L'affaire a été découverte par hasard. Et ce sont huit millions de barils de pétrole qui sont en jeu et dont le gouvernement tunisien a perdu les bénéfices. Du coup, le Premier ministre, Youssef Chahed, sévit et limoge d'un seul coup, ce vendredi 31 août, le ministre de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables, Khaled Gaddour, et le secrétaire d'Etat chargé des Mines, Hachem Hmidi, ainsi que d'autres hauts responsables. La simple découverte qu'un investisseur exploite, dans les zones côtières de Monastir, un champ pétrolier sans disposer d'un permis, a mis le feu aux poudres et dévoilé les « failles procédurales » ayant permis aux mis en cause de bénéficier, depuis 2009, des revenus du champ pétrolier de « Halk El Menzel », exploité illégalement. Halk El Menzel figure parmi les principaux champs en Tunisie, avec une réserve de 8,1 millions de barils, alors que la Tunisie produit 15 millions de barils annuellement. Sa production atteindrait 15 mille barils au cours de la première période d'exploitation contre une production nationale quotidienne de pétrole estimée à 39 mille barils, soit une contribution supplémentaire dudit champ, dans la production nationale, à hauteur de 30% par jour. Des enjeux de taille ! Selon le porte-parole du gouvernement, Iyed Dahmani, « l'investisseur tunisien a sollicité le Chef du gouvernement pour inaugurer le champ pétrolier 'Halk El Menzel' au cours des prochaines semaines mais après vérification, il s'est avéré que le délai d'exploitation de son permis d'exploitation a expiré depuis 2009 ». Les services du ministère de l'Energie n'ont pas averti l'investisseur tunisien, au cours de la période 2009-2018, concernant l'expiration du permis relatif au champ « Halk El Menzel » et aucune mesure n'a été prise à cet effet, a précisé Dahmani lors d'une conférence de presse. Il a, à cet égard, déploré le fait que cet investisseur ait bénéficié de toutes les incitations fiscales accordées dans le cadre du code des hydrocarbures en poursuivant son activité tout au long de cette période de manière illégale. La durée d'exploitation dudit champ pétrolier est de 50 ans selon un accord d'exploitation conclu en 1979, mais après l'adoption du code des hydrocarbures en 1999, le propriétaire du permis, obtenu en 2006 auprès de son détenteur initial, a choisi d'adhérer au code précité pour bénéficier de plusieurs avantages notamment fiscaux, ce qui a induit une réduction de la durée du permis à 30 ans au maximum. Tolérance Zéro ! Quelques heures après le limogeage de ces responsables, Youssef Chahed a souligné qu'il n'y a aucune ligne rouge dans la guerre contre la corruption et nul ne bénéficie de l'immunité dans cette guerre. « Nous aspirons à un Etat de droit et de transparence », a-t-il lancé en marge d'une réunion du conseil de gouvernement, ajoutant que l'Exécutif va prendre toutes les mesures nécessaires pour consacrer un surcroît de transparence dans le secteur de l'énergie.A ce propos, Chahed a déclaré avoir confié à l'Instance de contrôle général des services publics (ICGSP) et à l'Instance de contrôle général des finances l'ouverture d'une enquête à ce sujet avant de soumettre l'affaire à la justice. « L'impulsion de l'investissement dans le secteur de l'énergie ne signifie point le pillage des richesses du peuple tunisien ou leur exploitation ne manière non transparente », a-t-il tenu à préciser, relevant que ces actes « sont dangereux et inadmissibles, et ne peuvent être tolérés ».Outre le ministre et le secrétaire d'Etat, Youssef Chahed a également remercié le Directeur Général et le Président directeur général de l'Entreprise Tunisienne d'Activités pétrolières (ETAP).Il a également décidé de rattacher le ministère de l'Energie, des Mines et des Energies renouvelables à celui de l'Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises et de créer une commission d'experts rattachée à la présidence du gouvernement afin de restructurer le ministère et réviser le mode de gouvernance du secteur des énergies et des mines.