Conjoncture oblige, deux relèvements successifs du taux directeur (TD) ont été décidés par le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), lors de ses 3 et 4e réunions trimestrielles au titre de l'année écoulée. A l'heure actuelle, un nouveau compromis se dégage à l'approche du premier conseil de 2023, en faveur d'un nouveau tour de vis de la politique monétaire. Motivés notamment par l'accélération de l'inflation qui continue d'être alimentée par les pressions externes qui se diffusent aux biens et services non échangeables, le passage du TD à 2,5% en décembre au lieu de 1,5% en juin 2022 avait pour but, selon BAM, de « prévenir tout désancrage des anticipations d'inflation et favoriser le retour de l'inflation à des taux en ligne avec l'objectif de stabilité des prix ». Maintenant que la conjoncture économique reste toujours marquée par la crise géopolitique, les séquelles de la pandémie, le durcissement des conditions monétaires et l'accélération du niveau d'inflation, les analystes trouvent « plus probable » une nouvelle hausse du TD lors du prochain Conseil. Une conjoncture difficile et des arbitrages complexes Ce premier conseil de BAM en 2023, prévu mardi prochain, intervient dans un contexte national et international particulier, marqué par la persistance d'un niveau élevé de l'inflation de 8,9% à fin janvier, une amélioration de la distribution des crédits bancaires en dépit de la légère correction à la hausse des taux débiteurs, une poursuite de l'accélération de la masse monétaire (notamment sa partie liquide), des perspectives de croissance favorables grâce au bon déroulement de la campagne agricole 2022/2023 et la consolidation de certaines branches tertiaires à l'image du tourisme et du transport, ont indiqué les analystes de la CDG Capital Insight, dans un flash pré-conseil. La même situation conjoncturelle a été mise en évidence d'ailleurs par le Wali de BAM, Abdellatif Jouahri, mardi, à l'occasion de la Conférence nationale sur l'environnement des affaires, soulignant que « les séquelles de la pandémie s'imbriquent avec les implications du conflit en Ukraine, dont notamment les perturbations des chaînes d'approvisionnement, l'accélération de l'inflation, et comme corollaire, une hausse des taux, un durcissement des conditions de financement, un ralentissement de l'activité économique, et tout récemment, l'enclenchement de ce qui pourrait devenir une crise bancaire aux Etats-Unis ». Lire aussi : BAM: les industriels optimistes pour les trois prochains mois Le Wali a dans, ce sens fait savoir que « cette conjoncture complexe nous amène à des arbitrages encore plus difficiles », affirmant que « ces décisions peuvent certes avoir des impacts indésirables à court terme, mais le coût de non-action est largement plus élevé à moyen et long termes ». Ainsi, eu égard à l'ensemble des évolutions et perspectives, ainsi qu'à la forte volonté de l'institut d'émission de maintenir l'ancrage des anticipations d'inflation, les analystes de la CDG Capital Insight ont tablé sur une hausse, pour la troisième fois consécutive, de 50 pbs du TD, le ramenant ainsi à 3%. TD: la hausse de 100 pbs demeure insuffisante Sur la base des indicateurs de haute fréquence publiés par BAM, la CDG Capital Insight relève, dans son analyse, que la transmission des deux hausses du taux directeur, de 100 points de base (pbs), au titre des deux derniers Conseils de la Banque, vers les taux débiteurs et créditeurs demeure partielle. Ainsi, précisent les analystes, en dépit de la hausse des taux débiteurs, le rythme d'accroissement, en glissement annuel, des crédits bancaires au secteur non financier s'est fortement accéléré pour passer à 8%, en glissement annuel, enregistré à fin 2022 contre seulement 2,9% une année auparavant. Ce fort rebond résulte de la progression conjuguée des crédits au secteur privé, particulièrement les entreprises, sous format de crédit à l'équipement et des facilités de trésorerie, que ceux destinés aux entreprises publiques ayant connu une envolée importante au cours des deux derniers mois de l'année écoulée. Au volet dépôts bancaires, le processus d'accentuation de la liquidité des dépôts, entamé depuis le déclenchement de la crise de la Covid-19, se poursuit mais à un rythme plus atténué avec une baisse, en glissement annuel, des dépôts à terme de 4,6% à fin janvier 2023 contre un accroissement de 8,8% des dépôts à vue et de 11,3% pour la circulation fiduciaire, soutiennent les experts.