Le monde entier célèbre, ce dimanche 7 avril, la Journée mondiale de la santé, qui marque l'anniversaire de la création de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette année, cette journée est consacrée à la couverture sanitaire universelle (CSU) et à la place centrale qu'occupent les soins de santé primaires. Au Maroc, la célébration de cette journée intervient au moment où les professionnels de santé entament, régulièrement et depuis le début de cette année, une série des mouvements de grèves et de sit-in. Cette année, elle est célébrée sous le thème « Les soins de santé primaires: La voie vers la couverture santé universelle ». La couverture sanitaire universelle est solidement ancrée dans la Constitution de l'OMS de 1948 qui fait de la santé un droit fondamental de la personne. Dans cette Constitution, figure également l'engagement de veiller à ce que chacun puisse bénéficier du meilleur état de santé possible. Au Maroc, la CSU est l'une des quatre priorités de la Stratégie de Coopération entre le Maroc et l'OMS s'étendant sur la période 2017-2021 et s'inscrit également dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD). Seulement, la célébration de cette journée entièrement consacrée au CSU, intervient au moment où les professionnels de santé entament, régulièrement depuis le début de cette année, des mouvements de grèves et de sit-in. Des grèves observées dans tous les hôpitaux, centres de santé, dispensaires, centres hospitaliers universitaires, l'administration centrale et tous les autres établissements de Santé, à l'exception des services d'urgence, de réanimation et de garde. Les protestataires s'élèvent contre la détérioration du secteur de la santé et sollicitent une réforme des ordres des médecins, dentistes, pharmaciens et paramédicaux. Le Royaume compte 25.000 médecins Selon le ministère de la Santé, malgré les sérieuses problématiques d'accès aux soins, de pénurie des ressources humaines et des répartitions des ressources, des efforts considérables ont été accomplis par l'ensemble des acteurs du système de santé, particulièrement les professionnels de santé à l'œuvre sur le terrain, pour promouvoir et protéger la santé de la population. Toutefois, les derniers chiffres du même ministère, qui datent de 2017, indique que le Royaume compte 25.000 médecins (secteurs public et privé), soit 7,3 médecins pour 10.000 habitants. Avec de telles statistiques, le Maroc est loin de répondre au standard de l'OMS fixé à 1 médecin pour 650 habitants. Le ministère espère atteindre une densité médicale de 10 médecins pour 10.000 habitants en 2020 à travers le programme de formation de 3.300 nouveaux médecins annuellement. Pour Ali Lotfi, président du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé (RMDDS) et secrétaire général de l'ODT (Organisation démocratique du travail), le véritable problème n'est pas la formation du personnel médical mais plutôt le manque de poste budgétaire. « A quoi cela sert-il de former chaque année 3300 médecins alors que seulement 2.000 postes budgétaires (médecins, infirmiers toutes catégories confondues, personnel administratif) sont consacrés au secteur de la santé », s'interroge Lotfi. Il en va de même pour le personnel infirmier. « Les 22 instituts de formation aux carrières de santé forment chaque année 2.700 cadres infirmiers. Finalement, seulement 1000 infirmiers seront embauchés. Et pour ceux qui n'ont pas eu la chance d'être recrutés, le secteur privé est loin d'être un pourvoyeur d'emploi. Les cliniques privées ne préfèrent pas employer les lauréats de ces instituts qui leur coûtent cher, sachant que la plupart d'entre eux débutent avec un salaire mensuel de 4.000 DH et en plus ils doivent être déclarés à la CNSS », explique le président du RMDDS. répartition inégale des ressources humaines A la pénurie du personnel de santé, le pays est confronté à un autre problème qui est la répartition inégale des ressources humaines. Les médecins sont concentrés principalement à Rabat et Casablanca où les taux d'encadrement restent les plus élevés avec respectivement 20,3 médecins et 16,1 médecins pour 10.000 habitants. Ce qui n'est pas sans conséquence sur la santé des citoyens. A noter que le budget alloué au secteur de la santé publique au Maroc ne dépasse pas 5.69% de l'Etat tandis que l'OMS recommande aux Etats de réserver 10 à 12% de leur budget au secteur de la santé. Dans le monde, près de 100 millions de personnes sombrent chaque année dans une pauvreté extrême en raison des dépenses sanitaires laissées à leur charge, ce qui explique ainsi l'engagement des pays, aux quatre coins du monde, à atteindre d'ici 2030, la couverture santé universelle. Pour ce faire, l'OMS qui a identifié les soins primaires comme étant un moyen rentable et efficient pour assurer cette CSU et instaurer la santé pour tous, a décidé de leur consacrer une majeure partie de ses actions. Les soins primaires peuvent justement couvrir une grande partie des besoins de santé d'une personne, de la prévention aux soins palliatifs, en passant par le traitement et la réadaptation, d'où la nécessité d'investir dans les personnels de santé primaire et de combler par la même occasion un vide qui, selon l'OMS, s'apparente à 18 millions dans le monde. Ceci dans l'objectif de mettre à la disposition des patients des soins globaux tout au long de leur vie, en ne se contentant pas uniquement de traiter certaines maladies aux dépens d'autres. Des écarts flagrants Malheureusement, ces soins sont la partie du système de santé recevant le moins de ressources avec des écarts flagrants au niveau des communautés pauvres et marginalisées. C'est pourquoi, souligne l'OMS, il devient primordial d'investir dans la mise en place de services de soins primaires accessibles, équitables et de qualité dans la mesure où cette phase constitue l'étape la plus concrète de la mise en place de la CSU. L'OMS encourage, par ailleurs, les responsables de l'élaboration des politiques à initier des mesures adéquates en vue de maîtriser les failles et imperfections de la CSU, tout en améliorant les systèmes de collecte de données, pour que le doigt puisse être mis sur ces lacunes et qu'il soit, par conséquent, possible de les dépasser. S'impose également, un effort de communication pour sensibiliser les individus qui n'ont pas accès à la CSU à l'enjeu et au prix de cette dernière, pour qu'ils sachent ce qu'ils doivent accomplir à leur échelle, pour en faire une réalité. Pour le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, « il n'est pas seulement question d'améliorer les services de santé, mais bien de prendre des mesures dans de nombreux autres domaines. Nous devons agir sur les facteurs plus généraux qui déterminent la santé, notamment sur les plans social, économique et environnemental ». Et d'ajouter dans son message annuel: « Nous devons aussi investir dans l'être humain. Il faut que le personnel sanitaire soit hautement qualifié et capable d'informer les patients et de les défendre. Il faut que chacun et chacune ait les moyens et les connaissances nécessaires pour prendre soin de sa santé et de celle de sa famille. Il faut que les populations aient accès aux soins de santé, où qu'elles soient et à chaque fois qu'elles en ont besoin. Soulignons également l'importance de la santé mentale, si souvent déconsidérée et oubliée ». Guterres affirme que « la santé est un droit humain. La volonté politique et les partenariats seront indispensables pour le réaliser. Nous devons montrer au monde que nous sommes déterminés à faire ce qu'il faut pour que la couverture sanitaire devienne vraiment universelle et que toutes et tous puissent bénéficier de soins de santé ».