Conformément aux dispositions de l'Article 49 de la Constitution, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration, Mohamed Benchaâboun, a présenté au Roi Mohammed VI, lors du Conseil des ministres tenu ce lundi 6 juillet, un exposé sur les orientations générales du projet de loi de finances rectificative pour l'année budgétaire 2020, où il a évoqué les contextes, international et national, caractérisés essentiellement par les répercussions de la pandémie du Covid-19, qui a imposé le recours au premier projet de loi de finances rectificative dans le cadre de la nouvelle loi organique des finances. Ainsi, le ministre a présenté devant le Roi les trois piliers sur lesquels reposent les orientations générales du projet de loi de finances rectificative 2020 à savoir l'accompagnement de la reprise progressive de l'activité économique, la préservation de l'emploi ainsi que l'accélération de la mise en œuvre des réformes de l'administration. Selon Omar Kettani, professeur d'économie à l'Université Mohammed V de Rabat les trois piliers exposés par le ministre de l'économie et des finances, sont bons, mais il manque, dit-il, un point très important non évoqué, à savoir la politique d'austérité. « L'élément absent dans cette présentation est l'autarcie. Ce sont les mesures autarciques que doit prendre la finance publique pour pouvoir justement recourir le moins possible à l'endettement. Il manque la politique d'austérité qui signifie qu'il va y avoir dans la nouvelle loi de finances des réductions des dépenses publiques dans différentes voies. Alors là, si la loi de finances passe sous silence cet aspect-là, ça veut dire qu'elle a été faite pour recourir à une seule voie qui est l'endettement. Et ça va accentuer un endettement qui est déjà assez lourd à supporter », explique l'économiste à Hespress Fr. Omar Kettani s'interroge ainsi pourquoi on passe sous silence cet aspect de la politique d'austérité, ce qui veut dire, selon lui, que les sacrifices qui vont être assumés par les entreprises ne sont pas partagés par l'Etat. « Je ne vois pas pourquoi Ces entreprises vont être endettées encore plus, parce que rien n'est gratuit malheureusement, et au même temps l'Etat ne fait aucun effort, ou il le fait mais de manière symbolique, pour pouvoir diminuer son train de vie», dit-il. Il est vrai qu'il va falloir accompagner les entreprises et préserver les emplois, poursuit l'économiste, mais cet accompagnement va se faire par la dette. « Pourquoi l'Etat par lequel passent 22% du PIB, ne diminue pas de 5 ou 6 points ses dépenses des 22% qui veulent dire dans les 25 ou 27 milliards de dirhams. Alors, si l'Rtat diminue de 1/6 ses dépenses, je suppose que ça pourra se faire. Il pourrait grignoter sur plusieurs dépenses secondaires, sur un contrôle plus élevé sur les dépenses publiques, sur la lutte contre la rente à l'intérieur de ces dépenses, sur la veille à ce que toutes les entreprises paient leurs impôts et sur une politique d'austérité », dit-il S'agissant de la dépense fiscale, Omar Kettani estime qu'elle profite à certaines entreprises alors que ce n'est pas justifié, soulignant que cela conduit à un impôt inversé, des recettes que l'Etat devrait récupérer, mais favorise certaines entreprises par rapport à d'autres et ce sont parfois même des entreprises étrangères. « Je me demande pourquoi y a-t-il une réticence à changer le mode de consommation de l'Etat. Parce que dans les trois piliers avancés par Benchaâboun, les mesures de rétorsion au niveau des dépenses publiques devraient figurer comme des mesures à prendre en considération, des mesures de limitation de la dépense publique de manière générale », explique l'économiste. Tout en soulignant que les mesures prises pour la relance de l'activité économique sont « bonnes », l'économiste a énuméré trois types de mesures à prendre en considération dans le cadre de la crise engendrée par la propagation du Covid-19, à savoir la rationalisation des dépenses publiques, des mesures de réduction de la rente et des mesures d'austérité. Ceci dit, il faudrait ne pas prendre ces mesures-là en répercutant de manière systématique les besoins des dépenses publiques sur la dette, souligne Omar Kettani, qui estime que l'Etat est très réticent à diminuer son mode de vie, de consommation et de dépenses. « C'est la seule explication que j'ai trouvée. Parce que sinon, on devrait énumérer et dire : on va prendre des mesures de réduction des dépenses publiques, dans tel et tel secteur. Et on va réduire par exemple les salaires des hauts fonctionnaires, en les informant évidemment que c'est dans l'esprit de la solidarité nationale, que leurs salaires seront réduits de 15% par exemple, notamment les parlementaires, ministres et hauts cadres de l'Etat. Ils pouvaient bien participer de manière permanente, au moins pour l'année 2020, et partager la souffrance générale engendrée par la pandémie du Covid-19 », conclut Omar Kettani.