Le projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Bolivie), visant à stimuler les échanges commerciaux entre les deux blocs et à renforcer leur coopération, fait presque l'unanimité contre lui en France, où les enjeux économiques, particulièrement pour le secteur agricole, sont au cœur des préoccupations. Ce texte, négocié depuis 1999, prévoit la quasi-suppression des droits de douane sur les produits échangés entre les deux blocs, ce qui devrait favoriser les exportations européennes de voitures, d'équipements industriels, de produits pharmaceutiques et agroalimentaires vers le marché sud-américain. En contrepartie, l'Europe ouvrirait davantage ses marchés aux produits agricoles du Mercosur, notamment la viande bovine, la volaille et le sucre. Ce projet s'accompagne également d'une dimension politique, visant à promouvoir « un dialogue politique » entre les deux blocs sur des questions telles que la migration, la cybercriminalité, l'éducation ou l'environnement, et ce en harmonisant les régulations et en réduisant les barrières réglementaires dans un sens comme dans l'autre. Cependant, presque toute la classe politique en France est contre ce pacte. L'Assemblée nationale, tout comme le Sénat, ont très largement validé cette semaine une proposition de l'Exécutif s'opposant à la signature de l'accord tel qu'il est actuellement négocié entre l'UE et le Mercosur. Les députés ont rejeté le texte à 484 votes ' »pour » et 70 « contre ». A la chambre haute, le rejet a été encore plus net, avec 338 voix « pour » sur 348. Ces votes « purement consultatifs » interviennent une semaine après le début de mobilisations à l'appel d'organisations professionnelles de milliers d'agriculteurs opposés à ce traité pour lequel seule la Commission européenne est habilitée à négocier pour les Vingt-Sept. Les opposants craignent que les produits sud-américains ne viennent concurrencer de manière « déloyale » les productions locales. Ils réclament, entre autres, l'instauration de « clauses miroirs » pour garantir que les produits importés respectent les mêmes normes (sanitaires, sécuritaires, environnementales..) que ceux produits en Europe et en France. Certains s'inquiètent des conséquences environnementales de cet accord, qui, selon eux, encouragerait les agriculteurs du Mercosur à maximiser leur production vers l'Europe, ce qui accélérerait la déforestation. Les critiques de l'accord vont jusqu'au plus haut sommet de l'Etat. Le 17 novembre dernier lors d'une visite à Buenos Aires, le Président français Emmanuel Macron a assuré que son pays ne « signerait pas en l'état » le traité de libre-échange entre l'Union européenne (UE) et le Mercosur. « Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs (...) de changer leurs pratiques, de se passer de certains produits phytosanitaires », afin d'avoir une production « de grande qualité », et « en même temps ouvrir notre marché à des importations massives de produits qui ne respecteraient pas les mêmes critères », avait déclaré M. Macron à la presse. La Commission européenne, soutenue par plusieurs pays comme l'Allemagne et l'Espagne, espère signer d'ici à la fin de l'année ce traité de libre échange négocié depuis des décennies entre l'UE et les pays du Mercosur. Les partisans de ce futur accord commercial, quant à eux, mettent en avant les bénéfices économiques qu'il pourrait apporter pour certaines branches du secteur. D'après eux, la baisse des droits de douane sud-américains peut bénéficier aux producteurs de lait ou encore de chocolat qui pourraient vendre leurs produits à des prix très compétitifs. Les pays du Mercosur s'engagent aussi à reconnaître 357 appellations géographiques protégées. Actuellement, la Commission européenne, laquelle assure que les risques du traité sont pris en compte, poursuit encore les négociations. Un premier projet d'accord avait été présenté en 2019, mais n'a jamais été ratifié. Paris, Rome et Varsovie restent à ce jour les seules capitales européennes à s'opposer au projet d'accord. La France et la Pologne pourraient tenter de ralentir le processus de ratification au sein de l'UE. Pour cela, elles devraient réussir à rallier suffisamment d'alliés au sein de l'UE afin de constituer une minorité de blocage, ce qui ne semble pas facile, puisque la majorité des pays européens sont indécis ou favorables à l'accord.