Le grand vertige qui saisit actuellement la vie politique française est de constater que l'impasse de nommer un Premier ministre avec une possibilité de gouverner et de faire passer des lois, y compris avec le fameux 49.3 entraînera fatalement une crise de régime. L'unique solution pour en sortir serait que le président Emmanuel Macron puisse présenter sa démission, appeler à des élections présidentielles et législatives anticipées et rebattre les cartes de l'ensemble du jeu politique. En changeant de stratégie à l'encontre du gouvernement, Marine Le Pen qui s'était implicitement engagée à ne jamais mêler ses voix à l'extrême gauche, n'a pas que la chute de Michel Barnier en ligne de mire. Elle ambitionne aussi de faire tomber Emmanuel Macron et de l'obliger à organiser des présidentielles anticipées. Entre septembre où Michel Barnier a été nommé avec les garanties de protections et de bienveillance de l'extrême droite et aujourd'hui, un seul événement a eu lieu qui a apparemment changé la donne politique. Le réquisitoire contre Marine Le Pen dans l'affaires des assistants parlementaires qui requiert une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire. Ce qui veut dire qu'aucun appel n'est suspensif. Sans doute Marine Le Pen avait senti, à tort ou à raison, l'existence d'une volonté, au moins celle du monde judiciaire, de l'empêcher de concourir pour l'Elysée en 2027. Ce nouvel état d'esprit a été de toute évidence derrière le changement de ton et de stratégie de Marine Le Pen. Alors qu'elle voulait profiter de la faiblesse et de la dépendance du gouvernement de Michel Barnier à son égard pour imposer son rythme et ses exigences et gagner en responsabilité et en respectabilité, la voilà qui se rend compte subitement qu'elle affronte une séquence judiciaire qui bloquerait ses ambitions présidentielles. La nouvelle stratégie est donc de donner un grand coup dans l'échafaudage institutionnel pour avoir des élections présidentielles avant le verdict des juges et la proclamation définitive de l'inéligibilité. Ce qui donne à la nouvelle démarche de Marine Le Pen une gravité supplémentaire c'est qu'elle épouse malgré elle l'agenda politique du leader de la France insoumise, le cœur battant du nouveau Front de gauche, Jean Luc Mélenchon. La gauche dans son ensemble n'a jamais pardonné à Emmanuel Macron de l'avoir privée de sa victoire lors des législatives de juillet dernier. Elle avait verrouillé son action parlementaire et politique sur la chute du gouvernement. D'ailleurs, Jean Luc Mélenchon a été presque le premier à prophétiser une démission de Macron et une présidentielle anticipée. Sauf que malgré les envies et les souhaits aussi bien de Marine Le Pen, icône de l'extrême droite que Jean Luc Mélenchon parrain de la gauche radicale, ces désirs politiques ont peu de chances d'être satisfaits. Emmanuel Macron n'a pas le profil psychologique de l'homme qui jette l'éponge devant les difficultés. D'autant plus que la décision d'écourter volontairement son mandat et de rejouer la présidentielle aurait été pertinente s'il avait la moindre chance d'être réélu par les Français. Or, les instituts de sondage indiquent une baisse permanente de sa popularité, un désir évanescent des Français à son égard où le charme et la magie qui l'avaient porté à l'Elysée en 2017 ont définitivement disparu. Emmanuel Macron avait joué la carte de la dissolution et avait perdu même la petite majorité dont il pouvait disposer au Parlement. Aujourd'hui, à l'exception de sa démission totalement exclue, il lui faudra trouver les solutions post censure du gouvernement Barnier. Un autre premier ministre suffisamment affûté pour décrocher l'indispensable compromis pour éviter le fameux 49.3.? Quelle est cette perle rare qui pourrait sauver Emmanuel Macron de l'impasse institutionnelle dans laquelle ses deux grands rivaux, Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon l'ont acculé.? Pour cause de frein constitutionnel, Emmanuel Macron ne pourra dissoudre cette assemblée et appeler à des législatives anticipées qu'en juin 2025. L'enjeu majeur pour le Président de la république est de devoir gérer ces six mois qui vont certainement apparaître comme les plus longs, les plus ardus de ses deux mandats à l'Elysée. Sauf accélération inattendue, Emmanuel Macron va faire virer la France dans une forme d'apnée politique, avec des solutions aussi provisoires qu'artificielles qui n'auront d'autres objectifs que de meubler la galerie politique et de gagner du temps jusqu'à ce qu'il puisse reprendre sa capacité à dissoudre et à redonner la parole aux Français pour élire un nouveau parlement. Avec l'espoir que ce nouveau parlement soit doté d'une majorité sans équivoque, capable de gouverner le pays.