Le nouveau président algérien, Abdelmajid Tebboune (74 ans) qui est entré en fonction ce jeudi, débute son mandat dans des conditions pour le moins peu optimales au vu d'une Algérie dont il hérite, socialement, politiquement et économiquement, sens dessus dessous. Comme s'il n'avait pas d'épineux problème intérieur à gérer ou régler, il a fait, une fois de plus et d'entrée de fonction, référence au Maroc qui semble-t-il pour le bonhomme, est un sujet « vendeur ». La contestation du système politique en Algérie est plus décriée que jamais et au regard de l'accueil de son premier « mardi des étudiants », où il a pu apprécier l'avant-goût amer de bienvenue de la part la rue, on peut dire que la tâche qui attend le septuagénaire est d'une ampleur inimaginable. Et à ce chapitre, sitôt son « intronisation » à la plus haute fonction de l'Etat d'Algérie, consommée, l'éphémère Premier ministre d'Abdelaziz Bouteflika, sera confronté à un drôle de test en ce vendredi 20 décembre, au 44ème acte du Hirak. Hespress FR, a consulté à ce propos le politologue Mohamed Tajeddine El Houssaini, professeur des relations internationales à la Faculté de droit d'Agdal à Rabat et fin connaisseur de la question algérienne. Il nous a livré une lecture sereine et pertinente de la situation en Algérie après l'avènement « attendu » à la tête de l'Etat de Abdelmadjid Tebboune. «Pour comprendre la personnalité du nouveau président algérien, il faut remonter un peu dans le temps. Il fait partie de cette vieille garde que la rue algérienne rejette et que d'aucuns surnomment les +boumedienistes+. Dans son cursus de formation, on se rend compte qu'à l'origine il fait partie des premières promotions de l'ENA d'Alger. Il est donc un homme de l'administration», commence par nous expliquer le politologue. Soumission à l'armée Pour étayer: « Que cherche-t-on lorsqu'on est lauréat de cette école en Algérie, si ce ne sont des postes administratifs pour servir le pouvoir en place? C'est donc une pratique politique qu'impose l'autorité centrale qui sera appliquée. A son époque, elle se voulait démocratique dans le +sens soviétique du terme qui prévalait dans les années soixante+ si l'on peut dire, c'est-à-dire répressive et surtout sous les ordres ». Abdelmadjid Tebboune, ajoute Tajeddine Husseini, « a occupé le poste de wali dans différentes régions d'Algérie avant que de devenir responsable de plusieurs ministères. Il est parvenu éphémèrement à la Primature et a été évincé par le clan Bouteflika. Cependant, il lui est resté soumis jusqu'à la fin et la meilleure preuve en est qu'il a défendu contre la volonté du peuple, corps et âme la cinquième candidature de Abdelaziz Bouteflika». Poursuivant son analyse de la personnalité controversée du président algérien, notre interlocuteur précise qu'il (Tebboune) développe la servitude présidentielle à l'endroit de l'Institution militaire. « Aujourd'hui s'il est au pouvoir, il ne faut pas se leurrer, c'est à sa soumission à l'armée qu'il le doit et il répondra docilement aux diktats de Gaïd Salah, vrai homme forme de l'Algérie ». Déphasage avec la réalité Pour ce qui est des déclarations, pour le moins maladroites, de Tebboune concernant le Maroc, Tajeddine Husseini met en avant que «le Maroc est un sujet vendeur pour le président algérien. Il est donc tout-à-fait normal qu'il soit incapable de saisir le sens du message du Roi Mohammed VI pour répondre aussi perfidement de travers. On sait ce que pensent les cerveaux musclés de l'ANL quant à nos provinces sahariennes. Abdelmadjid Tebboune n'est qu'un pantin. Il est sous les ordres, il n'est donc pas surprenant que de relever son décalage flagrant avec la réalité quand il déclare que +l'affaire du Sahara est une question de liquidation du colonialisme+ ». Et notre interlocuteur de se demander quel est l'intérêt de l'Algérie à vouloir défendre l'indéfendable. « On pourrait aussi retourner la question pour connaître le vrai colonisateur car que cherchent les Généraux d'Algérie à travers le dossier du Sahara si ce n'est une ouverture sur la façade Atlantique de par une politique d'hégémonie pour enclaver le Royaume. C'est un complexe qu'ils cultivent depuis que le Maroc a décidé de recouvrer son Sahara, mais c'est dans leurs rêves », nous affirme l'expert. Péril en la demeure Revenant en outre sur l'accueil réservé au nouveau « chef de l'Etat » algérien par la rue, qui lui a clairement signifié son « illégitimité » en dépit de la main qu'il a tendue vers le Hirak, Tajeddine Husseini est catégorique: « Personne n'est dupe en Algérie et la rue est incrédule. Les manigances de l'armée, elle ne les connait qu'assez. Ni le scrutin présidentiel, et son verdict avec l'élection du pantin Tebboune +au premier tour+, ni cette offre improbable de dialogue et d'une éventuelle révision de la constitution algérienne, n'ont convaincu. Ahmed Gaïd Salah et l'ANL détiennent les clés du pouvoir, c'est un fait indéniable. Et le nouveau président avec ou sans sa langue de bois, est aux ordres comme il l'a été toute une carrière administrative durant ». Et de conclure avec une note d'inquiétude pour le peuple du voisin de l'Est: « Maintenant, à mon avis le Hirak persistera. Mais en l'état actuel de la situation, il y a péril en la demeure pour l'avenir de l'Algérie. L'investiture de Abdelmadjid Tebboune ne va pas manquer d'amplifier le mouvement du Hirak et lui donner encore plus de dynamisme. On a vu par le passé et notamment dans les années 1990, quelles ont été les conséquences de la contestation : Une période sombre et meurtrière de l'histoire de ce jeune pays, dite "décennie noire" où 200.000 Algériens avaient péri ».