Les services centraux de contrôle de la Direction générale des impôts (DGI), ont lancé une vaste opération d'audit face à la multiplication des cessions d'entreprises suspectes. Ces sociétés, dépourvues de toute activité commerciale, industrielle ou de services effective, sont détournées à des fins frauduleuses, notamment pour faciliter l'obtention de prêts bancaires, de visas ou encore pour manipuler des opérations d'import-export. Selon les sources de Hespress, les inspecteurs se sont appuyés sur des rapports émanant du service des enquêtes, du traitement des données et du suivi des activités numériques. Ces documents révèlent que des "marchands d'entreprises" ont contribué à l'augmentation des contentieux judiciaires entre les nouveaux acquéreurs et plusieurs institutions, notamment les directions des impôts et des douanes, les banques ainsi que d'autres créanciers. Les investigations ont également mis en lumière l'implication de comptables jouant les intermédiaires dans la revente de ces entreprises contre des commissions pouvant atteindre 30.000 dirhams. Profitant de la méconnaissance de certains entrepreneurs, ces comptables ont su convaincre des clients cherchant à radier leur société après l'arrêt de leur activité, en raison de leur incapacité à honorer leurs engagements financiers envers leurs créanciers, qu'ils soient privés ou publics, notamment l'administration fiscale et la Trésorerie générale du Royaume. Dans le même temps, ces professionnels de la finance ont perfectionné des techniques de mise en marché d'entreprises en difficulté, ne disposant d'aucune activité réelle, auprès de nouveaux acheteurs. Ces derniers, en quête de financements bancaires pour développer ou élargir leurs affaires, les utilisent aussi pour l'obtention de visas à l'étranger ou pour mener des opérations d'importation et d'exportation. D'après les informations recueillies par Hespress, des contrôles fiscaux et des vérifications de terrain sont prévus pour les sociétés récemment cédées, après que leurs anciens propriétaires et gestionnaires ont sciemment induit en erreur les services de contrôle fiscal. En recourant à des transactions fictives et des factures falsifiées, ils ont artificiellement gonflé leurs chiffres d'affaires afin d'augmenter la valeur de vente de ces entreprises. Certaines d'entre elles ont été écoulées en mettant en avant leur prétendue éligibilité immédiate à l'obtention de visas européens. En parallèle, la Direction générale des impôts a transmis des informations cruciales au Fonds national de la sécurité sociale afin de mener des vérifications sur le nombre de salariés déclarés, souvent disproportionné par rapport à l'activité réelle de certaines petites entreprises. Par ailleurs, de nouveaux acquéreurs ont été pris de court en découvrant d'importantes dettes contractées par les entreprises qu'ils venaient d'acheter, incluant des chèques et des lettres de change non déclarés lors de la cession. Ces dettes non divulguées ont entraîné leur interdiction bancaire et la mise sous gel de leurs comptes. L'administration fiscale, pour sa part, mise cette année sur un renforcement de l'efficacité du recouvrement à travers des opérations de contrôle fiscal, à la fois sur dossier et sur le terrain. L'incapacité des services de contrôle à localiser les sièges sociaux ou les annexes de certaines entreprises a longtemps constitué un obstacle au recouvrement des créances fiscales et à la détection de fraudes. L'essor de sociétés en difficulté ou inactives est en effet utilisé pour justifier des dépenses fictives, produire des documents et certificats administratifs falsifiés, et monter des dossiers de demande de prêts bancaires sur mesure. Les enquêtes en cours ont également mis en évidence le rôle joué par certains intermédiaires dans l'exploitation du stock croissant d'entreprises inactives. En s'appuyant sur des comptables, ces acteurs de l'ombre rachètent et revendent ces sociétés "dormantes", qu'ils modifient ensuite dans les registres commerciaux afin de les utiliser pour la production de fausses factures, l'obtention frauduleuse de crédits bancaires ou encore la réalisation d'opérations d'import-export sur demande. Certaines sont également instrumentalisées pour produire des documents liés aux certificats de salaire et de travail, ainsi que d'autres attestations de formation et d'expertise. Dans certains cas, elles servent même à organiser des "emplois fictifs" permettant l'obtention légale de visas de voyage.