L'Observatoire national de développement humain a rendu public son Rapport de développement humain (ONDH, 2017), qui se veut une contribution au débat sur le modèle de développement du Maroc. Le document, fruit d'un processus participatif, encadré par l'ONDH et auquel ont contribué des représentants de l'ensemble des départements sectoriels concernés par les questions relatives au développement humain, une quinzaine d'experts, ainsi que les agences des Nations Unies au Maroc, met en lumière les inégalités qui obscurcissent les perspectives d'un développement humain durable et inclusif, et incite à la réflexion sur les meilleurs moyens pour le Maroc d'atteindre ses objectifs d'émergence économique et de progrès social. Il souligne ainsi qu'en matière de développement humain, le Maroc accuse un retard d'un demi-siècle sur ses premiers partenaires européens, à savoir la France (53 ans) et l'Espagne (48 ans), au moment où il devance l'Afrique subsaharienne de près de 25 ans. Tout en soulignant que la baisse tendancielle de l'Indice de développement humain (IDH) du Maroc, n'est pas une fatalité, le rapport relève que par rapport aux pays de l'Afrique du Nord, le Royaume a amélioré son IDH entre 1990 et 2015, en enregistrant le taux de croissance le plus élevé. Et de faire savoir que le contexte actuel du Maroc est celui d'une société qui, au-delà des adversités de l'environnement international et régional et des déficits sociaux hérités, « traverse une phase d'aubaine démographique ». Une aubaine à saisir « C'est une période de fortes chances d'émergences, économique et sociale, devant être fondées sur des politiques publiques génératrices de formation adéquate, d'emploi et d'inclusion sociale. Ne pas saisir cette opportunité, c'est gâcher le potentiel qu'offre la mobilisation des ressources humaines dans cette phase historique de la transition démographique », met en avant l'ONDH. Ce risque est grand à un moment où se manifeste un essoufflement du modèle de développement humain, économique et social, qui se reflète notamment dans les performances des politiques publiques, qu'il s'agisse de la baisse tendancielle de la croissance des revenus par habitant, des niveaux élevés d'inégalité et de la tendance du chômage à la hausse. Pourtant, note-t-il encore, le potentiel de l'économie marocaine « laisse penser qu'elle recèle de facteurs favorables à la dynamique du développement humain durable ». A l'instar des réalisations dans le domaine de la pauvreté absolue et multidimensionnelle, le Maroc devrait nécessairement faire face au chômage des jeunes et à l'inégalité entre les sexes, réduire la pauvreté relative et atténuer les écarts sociaux et territoriaux, est-il avancé, affirmant que cette option « est d'autant vitale que les comportements sociaux sont davantage sensibles aux situations de déficit social et de disparités territoriales, et les attitudes des catégories sociales défavorisées plus répulsives face aux différentes formes d'inégalités ». Selon le rapport, « notre pays se trouve aujourd'hui dans la phase finale de sa transition démographique et connait une inflexion de sa courbe de dépendance, ce qui signifie que désormais les personnes en âge de travailler dépassent en nombre les personnes plus jeunes et plus âgées. Cela constitue une aubaine démographique, voire une fenêtre d'opportunités à saisir. Cette fenêtre correspond, de ce fait, à un dividende démographique et devrait se refermer vers 2038 ». La femme en question Le rapport relève, par ailleurs, qu'en 2016, un jeune sur quatre n'est ni en emploi, ni à l'école, ni en formation. Ce rapport est 4 fois plus élevé parmi les jeunes femmes que parmi les jeunes hommes. Ce qui justifie les craintes au sujet d'une régression future du statut économique et social de la femme. En effet, est-il souligné, la femme semble contrainte à l'inactivité pour plusieurs raisons. D'une part, la population féminine active est souvent réduite, surtout en milieu agricole enclavé, au statut d'aide familiale non rémunérée. Ensuite, en dehors de la sphère familiale, la femme active a 1,5 fois moins de chances de trouver un emploi qu'un homme actif. Enfin, une fois employée, la femme subit de plein fouet la discrimination salariale. A cet effet, l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sont aussi urgentes que la question des jeunes en situation d'exclusion sociale. Elles constituent des réponses incontournables à la réalisation d'un large éventail d'objectifs de développement durable, proposés dans l'agenda post 2015 des Nations Unies et dans lequel le Maroc s'est positionné comme un pays leader dans la région et le continent africain. Pour ce faire, l'ONDH préconise « une réorientation des politiques publiques vers la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe, une plus large participation des femmes aux activités économiques productives et rémunératrices, et une plus grande place accordée aux femmes dans la prise de décision ». Des chiffres pour le dire En termes de retard sur le reste des pays, le Maroc atteint aujourd'hui le niveau d'IDH qu'enregistrait le monde au début des années 2000 ou encore celui affiché, aux débuts des années 1940 par la Norvège, pays qui est actuellement en tête du classement selon l'IDH, constate le rapport. En la matière, précise-t-il, « le Maroc se situe légèrement en avance par rapport aux pays à développement humain moyen pris globalement et est en nette avance sur l'Afrique (25 ans). Toutefois, comparés à ses partenaires économiques traditionnels, le Maroc est en retard de 53 ans sur la France et de 48 ans sur l'Espagne ». Mesuré à l'aune des indices dimensionnels de l'IDH, le retard du Maroc sur les pays à développement humain élevé s'élève à 63,8% pour l'éducation. Il est moins marqué sur le plan du revenu (30,4%) et surtout de l'espérance de vie (5,5%). Le retard en éducation, qui serait dû, entre autres, au programme d'ajustement structurel (PAS) et à ses implications actuelles sur la santé économique et sociale du pays, est en partie responsable de la faiblesse de l'IDH du Maroc. Faut-il rappeler à l'issue du PAS en 1994, l'effectif des enfants non scolarisés avait augmenté pour atteindre, selon l'UNESCO, 55,8%. Disparités régionales Le rapport de l'ONDH pointe en outre les disparités constatées au niveau des régions. Il en ressort dans ce sens qu'au moment où « les régions de Casablanca-Settat et du Sud du pays s'apprêtent à enregistrer le niveau de développement des pays avancés, les régions de Marrakech-Safi, Béni MellalKhénifra et Drâa-Tafilalet se cantonnent dans un stade de faible développement humain ». Quelle que soit la mesure adoptée (IDH ou IDHN), les régions les plus développées sont celles du Sud, de Casablanca-Settat et de Rabat-Salé-Kénitra. Elles s'opposent à la strate des régions les moins développées que sont celles de Darâa-Tafilalet, Marrakech-Safi et Beni MellalKhénifra. Le reste des régions constitue une strate intermédiaire en termes de développement humain. Concernant les leviers du développement, les régions les moins développées sont les plus déficitaires en éducation, santé et cohésion sociale. Et d'expliquer que les régions les moins développées sont celles où le PIB par habitant est le moins élevé et où la femme est plus marginalisée. Ce qui pose la question du développement humain en termes de réduction des inégalités entre les sexes et de solidarité économique et sociale entre les régions.