Notre chroniqueur Abdellah Tourabi revient non sans ironie sur les polémiques à répétition provoquées par des publications sur les réseaux sociaux. L'heure au Maroc est à la recherche d'un nouveau modèle de développement économique et social, pour réduire les inégalités et donner un nouveau souffle à l'économie nationale. Mais il y a encore plus urgent, plus grave et plus important : trouver un nouveau modèle d'utilisation d'internet et des réseaux sociaux. Cela devient une question de santé mentale, de paix sociale et même de survie. Car pourquoi créer une commission qui se chargera d'imaginer l'économie de demain et l'école du futur, alors que la société marocaine d'aujourd'hui -telle qu'elle se manifeste et s'exprime sur les réseaux sociaux- est folle et hystérique ? Je propose donc de réfléchir à ce nouveau modèle d'utilisation d'internet et des réseaux sociaux, et voici mes modestes propositions: Tout doit commencer par une fermeture pour travaux, un shutdown total, débit 0. Même les photos de chats doivent être bannies. Maroc Telecom coupe internet pendant trois ans et l'armée confisque les ordinateurs et les Smartphones. Trois ans de ralentissement économique valent mieux qu'un pays perdu à jamais, et ça nous fera des économies d'énergie et de neurones . Tout marocain de plus de 7 ans doit se présenter obligatoirement devant une commission scientifique composée de psychiatres et de Moqadems. Il passe ensuite un test psychologique pour vérifier si il n'est pas porteur de l'un des sept troubles suivants : l'agressivité, l'opportunisme, le fanatisme, l'imposture , la niaiserie, le narcissisme et la non-maitrise de l'orthographe. Des détecteurs de mensonge et des moqadems se chargent de vérifier les réponses. Les journalistes, les enseignants et les politiques sont obligés de passer ce test tous les mois, car ils sont les plus exposés à ces agitations mentales. A la fin du test, et en fonction des résultats, des forfaits seront livrés pour utiliser les réseaux sociaux. Pour chaque trouble constaté et selon sa gravité, on réduit les heures d'accès. En ce qui concerne les cas désespérés, on décrète une interdiction totale d'utiliser internet. Un périmètre de sécurité de 500 mètres doit être installé entre eux et le clavier d'un téléphone ou d'un ordinateur. Pour ceux qui ont un problème avec l'orthographe, car ils ne sont pas très nocifs, on leur enlève seulement les lettres, on leur laisse les GIF et les émoticônes pour s'exprimer. Pour les commentaires politiques, je suggère une solution drastique et radicale: rassembler les gauchistes, les islamistes et les Makhzanistes dans un groupe fermé sur Facebook et les isoler hermétiquement. Un mur étanche doit les séparer des autres. Je vous laisse imaginer la paix et la sérénité d'esprit quand vous ouvrez votre portable le matin sans lire « Le pays va mal et c'est un complot du Makhzen, la pluie ne tombe pas car les femmes portent des jupes, le Maroc est le plus beau pays du monde, ya l3yach, Ya 3adw allah , ya 3adw al watan... ». Le ministère de l'Education nationale se charge d'organiser chaque trimestre une visite pour les élèves, afin d'observer ces gens se battre entre eux, et apprécier la douceur de vie qui couvre le pays sans le bruit et les fracas de leurs commentaires. Un élève qui manifeste soudainement une sympathie pour l'un de ces groupes doit être décontaminé immédiatement. La bêtise est contagieuse et la vie d'un enfant est une chose importante. Afin de combattre la niaiserie sur internet, il doit être formellement interdit d'utiliser des clichés comme «J'ai mal en mon pays, c'était mieux avant, l'islam est la solution.... ». Une affirmation de ce genre conduit à un retrait, provisoire ou définitif, du permis d'utiliser les réseaux sociaux. Une commission composée d'historiens sera nommée pour appliquer cette règle et apprécier la gravité du stéréotype utilisé. Sur Instagram, par souci d'originalité et de lutte contre la mièvrerie, les influenceuses sont condamnées à abandonner définitivement la moue de la bouche dite « cul de poule » et le regard mystérieux scrutant un horizon indéfini. Un peu de créativité, bordel ! Enfin, pour Twitter, une seule et unique proposition : égorger l'oiseau bleu, le bruler et disperser ses cendres dans quatre déserts différents du monde. De ses cendres naîtront certainement des scorpions et des vipères, tant que les entrailles de ce réseau sont emplies de haine, de ressentiment et de troubles relevant d'une psychiatrie lourde. Voici donc ma contribution, réaliste et objective, à l'élaboration d'un nouveau modèle d'utilisation d'internet et des réseaux sociaux, pour un Maroc paisible, serein et moins anxiogène.