Lorsqu'il s'agit de caractériser les pays de la région MENA (Moyen Orient et Afrique du Nord), «hétérogénéité» vient immédiatement à l'esprit. Les exportateurs de pétrole du Golfe à la croissance économique insolente accusent un retard de développement. Quant à l'Afrique du Nord, elle est engagée sur une voie de développement qui semble interminable, car semée d'embûches prénommées éducation, santé, ou encore justice. Pour éclaircir la situation de cette région du monde, la Banque mondiale a jugé nécessaire de s'intéresser aux disparités spatiales existant au sein même de chaque pays. C'est dans cette optique qu'a été réalisé un récent rapport, et dont les premiers résultats ont été diffusés par l'instance internationale, la semaine dernière à Dubaï (Emirats Arabes Unis). Intitulé «régions pauvres, individus prospères : comment le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord peuvent surmonter les disparités spatiales ?», sa version intégrale sera disponible en août prochain. MENA, microcosme mondial Pour comprendre l'état de ces disparités, il suffit de comparer la situation de ces pays à celle du monde dans sa globalité. 54% de l'activité économique mondiale sont générées par des pays qui occupent 10% de la superficie de la planète. Situation semblable dans la région MENA, ainsi qu'au sein de chaque pays de la région ! La richesse est émise par certaines villes ou régions, moteurs économiques du pays, tandis que des zones en retard se voient désertées par des populations en quête de prospérité économique et de bien-être. Les premières doivent donc «contaminer» les secondes. Mais comment changer le sens d'une marche imposée au fil du temps par l'histoire, le climat, ainsi que les décisions politiques ? Selon la Banque mondiale, c'est possible ! Et le Maroc dans tout ça ? Classé dans la catégorie des pays en développement, une catégorie «fourre-tout» dans laquelle il est difficile de différencier les bons des moins bons, il est souvent mis à mal par les classements internationaux. L'Indice de développement humain (IDH), qui est de plus en plus remis en cause, nous a classé 130ème en 2009. Selon la banque mondiale, les progrès de développement ne suffisent pas s'ils ne sont pas bien répartis au niveau géographique. C'est-à-dire au sein même du territoire national. Or c'est ici que le bât blesse, puisque le Royaume fait partie des trois pays de la région, avec l'Egypte et la Tunisie, à enregistrer une productivité du capital et de la main-d'œuvre plus élevée dans les zones plus avancées. Ajouté à cela, si les disparités entre provinces marocaines sont faibles, l'écart entre zones urbaines et rurales est préoccupant. Ainsi, la consommation des ménages par habitant en milieu rural ne représente que 54% de la consommation en milieu urbain. Mais il n'est pas trop tard pour se rattraper. Les disparités spatiales, qui correspondent à «des écarts entre les niveaux de vie de populations vivant dans des espaces géographiques différents», peuvent être revues à la baisse. Comment ? Par la mise en application de trois trains de mesures. Trois trains de mesures, une seule destination «Il faut uniformiser les règles du jeu et investir dans les ressources humaines, relier les zones en retard aux zones avancées, et faciliter le développement en grappes des zones au potentiel inexploité». Seulement, il est à craindre que ce revirement géographique, en réduisant les disparités d'une part, freine l'accumulation de gains d'efficience déjà engendrés dans les zones les plus avancées. Alex Kremer, auteur principal du rapport et économiste en chef de la Banque mondiale est optimiste. «Les décideurs politiques de la région peuvent surmonter les inégalités, parfois intolérables, dues au désavantage géographique, sans compromettre l'efficacité économique». En somme, il s'agira de trouver le juste équilibre, en ménageant la chèvre et le chou. Pour y parvenir, les pays concernés doivent impérativement se baser sur un diagnostic de leur situation, en vue d'identifier les causes des disparités en matière de niveau de vie, qui ne sont pas toujours d'origine spatiale. En effet, très souvent, elles ne sont pas aussi importantes que le prétend le discours politique. «Dans les zones avancées, les élites économiques gonflent les niveaux de consommations moyens, alors que la grande majorité des habitants peut avoir des conditions de vie similaires à ceux vivant dans les zones défavorisées». Voire pires. Il faut donc se méfier des taux et des moyennes, qui ne reflètent pas toujours la réalité de la situation. Il ressort ainsi des premiers résultats du rapport que les disparités spatiales entre les zones d'un même pays comme le Maroc sont le plus souvent des disparités sociales. Le développement humain avant tout Ainsi, des ménages qui présentent des caractéristiques démographiques défavorables peuvent être pénalisés, et ce quel que soit leur lieu d'habitation. Ainsi, des personnes vivant dans le bidonville «carrières centrales» de Casablanca n'ont rien à envier aux agriculteurs de Mnasra, dans la région du Gharb. Trois facteurs sont à l'origine de cet état de fait : la fécondité, l'effet de tri et l'éducation. Et les éléments de ce trio gagnant sont interdépendants. Un taux de fécondité ne se baissera que si l'éducation des filles et l'autonomisation des femmes sont amorcées. Il en va de même pour le tri de la population dans l'espace géographique, qui est fortement lié à l'éducation. Les zones les plus développées attirant les personnes les plus instruites. L'amélioration des niveaux de vie dans les régions les moins avancées passe donc tout autant par le développement humain que par l'aménagement des territoires. Ce qui nous ramène à la question du développement humain, qui semble être au centre de tous les dysfonctionnements, et à la base de tout changement. «La promotion de l'éducation des filles doit être considérée comme l'une des grandes priorités pour le développement des zones défavorisées». La Banque mondiale conseille ainsi aux pays de ne pas injecter leurs richesses – déjà insuffisantes – dans des mégaprojets. En somme, il ne faut ni viser grand, ni se montrer impatient. Le développement arrive à qui sait attendre. Sans oublier que ces mesures, insuffisantes à elles-seules, doivent être accompagnées de projets d'infrastructures comme «la construction de routes rurales, l'existence de bonnes relations entre entreprises et institutions publiques».