Les exportations de fruits et légumes marocains n'ont pas la cote ces dernières semaines. Poivrons, haricots verts, melons... des cargaisons entières ont été refoulées de plusieurs pays européens à cause des pesticides. Une pratique que dénoncent les associations représentant les consommateurs au Maroc. Le mois dernier, les autorités tchèques ont retiré de leur marché les poivrons d'origine marocaine importés d'Espagne en raison de la présence excessive de certains pesticides, dépassant de cinq à six fois leur limite maximale de résidus (LMR). Même chose en Allemagne pour des poivrons, mais aussi des haricots verts importés via l'Italie, ou encore en France, pour des melons biologiques qui contenaient un pesticide interdit. Les cas d'exportations refoulées s'accumulent, et face à ce constat, plusieurs questions se posent à échelle nationale: le Marocain consomme-t-il trop de pesticides dans son alimentation quotidienne ? L'usage actuel des pesticides au Maroc présente-t-il des dangers pour la santé du consommateur ? Les associations représentant les consommateurs alertent sur l'usage et la vente non contrôlés des produits phytosanitaires dans le royaume. « Le consommateur marocain est clairement en danger. Le nombre de cancers déclarés au Maroc est le principal témoin de ce que vit le secteur phytosanitaire. Selon l'OMS, la consommation de manière indirecte des résidus de pesticides représente l'une des causes de cancer. C'est prouvé scientifiquement que certains pesticides sont nocifs pour la santé. C'est pourquoi l'Union européenne a refoulé plusieurs cargaisons et le plus grave, c'est qu'il y avait des produits agricoles marocains traités par des substances interdites à l'échelle internationale. C'est là où le bât blesse. Ça veut dire qu'au Maroc, il y a des pesticides interdits qui circulent, qui sont utilisés, et que le consommateur marocain consomme », alarme Bouazza Kherrati, président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC), contacté par H24Info. « Le problème n'est pas l'usage en soi de pesticides, mais l'emploi de pesticides interdits, périmés ou en surdosage, couplé à un non-respect du délai de la récolte », met-il en relief. « Les pesticides, on s'y baigne ! » Le représentant pointe du doigt le laxisme et le manque de rigueur dans le contrôle de l'usage des produits phytosanitaires. « Comment se fait-il que les produits exportés, qui subissent pourtant deux contrôles en interne (ONSSA et Morocco Foodex) et un 3e contrôle du pays importateur, se retrouvent épinglés pour des pesticides interdits ? Cela démontre qu'au Maroc, les pesticides, on ne les utilise pas, mais on s'y baigne ! », déplore ironiquement Kherrati qui note par ailleurs que ces incidents auront de lourdes conséquences économiques pour les exportateurs marocains envers qui de plus en plus de pays risquent d'être méfiants. En plus de la découverte de ces cargaisons non conformes, le président de la FDMC souligne qu'on ne sait pas si ces dernières sont détruites ou revendues sur le marché national. « Nous n'avons aucune information sur le devenir des produits refoulés. S'ils sont revendus au Maroc, c'est grave, c'est un crime de lèse-majesté, une atteinte au consommateur marocain, d'autant qu'il consomme déjà des produits non contrôlés dans son pays. Si on lui redonne en plus les produits non acceptés par les autres pays, c'est la catastrophe ».
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Le manque de contrôle des produits phytosanitaires au Maroc est dénoncé par les associations de consommateurs et en particulier au niveau des points de vente, le « talon d'Achille de ce secteur ». « Les pesticides sont en vente libre au Maroc, les vendeurs ne sont pas contrôlés. On peut trouver des produits phytosanitaires dans les souks ou magasins agricoles vendus sans considération aucune des réglementations. Le problème du contrôle se situe en amont et en aval », explique à son tour Ouadie Madih, président de la Fédération Nationale des Associations du Consommateur (FNAC). « Nous avons deux filières de vente de produits agricoles: les marchés de gros, qui sont soi-disant contrôlés, mais sans aucune rigueur, et le secteur informel dont les produits ne sont en général ni contrôlés ni surveillés, et le consommateur peut les acheter sans connaître leur teneur en pesticides. En tant que fédération, nous avons demandé à ce que ces produits soient réglementés ainsi que leur commerce. Il n'y a aucune raison que les médicaments pour humains et animaux soient réglementés, et pas pour les végétaux », poursuit le représentant. « Des lois ambigües » Il y a bien des lois qui réglementent le secteur, notamment la loi n° 28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires et la loi n° 13-83 relative à la répression des fraudes sur les marchandises. Mais les représentants de consommateurs regrettent qu'elles soient « ambiguës » ou « peu appliquées ». « La loi 13-83 exclut les produits végétaux frais de tout contrôle. Elle s'applique seulement lorsqu'ils sont emballés. C'est un handicap pour le consommateur. Depuis des années, et plus particulièrement depuis l'instauration du Plan Maroc Vert, notre fédération n'a pas cessé d'écrire au ministre de l'Agriculture pour amender cette loi, et faire en sorte que les produits d'origine végétale soient soumis à un contrôle strict en matière d'usage abusif des pesticides », reprend Bouazza Kherrati. Un décret de cette loi prévoit pourtant les conditions d'étiquetage des produits afin que le consommateur soit informé de « sa composition pouvant avoir un effet néfaste sur la santé de certains groupes de consommateurs; sa durée de validité, ses conditions de conservation et son utilisation; ses incidences éventuelles sur la santé y compris les risques et conséquences liés à une consommation inappropriée ou abusive dudit produit ». « Si les autorités ne contrôlent ni ne veillent à ce que chaque produit soit étiqueté conformément aux dispositions de la loi, on peut vendre n'importe quoi sans se soucier des risques générés. Une loi ne sert absolument à rien si elle n'est pas appliquée sur le terrain », s'insurge Ouadie Madih, président de la FNAC.
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Face à la vente anarchique des produits phytosanitaires, les représentants appellent à mettre en place une formation encadrée des vendeurs. « Les doses à appliquer par produit sont définies par les fabricants. Pour que l'agriculteur les respecte, il faut que le vendeur lui explique les marges de dépassements. À chaque produit correspond une limite de résidus obligatoire. Mais l'agriculteur n'est pas sensibilisé », ajoute le président de la FDMC, insistant sur la voie de la formation comme solution. Du côté des textes réglementaires, un projet de loi adopté en janvier 2020 en Conseil du gouvernement et remplaçant la loi 42-95, s'apprête à être discuté par la Chambre des représentants. Relatif au contrôle des pesticides nocifs, le texte vise le renforcement des capacités des autorités compétentes en matière d'évaluation des risques et de contrôle des produits phytopharmaceutiques, dans le but de limiter l'utilisation des produits les plus dangereux. L'objectif étant également d'enrayer la vente illégale des pesticides agricoles et des produits composés essentiellement de matières très nocives. Un projet de loi auquel ne se fient pas pour le moment les représentants de consommateurs consultés. Ils insistent sur le fait que c'est l'application et non l'existence de la loi qui fait défaut.