ont entendu leurs parents échanger des propos de ce genre au sujet d'un neveu, d'un cousin ou d'un voisin « Vraiment il a réussi, il a une belle villa, une belle voiture, il est devenu riche, il a envoyé ses parents au pèlerinage et 3 fois à la Omra, il leur a acheté un appartement et ils sont fiers et fous de lui, pas comme nous, on n'a pas eu de chance avec nos enfants !». Face à cette situation, le psychiatre indique que « l'enfant conclut que plus on est riche plus on est aimés par nos parents. À partir de là, si un frère réussit dans sa vie, les autres pensent qu'il va automatiquement devenir le privilégié des parents et donc le plus aimé. Ce résultat vient de l'erreur des parents qui ne mettent pas en lumière les valeurs morales dans la réussite de la vie, mais plutôt uniquement la richesse ». En guise conclusion, Dr. Jaouad Mabrouki évoque la jalousie et le manque de confiance en soi, soulignant que « la jalousie est une émotion naturelle chez l'être humain, seulement elle doit être reconnue et canalisée par l'éducation et les valeurs morales. Mais amèrement, l'éducation des parents, l'éducation scolaire et l'éducation religieuse sèment la rivalité, la compétition et préfèrent celui qui brille davantage ». « Ainsi l'enfant est jaloux de son frère ou de sa sœur, et au lieu de réguler cette émotion nocive, il va se positionner en victime et en mal-aimé de ses parents, espérant que ces derniers détestent et rejettent le frère qui a réussi dans sa vie » dit-il, indiquant qu'en fait « le sentiment de mal aimé est un désir inconscient de la ruine ou de la mort du frère supposé aimé, car il a abouti dans la vie ! ».