En cette époque où les transporteurs aériens du monde entier sont confrontés à de graves problèmes de trésorerie en raison des fermetures d'aéroports et de l'effondrement du trafic passagers, les PDG et les directeurs financiers ne peuvent guère être blâmés d'avoir essayé de sortir des sentiers battus, du moins pour la crise engendrée par la pandémie du coronavirus (Covid-19) et qui a lourdement impacté la quasi-totalité des compagnies aériennes du monde. Nombre d'entre elles, surtout celles du continent africain, ont cloué au sol leurs avions et certaines à jamais ou avec peu d'espoir que leurs machines reprennent de la hauteur. Pour la plupart d'un statut étatique ou semi-étatique, elles sont devenues des gouffres financiers pour leurs pays, et une éventuelle restructuration pourrait demander des années enfin, pour celles qui n'accusent pas des pertes abyssales. Royal Air Maroc l'un des fleurons de l'économie nationale et l'une des meilleures compagnies africaines, n'y échappe pas non plus. Abdelhamid Addou, le taciturne et peu accessible PDG de Royal Air Maroc (RAM) avait, à la mi-mai, émis dans une lettre adressée aux employés RAM, quelques précisions sur l'état des lieux et de la gestion de ses finances, que d'aucuns d'ailleurs, lui reprochent comme des plus bâclées pour ne pas en dire plus. Dans sa feuille de route à ses « Chers collaborateurs », il prédisait une reprise ou plutôt une reconstruction sur « 36 mois ». En attendant « ces jours meilleurs », l'entreprise perdait au quotidien 50 millions de dirhams aux bons frais de l'Etat marocain et du contribuable. Dans sa missive, il avait annoncé un plan d'austérité drastique. Ce dernier visant la pérennité des emplois « sur le court terme » qui devrait être une base au maintien des fondamentaux de la compagnie (report des dépenses non essentielles, renégociation des contrats et des délais de paiement...) afin de permettre le « respect des engagements » pour les mois de mars, avril et mai, l'Etat, soulageant en cela de sa politique envers les entreprises faisant face à la crise sanitaire, garantissait au moins le mois de juin. La RAM qui se trouve être sans la moindre rentrée financière et en situation d'insolvabilité devrait profiter de cette bouffée d'oxygène. Dans ce contexte, pour parer au plus pressé Abdelhamid Addou tout en appelant à la solidarité et au sens de la patrie se prépare activement à un plan de sauvetage et s'est engagée dans des pourparlers avec les partenaires sociaux dont ceux de l'Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL) ainsi qu'avec le conseil du gouvernement. C'est ainsi que la direction de la compagnie Royal Air Maroc et ces derniers ont tenu une réunion, vendredi 15 mai 2020, où il s'est murmuré qu'à son issue les pilotes avaient consenti à une baisse de 45 % de leurs salaires indépendamment de leur productivité durant les 5 ans à venir. Que nenni ! Il n'y a rien de cela et pourtant ce n'est pas la volonté de « réanimer la compagnie » qui manque au sein de ce corps de métier. En effet, les négociations entre le top management et l'AMPL n'ont pas abouti sur un quelconque accord entre les deux parties, la direction dans sa quête absolue de revoir ses coûts et charges fixes de manière forte et pérenne a exigé des pilotes de s'aligner sur l'international à l'instar des autres compagnies (Lufthansa, Brussels Airlines...) qui pour sauver leur entreprise avaient consenti des réductions de salaires pour une période donnée. Les pilotes marocains ont donc balayé cette éventualité prétextant qu'ils perdaient déjà 30% de leur salaire rien que par le manque d'activité de la RAM. Le contrat du pilote étant ainsi fait, il garantissait un revenu minimum, de 70% de son salaire quand il ne vole pas. A titre d'exemple dans l'absolu, un commandant qui toucherait 150 000 dirhams n'en touchera pour arrondir que 100 000 à ne rien faire. La direction RAM avançant en outre que la reprise des programmes de vols tels qu'ils étaient ne le sera qu'à moitié si reprise de l'activité il y a. Au meilleur des cas on ne fonctionnera qu'avec la moitié de la flotte (une trentaine d'avions), ce qui signifie que des emplois en pâtiront et il y aura donc forcément de la casse. Les prévisions tablant sur un redémarrage avec cinq avions ATR (vols domestiques) avant que l'activité ne reprenne progressivement à 30% au maximum à partir du mois de septembre (une période peu propice au voyage) et si les frontières rouvrent. Faut croire que la conjoncture est loin d'être favorable. Aussi à la RAM on semble avoir abandonné tout espoir d'un retour rapide à la normale et l'on se prépare en conséquences. Le rapport de force n'étant plus le même, sûr qu'il faudra faire des sacrifices. Et l'on s'est quitté avec promesse de se revoir la semaine d'après c'est à dire aujourd'hui ou au plus tard mardi ou mercredi, avec des propositions plus concrètes de part et d'autres qui pourraient permettre une meilleure approche des points de vue, plus en phase avec la réalité du moment. Il est certain que la masse salariale surtout celle du personnel navigant (pilotes, hôtesses et stewards), est des plus considérables (plus de 50%) et donc assez alléchante pour que la direction RAM veuille bien y puiser pour sa survie. D'autre part il est aussi légitime de « défendre son beefsteak » pour reprendre l'expression syndicale afférente. D'ailleurs le personnel navigant commercial (hôtesses et stewards) a également refusé une réduction de son salaire. Et à ce propos, la RAM n'a pas essuyé que le seul refus de l'AMPL et de ces derniers. Le bureau du syndicat majoritaire de la compagnie, l'UMT dans un souci de « sauvegarde des emplois » s'est aligné sur la position des pilotes et hôtesses a affirmé dans son flash info du 20 mai, « nous n'avons à ce jour donné aucun accord, pour que la ponction des salaires soit retenue comme l'une des solutions de sortie de crise ». Tout en se voulant ouvert à toutes initiatives pouvant permettre une reprise des activités idoine de la compagnie le bureau syndical poursuit, « Nous considérons que le personnel sera toujours prêt à faire des concessions à condition que toutes les pistes de réduction des coûts auront été épuisées de manière claire, transparente et efficace mais aussi après avoir parcouru le plan d'action final élaboré par la direction ». L'IATA estime la baisse du chiffre d'affaires des compagnies aériennes à au moins 314 milliards de dollars, soit une chute de 55% par rapport aux revenus de 2019. Selon l'organisation de l'aviation civile internationale, 25 millions d'emplois dans le secteur de l'aviation et des activités associées sont menacées dans le monde. Les constructeurs aéronautiques Airbus et Boeing également frappés par cette crise ne sont pas en reste.