L'ex-président égyptien Housni Moubarak a quitté le commun des mortels le 25 février courant à l'âge de 91 ans. Il a été le « Rais » du pays des pharaons de 1981 à 2011, date du déclenchement du printemps arabe, un vent qui a également soufflé en Egypte, entrainant dans son sillage le pouvoir de Moubarak, qui a toutefois refusé de quitter son pays pour lequel il s'était battu en tant que pilote de l'armée de l'air. Avec une carrière militaire plus qu'honorable, Housni Moubarak a grimpé tous les échelons de l'armée pour devenir vice-président d'Anouar Sadate en 1975. Il succédera à ce dernier, assassiné en 1981 dirigera l'Egypte pendant 30 ans avec une main de fer. Hespress Fr revient sur les relations maroco-égyptiennes du temps de Housni Moubarak et pour ce faire nous avons consulté le politologue Mohamed Tajeddine El Houssaini, professeur des relations internationales à la Faculté de droit d'Agdal à Rabat à ce propos. Pour l'universitaire, les relations entre le Maroc et l'Egypte étaient des plus fraternelles et basées sur les principes essentiels des Nations unies, notamment la non-ingérence dans les affaires internes de chacun et le règlement de tous les conflits par les voies pacifiques. Les deux Etats avaient également en commun le souci d'encourager l'action arabe commune par le biais de le Ligue arabe, au sein de laquelle ils voulaient établir un bon modèle de la fraternité inter-arabe, nous dit-il. « Il ne faut pas oublier que le Maroc et l'Egypte sont considérés parmi les principaux acteurs sur la scène arabe et ont leur poids sur la scène internationale, notamment pour ce qui est de la cause palestinienne qui était considérée par les deux pays comme une cause centrale de la population du monde arabe », ajoute Tajeddine El Husseini. Il y a également un rapprochement en ce qui concerne le modèle économique entre les deux pays, souligne le politologue, faisant noter en ce sens que « le Maroc depuis son indépendance a refusé le modèle politique du parti unique. Le Royaume a également rejeté l'économie socialiste ou communiste, la même voie qui a été empruntée par Housni Moubarak à son accession au pouvoir en Egypte ». L'histoire n'est pas en reste, poursuit-il, rappelant que le Maroc avait combattu aux côtés des Egyptiens lors de la guerre du Kippour d'octobre 1973 contre les Israéliens, contribuant ainsi à la libération du Canal de Suez et de Gaza. « C'est vrai qu'à l'époque, Housni Moubarak n'était pas encore président, mais il était vice-président et avait beaucoup de pouvoir pour quelqu'un qui était pilote de l'air et concerné par l'armée. Et ces relations spéciales se sont poursuivies pendant très longtemps », estime-t-il. Pour la mémoire, le politologue revient revient aussi à l'année 1976, et plus exactement lors des guerres d'Amgala 1 et Amgala 2, lorsque le Maroc avait incarcéré un grand nombre de soldats algériens, notant que c'est Housni Moubarak, qui était à l'époque vice-président en Egypte, qui était intervenu pour régler cette question et libérer les soldats et officiers algériens. El Husseini se remémore également une « anecdote » longtemps relayée à son époque, quand la guerre des sables a éclaté entre le Maroc et l'Algérie, des soldats et officiers égyptiens avaient été capturés par la partie marocaine. « Feu Hassan II, en visite officielle en Egypte, avait +livré+ tous les détenus égyptiens, dont un certain Housni Moubarak« , fait savoir notre interlocuteur. Tous ces événements, soutient-il, ont contribué à instaurer une relation fraternelle basée sur la le respect mutuel, la concertation et la coopération au service des intérêts communs aux deux pays et deux peuples. Economie de rente et Printemps arabe Notre interlocuteur revient également sur le printemps arabe qui a eu raison de plusieurs régimes de la région, dont celui de Moubarak. « Le printemps arabe égyptien a directement pointé Hosni Moubarak, considéré comme une personne qui a encouragé l'économie de rente, quelqu'un qui a accordé beaucoup de privilèges à son entourage et sa famille, à la faveur d'une +guerre+ entre les classes sociales dans son pays». Après la chute de Moubarak, « on a immédiatement constaté que c'est l'institution militaire qui domine le pouvoir en Egypte d'où son retour à la tête du pays. Et maintenant, avec Abdelfatah Al Sissi on essaie de réinstaurer le schéma qui dominait du temps du Rais », explique-t-il. Cette fidélité à l'institution militaire et ses symboles s'est également vue lors des funérailles de Moubarak. Le défilé, la présence même de Sissi et l'hommage qu'il lui a rendu, étayent cette thèse, estime l'expert en relations internationales, faisant observer que l'actuel président a salué la mémoire d'un « héros de la guerre d'octobre 73, qui a rétabli la dignité et la fierté de la nation arabe ». Cela veut dire, estime Tajeddine El Husseini que « l'époque de Housni Moubarak » va s'inscrire en continuité, notamment en termes de gestion de l'économie et la politique du pays. L'expert retient également un autre point qu'il estime important: Housni Moubarak et après le déclenchement du printemps arabe en 2011, n'a pas fui son pays à l'image d'autres chefs d'états comme l'ex-président Tunisien, Zine El Abidine Ben Ali. « Cela trouve son explication dans la formation militaire, une formation à l'honneur. L'histoire n'oublie jamais les positions des chefs d'Etat quand il s'agit d'une menace très très forte, comme celle qui a confronté le président tunisien Ben Ali. Il a pis la fuite du jour au lendemain parce qu'il n'a pas pu résister », fait-il observer. Et d'ajouter que : « Housni Moubarak est quelqu'un qui a une personnalité très forte. D'abord, c'est un militaire et un pilote de chasse. C'est quelqu'un qui a participé à des guerres, notamment celles de 67 et 73. Et puis il a participé à la construction de son pays après la libération de Sina et du Canal de Suez. Ce n'était pas un simple égyptien naïf, mais une personne qui a une personnalité assez forte ». Raison pour laquelle, poursuit notre interlocuteur, Housni Moubarak a essayé de résister aux courants du printemps arabe, « et il s'est présenté très fort devant le tribunal, a fait ses déclarations et justifié sa politique ». « D'ailleurs, même après sa libération, il est resté dans sa résidence. Et à mon avis, il a continué à jouir du respect de tout le monde, y compris ceux qui l'ont poursuivi » conclut Tajeddine El Husseini.