Cela fait deux jours que les habitants d'Agadir et ses environs subissent des coupures d'eau pendant la nuit (de 22h à 5 du matin). Une coupure annoncée par la Régie autonome multi services d'Agadir (RAMSA) à partir du samedi 3 octobre. Combien de temps va durer cette coupure ? Personne ne le sait. Hespress Fr qui a essayé de joindre le service RAMSA à maintes reprises mais en vain, a pu finalement avoir un agent de la société délégataire au niveau d'Inezgane Ait Melloul. Il nous a assuré que même eux, n'ont aucune information sur la fin de ce calvaire et ont reçu la même note que le grand public, sans autre précision. La coupure a été justifiée par RAMSA par la sécheresse de cette dernière décennie ce qui a réduit considérablement les réserves des barrages de la région de Sous Massa. La même situation s'était produite au niveau de la ville de Khouribgua, fin juillet de cette année. Selon l'économiste Omar Kettani, la solution est, entre autres, le dessalement de l'eau de mer. Mais il insiste sur le fait que l'infrastructure doit être revue au niveau de la région du Souss, ce qui relève de la responsabilité des conseils de la ville, qui sont censés contrôler les communes urbaines, et suivre la situation des infrastructures d'eau. Autre point soulevé par le professeur d'économie à l'Université Mohammed V de Rabat, concerne le fait de se « projeter dans l'avenir« . « Les responsables du secteur ne se sont pas projetés, concernant les problèmes de la récurrence de la sécheresse, sur une planification sur 10 ans ou 15 ans. C'est qu'aujourd'hui qu'on parle de la nécessité d'avoir des stations de dessalement de l'eau de mer. Pourquoi ne pas l'avoir fait il y a dix ans puisque la sécheresse est récurrente au Maroc et on le sait. Tous les 2, 3 ans il y a une année de sécheresse. Pourquoi la politique des barrages a été suspendue depuis pratiquement deux décennies ? Deuxièmement, les stations de dessalement de l'eau de mer, pourquoi on ne les a pas développées alors qu'on a des écoles d'ingénieurs qui forment dans ce sens« , s'interroge Kettani. En restant sur le dessalement d'eau comme alternative pour limiter les effets de la sécheresse, l'économiste explique : « Si on achète des équipements pour cette opération, ça revient cher, mais si nous développons nous-mêmes ces équipements en utilisant des méthodes de vaporisation dans des régions désertiques, avec l'aide de l'énergie solaire qui joue un rôle important, on ne serait pas arrivé là. Tout cela est une politique« , dit-il. Selon lui, « les pays qui ne se projettent pas sur 10 ou 15 ans, ont des gouvernements qui ne sont pas responsables« . Coupure d'eau : absence de planification des risques Le problème de la sécheresse et de la réduction des réserves des barrages au Royaume n'est pas propre à une situation conjoncturelle dans deux villes du Maroc, estime Omar Kettani, mais un problème de projection des risques. « Quand on fait des planifications, on ne se projette pas uniquement sur la croissance mais aussi sur les risques. Et on se dit peut-être dans 10 ans ou 15 ans il y aura un risque de sécheresse, donc je vais tout de suite construire des barrages etc. À la dernière minute on l'a fait avec l'énergie solaire et éolienne, mais pas avec la gestion de l'eau« , dit-il. La sécheresse et le manque d'eau dans les barrages impacte considérablement l'activité agricole, surtout au niveau de la région de Souss Massa et El Haouz qui connaissent une activité agricole importante. Quelle est la solution aujourd'hui, dans un contexte marqué par la sécheresse mais aussi par la pandémie du Covid-19 ? D'après Kettani, « il faudrait d'abord commencer par planter énormément d'arbres dans ces régions là, pour changer un peu le climat. Il ne faut pas non plus oublier qu'on est dans une période de dessèchement de la planète. Une des politiques écologiques principales c'est le reboisement. Et dans certaines régions, on peut planter énormément d'arbres (oliviers, dattiers, eucalyptus). Des arbres qui résistent à la chaleur et qui peuvent vivre sans une grande quantité d'eau« . Et quand on parle de l'eau, il faut parler des forêts, « systématiquement« . Ces deux éléments vont de pair. La forêt encourage l'eau, et cette dernière encourage les plantations explique-t-il. Sur le plan des énergies renouvelables, le Maroc a fait des efforts importants, rappelle l'économiste. Cela dit, Kettani estime que l'heure est venue pour reprendre et poursuivre la politique de construction de barrages et au même temps pratiquer la politique de dessalement de l'eau de mer. Au niveau technique, le dessalement de l'eau de mer passe par 4 processus pour devenir potable, explique l'économiste, ce qui peut coûter un peu cher. Toutefois, il avance que quand tu produis pour l'irrigation, ce n'est pas comme si tu produisais pour l'eau potable. La consommation excessive dans les grandes villes est-elle en partie responsable de la pénurie d'eau dans plusieurs régions du Royaume ? « C'est sûr« , affirme Kettani à Hespress Fr, notant par ailleurs qu'il ne fait pas oublier que dans les grandes villes, les villas et autres constructions tirent l'eau des puits. « Dans les grandes villes, il y a certainement une consommation un peu plus que la normale. Mais ça reste également une question d'éducation. Pour cela, il faut sensibiliser les enfants dans les écoles. Est-ce qu'on a des cours de sensibilisation au niveau de l'économie d'énergie, au niveau de l'économie de l'eau, du respect des arbres ? Pas beaucoup. C'est toute une éducation et un programme qui doit être intégré dans l'apprentissage des enfants. Et ça doit se faire en urgence, pour avoir dans 10 ou 15 ans des jeunes qui consomment intelligemment l'eau et l'énergie », dit-il. Pour conclure, Omar Kettani estime qu'au Maroc, on sera amené tôt ou tard à recourir au dessalement de l'eau mer. « On est dans une région semi-déserte. Le désert monte de quelques kilomètres chaque année. Pour se protéger, il faudra recourir à plusieurs techniques et moyens pour lutter contre ce fléau. Puisqu'on a aujourd'hui cette capacité de produire l'énergie dans le Sud grâce à l'énergie solaire et bien tant mieux. Cette énergie peut nous servir au dessalement de l'eau de mer et permettre de planter des arbres avec le système de goutte-à-goutte pour empêcher la disparition du sol par le vent et les ouragans. Et grâce à cela, on va permettre d'avoir des oasis qui peuvent être plantées et cultivées. Petit à petit, on peut même conquérir les zones qui sont en train de perdre du sol », plaide Omar Kettani.