Le Premier ministre du Soudan Abdallah Hamdok en réponse à un message reçu de son homologue éthiopien Abiy Ahmed l'exhortant à signer le document permettant le remplissage du grand barrage la Renaissance, a affirmé que le Soudan campait sur sa position selon laquelle il est essentiel de parvenir à un accord entre l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie avant que ce dernier n'entame cette opération. En d'autres termes, le Soudan rejetait l'accord proposé par l'Ethiopie le méga-barrage controversé qu'Addis-Abeba construit sur le Nil. « Je ne peux pas accepter la signature d'un accord partiel pour la première phase [de remplissage du réservoir], car cela pose des problèmes techniques et juridiques qui doivent être réglés », aurait déclaré le premier ministre soudanais Abdallah Hamdok, selon un communiqué du ministère soudanais de l'irrigation. Pour sa part, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukri, avait envoyé le 1er mai une lettre au président du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) mettant en garde contre l'impact sur « la sécurité et la paix dans la région » du remplissage du barrage sans obtenir au préalable l'accord de l'Egypte et du Soudan. Les négociations entre les trois pays se poursuivent depuis des années, avec peu ou pas de progrès. Mais si Addis-Abeba a toujours été intransigeante vis-à-vis des propositions du Caire, la position de Khartoum a fluctué. Les Etats-Unis et la Banque mondiale depuis novembre 2019 parrainent les discussions visant à trouver un accord entre les trois protagonistes. En mars 2015, l'Egypte avait signé avec l'Ethiopie et le Soudan la Déclaration de principes en vertu de laquelle l'achèvement et l'exploitation du barrage étaient subordonnés à la conclusion d'un accord global entre les trois Etats. L'année dernière, après plus de quatre ans de négociations non concluantes et sans l'Ethiopie, l'Egypte avait paraphé un texte que le Soudan avait refusé de signer en l'absence de l'Ethiopie, qui s'était absentée des négociations finales organisées par les Etats-Unis. La donne a semble-t-il changé avec le Soudan qui s'est aligné sur l'Egypte qui depuis, repousse les plans d'Addis-Abeba pour le remplissage du réservoir du Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD) prévu cet été. Le président soudanais renversé, Omar Al-Bashir, avait longtemps favorisé le camp éthiopien dans les négociations, par dépit envers l'Egypte (Frères musulmans renversés du pouvoir par Al-Sissi). Mais la position soudanaise a commencé à virer lorsque Al-Bashir a lui-même été renversé. Les responsables gouvernementaux égyptiens estiment sérieuses les déclarations des autorités éthiopiennes à propos du processus de remplissage lors de cette saison des pluies, avec ou sans accord avec l'Egypte et le Soudan. « Nous ne pouvons ignorer le fait qu'ils pourraient commencer le remplissage. Quelle que soit la quantité d'eau qu'ils extraient du Nil bleu, ce serait une violation des accords juridiques [existants], et une indication que l'Ethiopie veut nuire à l'Egypte et au Soudan », a déclaré un responsable gouvernemental. Cette semaine, des sources égyptiennes ont estimé que le barrage était achevé à près de 85%, ce qui signifie qu'il est techniquement possible de stocker de l'eau dans le réservoir. En construction depuis 2011, le GERD (La Renaissance) est un méga barrage gravitaire avec un réservoir capable de stocker 74 milliards de m3. Il s'agira du plus grand barrage hydrologique du continent, conçu pour générer 6 450 mégawatts. Le Soudan et l'Egypte qui font face à une pénurie croissante d'eau craignent que ce barrage de 145 mètres de haut ne restreigne leur accès à l'eau lorsque le réservoir commencera à être rempli en juillet, selon la date indiquée par l'Ethiopie. Hamed Saleh, le négociateur en chef pour le Soudan dans les discussions sur le barrage sous la houlette de l'administration américaine, a pour sa part souligné le problème de « l'impact environnemental et social à long terme » du barrage.