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UNEM 2e partie : Entre le marteau et l'enclume, l'UNEM « Sapée comme jamais »
Publié dans Hespress le 14 - 06 - 2019

Depuis les années 80, et plus particulièrement avec la chute du mur de Berlin, un grand changement dans les idéologies a lieu dans le monde. On parle de fin des idéologies, de fin de l'histoire... on remarque après qu'il n'en est rien. Le monde arabe connait des troubles, et la montée de l'islamisme, qui par effet de contagion touche le Maroc jusque dans les universités. L'UNEM devient alors dans le collimateur des étudiants influencés par ce courant, et une scission se fait entre les différents courants de pensée, qui persiste jusqu'à aujourd'hui. Comment cette multiplication des courants a-t-elle mené à la fin de l'UNEM ?
Les années 70 ont été le vrai tournant pour le syndicat. Interdit par le pouvoir en 1973, il est passé à la clandestinité, ce qui a engendré une coupure entre les générations vu qu'il n'a été ré-autorisé que 5 années après, en 1978.
Entre-temps le système éducatif a commencé à connaitre des changements, avec les départements importants d'histoire et de sciences humaines arabisés en 1973. Le changement de la langue d'enseignement, comme cité dans la première partie, a produit un gap entre les élites et la classe moyenne montante.
En 1978, dans la suite de cette politique, a été introduit un département d'études islamiques, et une arabisation des départements de philosophie.
Pourtant pour le politologue Mohamed Darif, auteur d'un livre sur le sujet : « L'arabisation n'est pas responsable de l'entrée des islamistes à l'université, car si on voit les choses en général, il n'en est rien, c'est une arabisation incomplète et mal comprise, deuxièmement les changements sont dus à la nature des courants politiques. »
Contacté par Hespress FR, Darif illustre ses propos en déclarant : » Quand la gauche était forte, et les courants socialistes puissants ça se reflétait sur l'université. Mais quand il y'a eu un changement dans le panorama général, et la domination des courants islamistes sur l'université c'était dû à des changements internationaux, et régionaux avec la montée de ce courant en Iran, en Algérie... donc la situation n'est pas due à la langue. »
Qu'est-ce qui faisait la force des étudiants dans les années 60 et 70 ?
Khalid Chergraoui, Professeur de l'enseignement supérieur et chercheur à l'Institut des Etudes Africaines – Rabat explique qu'« À l'époque le niveau d'information était faible, de même que le niveau d'instruction, donc l'étudiant faisait partie de la crème de la société, aujourd'hui avec la diplomation à outrance, les choses ont changé, surtout que l'université n'a pas changé d'option. »
« L'université et l'école après l'indépendance, étaient là pour former les cadres de l'Etat Marocain, pour remplacer les Français. Le problème c'est qu'elle est toujours en train de former des cadres, qui n'arrivent pas à être intégrés. Le marché économique cherche des profils autres que ceux que l'université présente, les écoles publiques ont un peu changé, mais ce n'est pas vraiment ce qui était recherché par le marché», a-t-il déclaré à Hespress FR.
La déchéance
Les années 80 : Les gauches ne s'unissent plus
C'est à partir de 1982 que le courant islamiste issu de la Chabiba Islamya et d'autres courants, considérés comme pro-gouvernementaux à un moment donné, ont commencé à intégrer la sphère universitaire, avant de prendre en otage l'UNEM à la fin des années 80.
La faiblesse qui a touché l'UNEM est venue directement après le 17e congrès en 1981, à Rabat. Ré-autorisée en 1978, elle renaît avec le 16e congrès, et après 3 ans, a eu un arrêt de travail sans que l'Etat ne donne aucun nouvel ordre d'interdiction de l'Union, car il y'a eu un différend entre les factions, la gauche réformiste (UNFP, PPS) et la gauche radicale (Qaiidiyin).
Les travaux du congrès n'ont jamais été achevés, et les choses sont restées bloquées à jamais. Le dernier congrès de l'UNEM est celui-ci de 1981. L'UNEM entre ainsi dans une période de gel, et ce jusqu'à la fin des années 1980 où des voix se sont fait entendre, revendiquant le retour de l'UNEM et les autorités se défendaient en arguant qu'elles n'avaient pris aucune décision pour interdire l'UNEM.
Les années 90 : L'islamisation de l'UNEM
La montée en puissance des factions d'étudiants islamistes a commencé avec l'apparition de « al adl wa al ihsane » (1991), suivie de « al wahda wa tawasoul » (1992) actuellement nommé « tawhid wa islah », après ça est apparu un autre groupe islamiste, le groupe « talabat al mitaq » (1993).
Un certain moment, et on pouvait s'y attendre, s'est enclenchée une bataille entre les factions d'étudiants islamistes, et celle des gauchistes, ces derniers estimant que les étudiants islamistes n'ont aucun droit sur l'UNEM, car ils sont contraires aux principes de progressisme. La description en vogue à l'époque est que l'islamisme est un courant obscurantiste qui n'a aucune relation avec l'UNEM.
Au début il y'avait une guerre entre les islamistes et les gauchistes, puis une autre crise est apparue entre les différentes factions islamistes elles-mêmes. Ce sont les étudiants du « adl wa al ihsan » qui ont pris l'initiative de restructurer l'université partant des programmes de l'UNEM.
Depuis le début des années 90 les étudiants, de ce groupe en particulier, ont pris la parole au nom de l'UNEM, et ça constituait un point de conflit, car les gauchistes ne les reconnaissent pas, de même que certaines factions islamistes (wahda wa tawassoul) qui n'étaient pas d'accord.
Les étudiants d'« Al adl wa al ihsan » avaient voulu organiser un congrès exceptionnel pour remettre en marche les structures de l'UNEM, mais ils n'ont pas réussi.
Le coup de grâce
Dans ce contexte ce qui va aggraver la crise c'est le mémorandum d'accord tripartite (al moudakira toulatiya) en 1997, considéré comme le coup de grâce pour l'UNEM.
Ce mémorandum veut dire que l'UNEM n'est plus, et ceux qui s'y sont accrochés et qui y sont restés attachés sont les étudiants du « adl wa al ihsan », qui jusqu'à maintenant agissent sous la bannière de l'UNEM.
Les étudiants suivant le courant du « tawhid wa islah » ont pris un autre chemin en créant leur propre union estudiantine, qui s'appelle actuellement « Mounadmat tajdid toulabi », et va dans le sens du mémorandum de 1997 qui veut que le travail soit fait à partir d'organisations estudiantines loin de l'UNEM, et c'est pourquoi actuellement c'est la seule organisation reconnue.
Qui est responsable ?
Après 1997 l'UNEM n'a plus de présence légale, elle ne constitue donc plus une force qui dérange le système en place, ni une institution de proposition, ni un mouvement social important. En son sein il y'a plusieurs groupuscules dont plus de la moitié est islamiste, et le reste est départagé entre des options culturelles comme les amazighistes et les Sahraouis, et les tendances politiques de gauche, mais qui sont en totale contradiction parfois. Il n'y a plus d'Union et tous se réclament de l'UNEM, mais la vraie UNEM n'est plus.
Pour l'historien Khalid Chergraoui, « celui qui a tué l'UNEM, c'est le pouvoir. Et le pouvoir a commis une erreur, car il n'a plus de répondant, il n'a plus devant lui quelqu'un avec qui s'entretenir... il faut toujours trouver quelqu'un avec qui parler, négocier, et discuter et s'asseoir à table. »
Il ajoute que « L'intelligence politique veut que tu ne détruises jamais ton ennemi à 100 %, et laisse lui une échappatoire. Il faut toujours garder les interlocuteurs en politique, quand tu n'en as plus c'est grave... et avec tous ces groupuscules c'est la pagaille totale.
Si ça n'avait pas été le cas, il y aurait au moins une part des étudiants dans la discussion générale. »
UNEM, une ombre d'un passé glorieux
En 2018, l'UNEM n'est plus qu'une ombre lointaine et les syndicats étudiants sont zappés des débats qui préoccupent les jeunes, parmi lesquels les programmes éducatifs en premier lieu, la qualité de l'enseignement, l'utilité des diplômes, l'accès au monde du travail...
Dans l'éparpillement général, chaque manifestation, chaque revendication fait parler d'elle un moment avant de passer à l'oubli. Un socle unificateur essentiel n'existe plus, sinon dans les réseaux sociaux qui ont parfois réussi à mobiliser les masses. Pourtant ces derniers ne contiennent pas l'essentiel, un « phare » qui oriente, tout le monde parle de tout, personne ne sait de quoi il s'agit.
Quelle est la situation actuelle des étudiants face à une éducation qui ne tient plus ses promesses ?


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