Après deux ans de fermeture, le point de passage de Bab Sebta a été ouvert à la circulation des personnes le lundi 16 mai, au grand bonheur des habitants et commerçants de Fnideq, à ses alentours, et de ceux de Sebta dont certains n'ont pas vu leurs familles depuis le début de la crise sanitaire au Royaume. La réouverture très attendue du passage de Bab Sebta marque le début d'une nouvelle ère dans les relations Maroco-Espagnole. Les deux partenaires ont décidé de mettre fin à la contrebande à Sebta et Melilla, qui irriguait l'économie locale de la région de Fnideq et M'diq, mais privait les douanes marocaines d'importantes recettes qui se comptes par milliards de dirhams. C'est donc la fin des « femmes-mulets », dont les images choqués non seulement les Marocains, mais aussi les étrangers et transmettait une mauvaise image sur le Maroc. Bien que le retour de la contrebande de toutes sortes dans cette région soit très peu probable, d'après ce que constatent les observateurs, un certain nombre de professionnels qui exerçaient dans la contrebande par le passé sont convaincus aujourd'hui de la nécessité de s'engager dans des activités économiques alternatives qui leur fourniraient une source de revenus digne. C'est en tout cas la direction prise par un groupe de femmes qui exerçaient la contrebande dans les deux points de passage de Sebta et Melilla interrogées par Hespress. Âgée de 62 ans, Thamimont Boughateen, l'une des bénéficiaires du financement de projet d'autoentrepreneur, a travaillé pendant une quarantaine d'années comme « transporteuse » de marchandises de contrebande (chaussures et couvertures) au point de passage de Beni Ansar, au profit des contrebandiers. Aujourd'hui, elle possède une boutique où elle vend des denrées alimentaires, et ne compte plus revenir à cette vie antérieure de « femmes-mulets », comme on les qualifie. « Je ne nie pas que mon travail au passage m'a procuré un revenu financier, mais c'était un travail dur et humiliant à la fois. Mes collègues et moi avons été insultés à plusieurs reprises par la police civile espagnole. C'est aussi un travail risqué. Nous risquons de tomber ou d'être écrasés à cause de la bousculade entre les transporteuses. Nous nous sommes même évanouis plusieurs fois, surtout lorsque les portes sont soudainement fermées par les autorités espagnoles ou marocaines », nous confie Thamimont. Cette femme marocaine s'est également rappelé avec regret les pratiques de la Garde civile espagnole qui ne rater pas l'occasion de renverser les marchandises des « transporteuses », qui n'étaient chargées que de les livrer de l'autre côté de la frontière au profit des passeurs, en contrepartie d'un salaire médiocre, en plus du traitement dégradant qui leur été réservé. La sexagénaire du nord espère ainsi ne plus revenir à cette époque qui a contribué à nuire à sa santé. Même son de cloche du côté d'une veuve, mère de trois enfants, qui a travaillé pendant des années dans le transport de marchandises à travers les points de passage occupés de Melilla. Au micro de Hespress, elle a confirmé que son travail au point de passage « lui avait causé des douleurs chroniques aux genoux et au dos, en plus du diabète ». Pour échapper à l'humiliation, les femmes engagées il y a de cela deux dans la contrebande au niveau des deux enclaves occupées de Melilla et Bab Sebta, se sont lancées aujourd'hui dans diverses activités économiques notamment le travail commercial et artisanal tel que la couture. D'autres ont bénéficié d'opportunités d'emploi dans les usines de recyclage de vêtements usagés à Beni Ansar près de la frontière. À partir de 2018, la partie marocaine a progressivement commencé à sévir contre les contrebandiers de marchandises au niveau de Sebta et Melilla, ce qui a été officiellement confirmé par le directeur général de l'administration des douanes et des impôts indirects, Nabil Lakhdar, en février 2019 au Parlement, notant que l'interdiction définitive de la contrebande depuis les deux ports durera environ 5 à 10 ans, avant que la pandémie du Covid ne l'accélère en moins de deux ans. La contrebande des moyens de subsistance, selon Nabil Lakhdar, coûte au Trésor public une perte estimée à 300 milliards de centimes par an, sans compter le passage de Melilla. Pour lui, c'est ce qui explique la tendance du Maroc à abolir la dépendance économique à ces deux villes.