Des renseignements provenant des autorités de contrôle financier françaises et du Groupe d'action financière des Caraïbes (GAFIC), la branche régionale du Groupe d'action financière international (GAFI), ont conduit à une mobilisation des services de surveillance du Bureau des changes marocain. Selon des sources bien informées de Hespress, ce dernier a ouvert une enquête approfondie concernant des soupçons impliquant des hommes d'affaires marocains dans l'exploitation de comptes bancaires « offshore », ouverts dans des îles des Caraïbes, plus précisément aux Bahamas et à Sainte-Lucie, pour financer l'acquisition de biens immobiliers de luxe dans la capitale française, Paris. Les premières investigations ont révélé des tentatives d'hommes d'affaires — dont certains possèdent des entreprises dans les secteurs de la gestion immobilière et de l'agroalimentaire — pour tromper les systèmes de contrôle financiers au Maroc et dans d'autres pays. Certains d'entre eux détiennent des passeports étrangers, ce qui a facilité l'envoi de fonds suspects depuis Sainte-Lucie vers la France. D'après nos sources, les transferts ont été effectués avec l'aide de courtiers, d'experts financiers et de banquiers spécialisés dans le transfert international d'actifs. Les biens immobiliers parisiens acquis via ces virements bancaires offshore se concentrent dans les 1er, 4e, 6e et 7e arrondissements de Paris. Pour masquer la provenance de ces fonds, les acheteurs ont pris soin de passer par des agences immobilières de prestige. Les enquêteurs du Bureau des changes ont également relevé des éléments cruciaux concernant les liens entre ces hommes d'affaires et des sociétés qu'ils ont créées au nom de connaissances ou de proches dans la région caraïbe, reconnue comme l'un des plus célèbres paradis fiscaux mondiaux. Les vérifications des autorisations de transfert de fonds vers l'étranger ont mis en évidence des sommes importantes transférées légalement depuis le Maroc, sous le prétexte d'accords commerciaux conclus entre les entités émettrices et réceptrices. Ces accords portaient sur la recherche d'opportunités d'investissement, l'étude de nouveaux marchés et la réalisation d'études de marché coûteuses. Toutefois, la valeur élevée des montants transférés pour des prestations dont la réalité sur le terrain est contestée, prenant la forme de paiements pour des services fournis par des sociétés affiliées à l'étranger, a renforcé les soupçons d'opérations de fuite de capitaux bien structurées. Parallèlement aux enquêtes en cours, des investigations menées par les autorités françaises ont permis d'identifier, au cours d'un audit interne, plusieurs Marocains non déclarés auprès du Bureau des changes marocain comme propriétaires de biens immobiliers en France. Cette découverte, survenue de manière fortuite, s'inscrit dans le cadre d'un contrôle visant principalement à identifier des cas de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, en particulier ceux liés à des actifs immobiliers de luxe, souvent acquis par des hommes d'affaires russes. Ces derniers sont visés par des mesures européennes de gel de leurs comptes bancaires, à la suite de la guerre en Ukraine. Par ailleurs, des informations provenant de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont révélé que ces propriétaires utilisaient des agences immobilières pour gérer les frais d'entretien et régler les charges annuelles de leurs biens, sans les exploiter à des fins commerciales ou lucratives. Ces propriétés sont restées inoccupées pendant plusieurs années, ce qui a éveillé des soupçons auprès des inspecteurs. Les sources de Hespress ont également précisé que les contrôleurs du Bureau des changes ont intensifié leurs efforts en coordination avec les autorités compétentes de l'Administration des douanes et impôts indirects, ainsi que de l'Unité de traitement du renseignement financier (UTRF), dans le cadre de la vérification de l'utilisation de sociétés offshore dans des opérations d'importation dont les valeurs ont été délibérément gonflées afin de faciliter le transfert illégal de fonds depuis le Maroc sous forme d'échanges commerciaux fictifs. Les investigations se sont également étendues à l'examen des liens entre les hommes d'affaires marocains identifiés et des activités illégales, ainsi qu'à la confirmation de l'utilisation de ces transferts financiers pour alimenter des réseaux organisés de blanchiment d'argent.