Le Sahara marocain, cette vaste étendue de sable que nous dispute Alger et son chérubin, pourrait bien se transformer en un plateau d'échecs dans lequel les États-Unis viennent placer une pièce majeure. L'annonce de l'ouverture d'un bureau de la « Development Finance Corporation » (DFC) à Rabat en décembre 2024 est la dernière manœuvre de Washington pour affirmer son influence dans cette région clé. Derrière cette décision se cache bien plus qu'un simple engagement pour le développement économique : il s'agit d'un pas décisif dans une stratégie de longue haleine visant à renforcer la position du Maroc tout en bousculant, de façon subtile, les intérêts algériens. Depuis l'accord tripartite de décembre 2020, où Washington a officiellement reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara, les signaux sont clairs. La DFC prévoit de mobiliser 5 milliards de dollars, une somme colossale, pour soutenir le développement au Maroc et en Afrique via Prosper Africa. Pour certains, cet acte est une simple continuation de la politique d'investissements américains. Pour d'autres, il s'agit d'une déclaration diplomatique masquée, un soutien économique qui vient étayer la reconnaissance politique déjà actée. La DFC, bras armé de Washington au Sahara : une gifle pour l'Algérie Rabat peut s'enorgueillir de ce coup magistral qui place encore une fois le Maroc en tête de la scène internationale, renforçant son rôle de hub économique régional. Pendant ce temps, l'Algérie, grande rivale historique sur la question saharienne, assiste impuissante à cette évolution. Depuis la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara, Alger n'a eu de cesse de critiquer cette position, tentant d'influer sur les discussions internationales pour inverser la tendance. Mais, à chaque tentative, une réponse cinglante des grandes puissances réaffirme l'ancrage du Maroc dans la solution finale pour la région. Le groupe des Amis du Sahara, composé de la France, de la Russie, de l'Espagne, du Royaume-Uni et des États-Unis, joue certes un rôle diplomatique traditionnel dans ce dossier, mais la main américaine se fait de plus en plus visible. L'ouverture de ce bureau à Rabat est un camouflet direct pour Alger, dont les multiples efforts diplomatiques pour s'imposer comme interlocuteur privilégié n'ont produit que des résultats mitigés. Tandis que le Maroc renforce son attractivité avec des investissements structurants, l'Algérie s'enlise dans des tentatives diplomatiques parfois désespérées et une économie toujours dépendante du pétrole. La résolution 2703 : un exercice d'équilibre Alors que les États-Unis s'apprêtent à étendre leur influence économique dans la région, la résolution 2703 des Nations Unies, qui sera adoptée le 30 octobre 2024, vient rappeler les grandes lignes d'une négociation qui semble s'éterniser. Ce texte, malgré sa volonté affichée de soutien à l'envoyé spécial Staffan de Mistura, reste une répétition des précédentes résolutions. Il rappelle les résolutions antérieures, du 1754 de 2007 à la 2654 de 2022, en soulignant encore une fois la nécessité d'une solution politique fondée sur le compromis. Mais, dans les coulisses, il est difficile de ne pas déceler une certaine impatience. Le cessez-le-feu de 1991 a été rompu en 2020, et depuis, la situation sur le terrain n'a cessé de se dégrader. MINURSO, la mission de l'ONU déployée dans la région, peine à remplir son rôle alors que le polisario multiplie les provocations. La résolution appelle à une reprise des négociations « sans préconditions », un mantra diplomatique qui semble bien éloigné des réalités du terrain. Si la résolution reste diplomatiquement correcte, elle n'oublie pas de mettre en lumière les « efforts crédibles » du Maroc, notamment avec l'inclusion des Commissions des droits humains de Laâyoune et Dakhla dans le processus. En revanche, elle se fait plus évasive sur les violations des droits humains dans les camps de Tindouf, une omission qui fait écho au silence gêné de certaines puissances sur la responsabilité algérienne dans la gestion de ces camps. L'Algérie dans l'ombre, le Maroc en pleine lumière En somme, les signaux envoyés par la communauté internationale penchent explicitement en faveur du Royaume. La résolution 2703, malgré son langage codé et sa retenue diplomatique, réaffirme la crédibilité de la position marocaine tout en évitant soigneusement de froisser l'Algérie. Mais, les faits sont là : le Maroc avance, se transforme en un pôle de stabilité et de prospérité, pendant que son voisin de l'est, englué dans des conflits internes et une économie vacillante, peine à suivre le rythme. Et, maintenant, avec l'ouverture imminente de la DFC à Rabat, le Royaume se dote d'un allié économique de poids, capable de donner un souffle nouveau à ses ambitions africaines. La coopération entre Washington et Rabat pourrait bien bouleverser encore plus les équilibres régionaux, et l'Algérie se retrouve, une fois de plus, à observer de loin un jeu qu'elle ne contrôle plus. Une chose est sûre : le Sahara n'est plus un simple enjeu territorial, c'est devenu un champ de bataille économique où l'expertise marocaine fait la différence.