Le Haut-Commissariat au Plan (HCP), a publié les premiers résultats de l'enquête sur la violence à l'encontre des femmes au Maroc, réalisée entre février et juillet 2019. Il en ressort que « parmi 13,4 millions de femmes âgées de 15 à 74 ans, plus de 7,6 millions ont subi au moins un acte de violence, tous contextes et toutes formes confondus durant les douze mois précédant l'enquête, soit 57% de la population féminine ». Dans son rapport, dévoilé à l'occasion de la campagne nationale et internationale de mobilisation pour l'élimination de la violence à l'encontre des femmes, le HCP nuance toutefois que « la tendance générale de la violence à l'égard des femmes au Maroc s'oriente à la baisse principalement en milieu urbain », précisant qu'en dépit de son caractère structurel, la violence a entamé globalement une tendance à la baisse entre 2009 et 2019. Le milieu urbain plus violent Sur un plan géographique, le Commissariat d'Ahmed Lahlimi relève que la prévalence de la violence faite aux femmes est de 58% en milieu urbain (5,1 millions de femmes) et de 55% en milieu rural (2,5 millions de femmes rurales) Et de faire valoir que dans le sillage de la tendance à la baisse observée, la part des femmes ayant subi au moins un acte de violence a régressé de 6 points de pourcentage, passant de 63% à 57% si l'on considère uniquement la population cible de 2009 des femmes âgées de 18 à 64 ans. La baisse est de 10 points en milieu urbain et de près d'un point en milieu rural, note-t-il. L'enquête révèle, par ailleurs, que les prévalences des violences psychologique et physique ont respectivement diminué de près de 9 points, passant de 58% à 49%, et de 2 points, passant de 15% à 13%. En revanche, est-il souligné, celles des violences économique et sexuelle ont augmenté respectivement de près de 7 points à 15% et de 5 points à 14%, de même que ces tendances sont relevées dans les deux milieux de résidence hormis la violence physique qui a connu une hausse de 4 points en milieu rural, passant de 9% en 2009 à 13% en 2019. Le milieu domestique plus marqué Par espace de vie, le contexte domestique, englobant le contexte conjugal et familial (y compris la belle-famille), demeure le plus marqué par la violence, avec une prévalence de 52% (6,1 millions de femmes) enregistrant une hausse de 1 point par rapport à 2009. Le HCP indique, en outre, que les autres cadres de vie ont connu une baisse de la violence en particulier dans l'espace public où la prévalence est passée de 33% à 13%, suivi par le lieu d'enseignement avec une baisse de 5 points à 19%. L'évolution de la violence différenciée par milieu de résidence révèle des tendances inversées, traduites par une baisse en milieu urbain et une hausse en milieu rural dans tous les espaces de vie, à l'exception du lieu public marqué par une baisse dans les deux milieux, indique-t-on. A noter que l'enquête du HCP a approché l'un de ses déterminants à travers sa perception par la population marocaine dont les valeurs et les comportements sont des facteurs d'éclairage de sa latence et de la persistance de certaines de ses manifestations. Elle a couvert l'ensemble du territoire national, avec un échantillon de 12.000 filles et femmes et 3.000 garçons et hommes âgés de 15 à 74 ans. La « cyber-violence », nouvelle forme de violence Sur un autre registre, le Haut-Commissariat au Plan évoque la « cyber-violence », comme étant une « nouvelle forme de violence ayant émergé avec le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication et l'expansion des réseaux sociaux ». Celle-ci, précise-t-il, touche près de 1,5 million de femmes au Maroc, « avec une prévalence de 14%, par le biais de courriels électroniques, d'appels téléphoniques, de SMS, …etc ». Le risque d'être victime de ce type de violence est plus élevé parmi les citadines (16%), les jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans (29%), celles ayant un niveau d'enseignement supérieur (25%), les célibataires (30%) et les élèves et étudiantes (34%), relève le HCP, précisant que cette forme de violence est dans 77% des cas le fait d'une personne inconnue. Le reste des cas de cyber-violence revient, à part égale de près de 4%, à des personnes ayant un lien avec la victime notamment le partenaire, un membre de la famille, un collègue de travail, une personne dans le cadre des études ou un(e) ami(e). Les femmes se taisent moins L'enquête du HCP relève, de même, que 10,5% des victimes de violences contre 3% en 2009 (près de 18% pour la violence physique et moins de 3% pour la violence sexuelle) ont déposé une plainte après l'incident auprès de la police ou d'une autre autorité compétente, par contre, elles sont moins de 8% à le faire en cas de violence conjugale contre 11,3% pour la violence non conjugale. Et de souligner que la résolution du conflit par consentement, l'intervention de la famille, la crainte de la vengeance de l'auteur de violence, le sentiment de honte ou d'embarras particulièrement en cas de violence sexuelle, sont déclarées comme principales causes qui empêchent les victimes à déposer une plainte auprès des autorités compétentes. Par ailleurs, le recours des victimes à la société civile suite à la survenue de l'incident de violence ne concerne que 1,3% des femmes. Il est de 2,5% pour les victimes de la violence conjugale contre 0,3% en cas de violence dans les autres cadres de vie.