Latifa R'kha Chaham, une auteure marocaine de renommée, a dévoilé ce samedi 10 juin son premier roman en français, intitulé « Le Purgatoire des exilés« , lors de la 28e édition du Salon international de l'édition et du livre (SIEL). Originaire de Marrakech, Latifa R'kha Chaham incarne l'authenticité et la modernité de la femme marocaine, ayant été l'une des premières générations de jeunes filles du Maroc à faire et poursuivre des études. Son parcours remarquable lui a valu d'être désignée par Feu Mohammed V pour enseigner l'arabe aux Marocains résidant à l'étranger. Avant ce premier ouvrage en français, l'auteure marocaine a publié plusieurs romans en langue arabe qui ont été très appréciés. Mais « Le Purgatoire des exilés » marque une nouvelle étape dans sa carrière, en offrant un récit captivant et réfléchi qui incite à une profonde réflexion sur le sens de la vie. À travers une diversité de personnages, l'auteure explore les peurs, les angoisses et les doutes de la société humaine, entraînant ainsi une fuite vers l'inconnu. A l'occasion du SIEL, Hespress Fr a pu échanger avec l'écrivaine sur son nouvel ouvrage, sur ce passage de l'arabe au français, sur l'écriture au Maroc et bien d'autres sujets, notamment sa fierté de voir sa fille, la ministre Fatim Zahra Ammor, « accomplir tant de belles choses au service de son pays ». Latifa R'kha Chaham, vous êtes l'une des grandes plumes marocaines féminines. Vous avez longtemps écrit en arabe. D'ailleurs, votre premier livre en arabe « Murmures à l'oreille des hommes », a connu un grand succès. À quel moment avez-vous décidé de passer de l'arabe au français ? Latifa R'kha Chaham: J'ai toujours écrit en arabe. Au fil des années et des écrits, plusieurs de mes amis, principalement francophones, me demandaient de traduire mes romans en français. Cependant, comme vous le savez, l'arabe est une langue qui possède une subtilité souvent très difficile à traduire. C'est pourquoi je m'opposais à l'idée de traduire des romans pensés en arabe. Cependant, poussée par cette demande persistante et motivée par le désir de toucher un public plus large, j'ai pris la décision d' écrire un roman en français pour la première fois. La langue est avant tout un véhicule qui transpose la pensée et ma pensée ne change pas fondamentalement lorsque je l'exprime dans une autre langue. Je dois avouer que j'y ai également trouvé du plaisir. Ce roman en français représente pour moi une extension de mon travail d'écrivain. C'est une façon d'élargir mes horizons, d'explorer différentes facettes de ma créativité et de partager mes histoires avec un public francophone. Vous êtes ici aujourd'hui au SIEL pour présenter votre livre « Le Purgatoire des exilés ». L'ouvrage aborde des thèmes tels que la vie, l'humanité et notre passage sur cette terre, ainsi que les obstacles que nous rencontrons tout au long de notre existence, mais aussi les bonheurs que nous savourons. En somme, il s'agit d'un ouvrage sur la vie et l'humain au sein de la société. D'où tirez-vous cette inspiration pour aborder un sujet aussi complexe ? Ce roman est né de ma propre vie, une vie longue et remplie de hauts et de bas, de virages imprévus. J'ai toujours contemplé cette vie avec une certaine distance, prenant du recul sur les événements. Il représente l'essence même d'une existence riche en expériences et en observations. C'est un récit qui s'est construit à un moment difficile de ma vie, ce qui m'a poussé à aborder le sujet comme une réponse à toutes les questions que beaucoup d'entre nous se posent, consciemment ou inconsciemment. Si chacun peut y trouver ne serait-ce qu'une partie des réponses à ses propres interrogations, alors j'aurais réussi le pari de ce livre. De nos jours, le SIEL est devenu une partie intégrante de la vie culturelle à Rabat. Que représente pour vous l'existence d'un tel salon à portée internationale, qui se tient chaque année dans la capitale africaine de la Culture ? C'est non seulement une source de connaissances, de partage de pensées et d'émotions, mais aussi une richesse pour moi en tant qu'écrivain et en tant que femme, de rencontrer et de partager mon expérience avec des personnes venues d'horizons divers. Cela représente également une opportunité d'exporter mes écrits vers d'autres pays, de les faire voyager au-delà des frontières. Au final, nous sommes de passage dans ce monde, mais les écrits perdurent et témoignent de notre passage, de ce que nous avons pu apporter à notre pays et au-delà. Ils deviennent une trace tangible de notre existence, de nos idées et de notre contribution. Quelle est votre opinion sur l'écriture féminine au Maroc ? Estimez-vous qu'elle est suffisamment poussée, révolutionnaire, ou pensez-vous qu'elle manque peut-être un peu de « rébellion » pour aborder des sujets tabous et délicats qui touchent notre société? Dans ma jeunesse, j'ai toujours été du côté des rebelles, du moins sur le plan intellectuel. J'habitais à proximité de Dar el Bacha à Marrakech, et j'ai vécu les tourments de l'indépendance ainsi que la pression qui l'accompagnait. En tant que filles, nous étions mises en avant par les nationalistes. Nous étions leur étendard pour annoncer le changement de la position de la femme au Maroc. Cela a développé en moi un esprit d'opposition. D'ailleurs, c'est à l'âge de 14 ans que j'ai écrit ma première nouvelle. Cependant, je pense que l'écriture féminine reste fragile, car il existe de nombreux tabous et non-dits. Je sais d'avance que mon livre pourrait déranger certaines personnes avec certains passages. Pourtant, nous avons des femmes extraordinaires qui écrivent et avancent avec assurance, défendant leurs idées. Elles repoussent les limites et brisent les barrières, ouvrant la voie à une nouvelle génération de femmes écrivaines. Malgré les obstacles et les tabous, nous nous battons pour faire entendre notre voix et partager nos histoires, contribuant ainsi à l'évolution de la société et à la libération des femmes. Nous avons l'habitude de voir Fatim-Zahra Ammor la ministre, aujourd'hui c'est la fille qui se tient aux côtés de sa maman pour la soutenir et montrer sa fierté. Que représente cela pour vous? Je suis doublement heureuse. D'abord, pour le simple fait d'être accompagnée de ma fille, et ensuite, pour le fait que Fatim Zahra, en tant que ministre, accomplit tant de choses que j'aurais aimé faire moi-même en tant que femme engagée pour son pays. C'est comme une continuation de moi-même. En tant que mère, je suis fière d'elle, mais également en tant que patriote. Voir ma fille s'investir et contribuer activement au développement et au progrès de notre nation est une source de fierté et de satisfaction pour moi. C'est une preuve que nos efforts et nos aspirations pour un avenir meilleur portent leurs fruits. Cette fierté est empreinte d'un amour maternel profond, mais elle est aussi teintée de satisfaction en tant que citoyenne qui observe avec joie les avancées de son pays.