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Difficulté d'apprentissage de la lecture ou réelle pathologie
La dyslexie chez l'enfant
Publié dans L'opinion le 07 - 05 - 2011


Bon ou mauvais génie… ?
Pathologie encore inconnue il y a quelques années, la dyslexie gagne en visibilité, voire en notoriété, jusqu'à devenir un qualificatif usuel en milieu scolaire. Mal inventé pour créer le besoin des dépenses ou véritable pathologie latente enfin identifiée ? Phénomène social et scientifique pour les uns : « Les dyslexiques sont le fruit de la dernière mutation neurologique de l'espèce humaine », une trouvaille de Béatrice Sauvageot, orthophoniste, signe de singularité et d'intuitivité unique par d'autres, on taxe souvent de cancre l'enfant qui présente des troubles de comportement alors qu'il y a des génies reconnus -outre-tombe le plus souvent- dyslexiques. On dit d'Albert Einstein, un des plus célèbres dyslexiques de son temps, qu'il a élaboré sa théorie de la relativité en se visualisant à cheval sur un faisceau de lumière, comme l'affirme l'Association des praticiens de la correction de la dyslexie, selon la méthode Davis…La dyslexie serait-elle l'œuvre du génie ? Etat des lieux…
Nos jeunes lascars n'ont rien du Malade imaginaire de Molière qui se fait faire des saignées, des purges et plein de pharmacopées pour arriver à ses fins. Il s'agit d'un véritable trouble avec de véritables symptômes. C'est avant tout un dysfonctionnement cérébral ou psychique ayant des répercussions sur l'écriture et l'emploi du langage. Il n'existe pas de vraie théorie qui puisse justifier les différentes situations des difficultés d'apprentissages scolaires, ce qui a engendré moult tentatives des spécialistes scientifiques de trouver une issue à ce phénomène, spécialement depuis qu'il s'est amplifié parmi les écoliers.
Ce dysfonctionnement a été identifié vers 1881 par Oswald Berkhan en Allemagne. Cet ophtalmologiste désigne alors des difficultés pour de jeunes garçons face à la lecture et l'écriture en l'absence d'altération des autres capacités. Le terme dyslexie n'a été appliqué à cette identification que 6 ans plus tard par Rudolf Berlin et 4 ans plus tard par l'Organisation Mondiale de la Santé, soit en en 1991.
Aujourd'hui, l'Organisation Mondiale de la Santé estime que la dyslexie touche 8 à 12 % de la population mondiale, dont 1 à 2 % très sévèrement. Elle frappe trois fois plus de garçons que de filles et se retrouve davantage chez les gauchers. Pas de quoi s'inquiéter, selon Béatrice Sauvageot qui, selon elle, la dyslexie est loin d'être un défaut : « (les dyslexiques) utilisent la langue neurologique, mais si on leur enseigne notre lexique, ils sauront utiliser les deux. Ils seront alors bilexiques ». Les petits dyslexiques seraient-ils de grands génies ? A en croire l'Histoire, de nombreux éminents chercheurs scientifiques ont eu une enfance/scolarité mouvementées et peu brillantes à cause des gribouillis qui leur tenaient lieu de chiffres, de lettres et de dessins, inintelligibles mais qui se sont révélés par la suite précieux, faisant leur célébrité par la force des choses. C'est à croire que leurs capacités spirituelles particulières, qui sont peut-être derrière leur difficulté d'acquisition du langage oral ou de la lecture, sont responsables de leur génie. Léonard de Vinci, auteur de la première machine à voler, qu'on dit n'avoir véritablement appris à lire qu'à 40 ans, dessinait des formes illustrées par une écriture illisible à moins de la refléter en miroir. Albert Einstein, paraît-il, n'aurait parlé qu'à 5 ans, Auguste Rodin n'aurait distingué les lettres et les mots qu'à 10 ans, mais encore Albert Einstein, Auguste Rodin, Leonard de Vinci, Thomas Edison, Hans Christian Anderson, Gustave Flaubert, Alexander Graham Bell, Walt Disney, Steven Spielberg, Tom Cruise, pour ne citer que ces exemples. Des célébrités qui n'ont pas toujours eu la vie facile. Mais tous avaient de grandes capacités créatrices, qui nous fascinent encore aujourd'hui.
Des symptômes révélateurs
C'est un trouble spécifique qui touche les mécanismes de l'écrit et de la lecture chez le jeune apprenant. Elle affecte 5 à 10 % des enfants scolarisés et s'avère beaucoup moins handicapante que la dysphasie, un trouble central lié au langage verbal. La dyslexie se caractérise par un retard de deux ans dans l'apprentissage de la lecture. Certains cas peuvent endurer aussi la dysphasie.
L'OMS définie la pathologie comme des « troubles spécifiques du développement des attitudes scolaires ». Son diagnostic est établi au moyen d'un bilan pluridisciplinaire mené par un professionnel médical qui permet d'éliminer d'autres causes.
« L'un des deux points suivants doit être présent pour pouvoir identifier ce trouble, déclare Mme Ilham Houssni, orthophoniste : Un score de capacité de lecture et/ou de compréhension se situant au moins deux erreurs standard en dessous du niveau attendu sur la base de l'âge chronologique et de l'intelligence générale des enfants, et un antécédent de difficultés sévères de lecture ou de scores aux tests satisfaisants au critère précédant mais à un plus jeune âge.
De plus, le trouble interfère de façon significative sur la réussite scolaire ou les activités de la vie quotidienne nécessitant les aptitudes de la lecture. Le trouble n'est pas la conséquence directe d'un déficit d'acuité visuelle ou auditive ou d'une affection neurologique (…) Le QI n'est pas inférieur à 70 sur un test standardisé administré individuellement.
Par ailleurs, l'enfant dyslexique est normalement intelligent, n'a pas de troubles de l'audition ni de la vision, il ne souffre pas de troubles psychologiques primaires. Certaines dyslexies peuvent être révélées tardivement.».
Manifestations
Les symptômes de la dyslexie diffèrent d'un sujet à l'autre. Elle se manifeste par soit par des difficultés de dénomination rapide automatisée, des confusions spatiales et séquentielles, des confusions entre les lettres de forme voisines, ex : p-b-d-q-m-n-, ou-on, f-t-j-l, ou encore des inversions de lettres dans une syllabes, des inversions des syllabes dans un même mot. Elle peut se manifester aussi par des élisions et achoppements, des confusions auditives et une conscience phonologique perturbée, des incapacités à prononcer un mot nouveau, des difficultés dans la manipulation de syllabes ou de mots ayant un lien similaire. Sans parler des difficultés dans l'apprentissage des bruits des lettres (les phonèmes), tels que « r » et « l », des confusions sourdes - sonores, ex : doux devient tout, c-g, p-b, ch-j, f-v, mais encore des substitutions de mots graphiquement proches ou des difficultés de compréhension dans la lecture d'un texte. La dyslexie peut enfin se manifester par des difficultés dans la lecture des noms - mots et des difficultés de mémorisation concernant la mémoire verbale à court terme et la mémoire de travail et de lecture.
Prise en charge scolaire
La maîtrise du langage à l'école –dire, lire, écrire- est une condition indispensable à la réussite scolaire. Le rôle des partenaires (familles, enseignants, professionnels de la santé, associations) est le repérage, qui incombe aux enseignants qui se doivent d'identifier, au sein du groupe classe, les enfants en difficulté de langage. Le dépistage systématique revient aux services médicaux, dépistage qui repose sur une formation spécifique et l'utilisation d'outils validés et étalonnés pour identifier les enfants en difficultés langagières. Le diagnostic est une démarche pluridisciplinaire comprenant au minimum un bilan de langage, un examen médical et un examen psychologique.
Les mesures de prise en charge scolaire reposent sur un cadre pédagogique adapté pour comprendre, accepter, amener à accepter la dyslexie, faciliter la concentration, restaurer la motivation et l'estime de soi, sans moquerie, aider à l'organisation, prendre en compte la fatigue et la lenteur générées par le trouble, adapter la communication adressée à l'élève, faciliter la mémorisation, compenser les difficultés à copier/à écrire, compenser les difficultés à lire, compenser les difficultés motrices. Après l'aménagement scolaire, les solutions les plus courantes qui sont préconisées : l'orthophonie, la sémiophonie, la psychomotricité, l'ergothérapie, la psychologie, l'apprentissage par les sens, la réorientation, l'analyse des troubles posturaux, logiciel de dactylographie.
L'enseignant est tenu de travailler en partenariat avec les spécialistes afin de bénéficier de leurs conseils, ainsi qu'avec les parents, pour comprendre le parcours des élèves dyslexiques. Le rôle de l'école est essentiel dans le repérage des difficultés langagières et d'autres troubles pouvant freiner l'acquisition normale de la langue orale et écrite. Déceler rapidement une difficulté passagère peut éviter sa fixation dans sa forme pathologique et la création d'une angoisse dans l'entourage de l'enfant. Ainsi, un bégaiement chez un enfant de 4 ans n'est parfois qu'une phase normale de l'installation de son langage. Le rôle de l'enseignant consiste à repérer l'enfant qui parle ou lit mal. Le relais doit être alors pris, au sein de l'école, par les enseignants spécialisés et les rééducateurs, ou à l'extérieur par des médecins ou orthophonistes.
L'Association Mazagan de dyslexie, une ruche jeune et dynamique
Soucieuse d'aider les enfants présentant des troubles d'apprentissage, l'Association Mazagan de dyslexie compte une dizaine de membres, dont une orthophoniste, un psychomotricien, un assistant social, des enseignants et des parents d'élèves dyslexiques. Même la présidente n'est pas étrangère au métier médical. Madame Najat Bechar est en effet infirmière de métier.
L'association existe depuis un an et demi. Elle organise des visites aux écoles des deux secteurs, privé et public, afin de faire connaître la pathologie aux enseignants ainsi que des tests par l'orthophoniste pour détecter les cas non déclarés. Une centaine d'enfants a été détectée à ce jour dans les écoles visitées. Le rôle de l'Association Mazagan est de sensibiliser les enseignants à ce problème et les inciter à aider les enfants dyslexiques à étudier selon leur rythme.
Un seul psychomotricien, une seule orthophoniste exerçant dans le domaine public desservent la ville et ses alentours : Azemmour, Sidi Bennour, etc. Autant dire la charge de travail de ces deux spécialistes qui peinent à trouver du temps à toutes leurs activités et à tous leurs petits patients.
Avis de l'orthophoniste
Madame Ilham Houssni est membre de l'Association Mazagan et travaille d'arrache-pied en collaboration avec l'association pour combattre ce phénomène responsable de bien des décrochages scolaires. Nous l'avons rencontrée lors d'une réunion de l'Association que nous sommes allés voir pour cerner de près la problématique et voir ce qui se fait pour venir en aide aux enfants atteints de dyslexie. Elle nous a fourni une explication détaillée du jargon lié à la pathologie comportementale : « La dyslexie est une difficulté durable d'apprentissage de la lecture et d'acquisition de son automatisme, chez des enfants intelligents, normalement scolarisés, indemnes de troubles sensoriels et de troubles psychologiques préexistants. En particulier, ils inversent et confondent les lettres ou les syllabes des mots. Ni les parents, ni les enseignants ne sont responsables de ce trouble spécifique d'apprentissage.
« Des difficultés de la lecture, autres que la dyslexie, existent. Il s'agit de Déficit auditif (hypoacousie : le langage oral est perturbé dans son ensemble avec confusion de phonème et non pas seulement à la lecture), des troubles de la vue, des troubles de l'élocution, le désintérêt global d'origine affectif et le bilinguisme. L'orthophoniste est le professionnel de santé qui s'occupe de la rééducation de la voix, de la parole et des troubles du langage oral et écrit et intervenant dans les domaines curatif et préventif auprès des enfants, d'adolescents, d'adultes et de personnes âgées en difficulté dans leur communication. Bref, de la prise en charge de ce trouble dysfonctionnel.
Ilham Houssni s'occupe de la rééducation des troubles du langage, qu'il soit oral ou écrit. Elle nous explique les démarches à faire pour le dépistage et le traitement de la pathologie : «La 1ère démarche consiste à faire examiner l'enfant par le pédiatre ou l'ORL qui vont écarter les problèmes de vision, d'audition, de malformations physiques, puis par le psychologue afin de vérifier si l'enfant ne présente pas de troubles psychiques, puis le soumettre à l'orthophoniste pour le bilan. Une fois la pathologie détectée, une prise en charge orthophonique est nécessaire et, si besoin est, une prise en charge psychomotricienne peut être envisageable. Le diagnostic est en fait pluridisciplinaire. La prise en charge l'est aussi car elle implique les parents, l'entourage de l'enfant dyslexique, le corps enseignant et un excellent soutien et adaptation scolaire.
Par ailleurs, le diagnostic doit se faire tôt dans la scolarité et l'âge de l'enfant. Selon Mme Houssni, il doit se faire à l'âge de 7-8 ans (CE2 plus ou moins, car l'enfant est toujours en apprentissage pendant sa première année scolaire).
Des symptômes déroutants pour une pathologie invisible à l'œil nu, en « apparence » bénigne comparativement aux maux physiques, mais qui peut au fond constituer un véritable handicap pour la scolarité, surtout si elle n'est pas dépistée, entraînant l'échec scolaire et l'abandon des bancs de l'école. L'orthophonie est l'une des spécialités médicales qui aident le mieux à comprendre les troubles de la communication, oraux et écrits, et à les rééduquer. La prévention en orthophonie permet d'intercepter les problèmes de langage oral ou écrit suffisamment tôt pour éviter de voir des enfants en situation de retards importants qui vont nécessiter une rééducation longue et difficile.
La prise en charge débute par le repérage. L'enseignant, en collaboration avec les parents, est le mieux placé pour repérer un enfant qui présente des difficultés d'apprentissage.
Au niveau de la maternelle, l'enseignant peut repérer les troubles du langage oral, facteurs de risque de difficultés ultérieures éventuelles dans l'acquisition du langage écrit, ou les difficultés de graphisme. À partir du CP, les difficultés d'apprentissage apparaissent en lecture, orthographe, calcul et graphisme.
Dans les familles qui comptent déjà parmi elles des dyslexiques, il est nécessaire de redoubler d'attention car 70% des dyslexiques présentent des antécédents familiaux, les cas pouvant être très différents d'une famille à l'autre et passer inaperçus. Un retard ou des difficultés de parole (mauvaise articulation, omission, déformation des phonèmes) signalent aussi un problème. De même que la persistance d'un échec scolaire, alors que l'enfant se montre vif et intelligent.
Les difficultés les plus fréquentes rencontrées par les dyslexiques sont la confusion des lettres de formes voisines : le d et b ; le q et p, celle des sons ch. et j, t et d, k et g. Des difficultés phonologiques séquentielles et de mémorisation. Les dyslexiques éprouvent des difficultés à faire correspondre les sons entendus aux lettres qui les représentent et inversement.
» Ils ont aussi du mal à respecter l'ordre de l'alphabet, les jours de la semaine, les mois et mémorisent avec peine le langage oral et écrit, alors qu'ils se rappelleront très bien des événements vécus.
Les troubles de l'attention, les difficultés dans l'acquisition de l'automatisme de lecture, la peine à suivre les rythmes scolaires, les difficultés à s'orienter dans le temps ou dans l'espace peuvent révéler une dyslexie, tout comme une tendance à une hyperactivité et une certaine maladresse dans les gestes, des difficultés d'écriture (dysgraphie), des difficultés de calcul (dyscalculie). Sa gravité dépendra cependant davantage de l'intensité de ces troubles que du cumul.
Le dépistage
»C'est au début de la deuxième année scolaire CE 2 que le dépistage est le plus sûr car tout enfant à ses débuts en lecture peut présenter les symptômes apparents de dyslexie et faire des inversions. Ces difficultés normales ne deviennent pathologiques que lorsqu'elles persistent au-delà de la première année.
»Une lecture lente, laborieuse, une mauvaise orthographe chez un enfant intéressé à l'oral, bon en calcul et dans les matières d'éveil pourront aussi donner l'alerte.
Il est nécessaire pour les parents de prendre le problème énergiquement en main d'abord en contactant les enseignants, en consultant un médecin ORL et un ophtalmologiste afin de s'assurer que l'enfant entend et voit bien.
L'avis du médecin traitant devra être pris avant de procéder à un bilan complet chez l'orthophoniste, le psychomotricien et le neuropsychologue afin de poser le diagnostic de dyslexie et d'envisager la rééducation adéquate.
Le diagnostic
» Il nécessite souvent les compétences de différents professionnels réunis au sein d'une équipe pluridisciplinaire (neuropsychologue, médecin, orthophoniste, psychologue, psychomotricien, …)
Avant le début de l'apprentissage scolaire (avant 6 ans) les outils sont destinés à repérer, dépister ou diagnostiquer les troubles du langage oral et à repérer des signes prédictifs de troubles des apprentissages scolaires (Après 6 ans, ils ont pour objectif de repérer, dépister ou diagnostiquer les troubles des apprentissages. (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie …)
La rééducation
»Il existe une grande diversité de méthodes de rééducation et d'entraînement et une partie d'entre elles découle directement des différentes théories explicatives de la dyslexie.
Elles portent sur l'entraînement des capacités phonologiques de l'enfant, la rééducation de la lecture avec des méthodes souvent différentes de celles possibles en classe, la mise en place de stratégie de compensation pour permettre à l'enfant de contourner les déficits identifiés.
La méthode Borel Maisonny vise à établir une relation gestuelle entre le schéma écrit et le phonème correspondant.
La méthode Chassigny consiste à laisser l'enfant s'exprimer par écrit et l'arrêter à chaque erreur pour lui dicter sur un mode rythmique une succession de mots apparentés au mot erroné. La psychothérapie est souvent utile dans ce cas.
L'adaptation scolaire
»Les mesures de prise en charge scolaire reposent sur un cadre pédagogique adapté pour comprendre, accepter, amener à accepter la dyslexie, faciliter la concentration, restaurer la motivation et l'estime de soi, prendre en compte la fatigue et la lenteur générés par le trouble, compenser les difficultés à copier, à écrire, à lire, dédramatiser les erreurs, favoriser les évaluations par questions orales ou par questions multiples, accorder du temps en réduisant la tâche.
Par ailleurs, une dyslexie mal prise en charge peut compromettre très sérieusement l'avenir d'un enfant. Non reconnu dans ses difficultés, celui-ci peut développer des troubles du comportement et s'enfoncer dans un échec scolaire durable. Le sentiment de différence est tel que les enfants peuvent aussi, dès le CP ou le CE1, présenter des signes dépressifs.
Il est rare qu'un dyslexique puisse dire : « Plus aucun mot nouveau ne me cause problème ». Certains enfants, adolescents ou adultes garderont des difficultés de lecture de mots rares et complexes, d'étude de grandes quantités de matière ou d'apprentissage des langues étrangères. Ils accumulent souvent un retard en grammaire, en conjugaison ou encore en orthographe.
»Certains enfants réagissent mieux car ils sont plus volontaires, plus patients, plus intelligents. L'association de troubles associés joue également, particulièrement le trouble de l'attention et de la mémoire, la dyslexie dépend de tout un système cognitif, d'où l'importance d'un bilan multidisciplinaire. »
La Psychomotricité à la rescousse des dyslexiques
Cette autre discipline rejoint l'orthophonie dans la rééducation des troubles comportementaux mais cette fois-ci au niveau psychomoteur, c'est-à-dire des troubles des fonctions motrices intégrées dans l'activité psychique et adaptées aux besoins de la vie relationnelle. M. Rayan Sami, un autre membre de l'Association Mazagan de la Dyslexie, a levé le voile sur certaines questions relatives à la pathologie et son traitement du point de vue motricité.
Entretien avec Rayan Sami, psychomotricien :
« Dès les premiers pas à l'école, l'enfant dyslexique se révèle être d'une intelligence normale ou parfois supérieure à la norme »
L'Opinion : Orthophoniste, psychologue, psychomotricien, quelle différence entre les trois disciplines?
M. Rayan Sami : Le psychomotricien est un professionnel de santé au même titre que le kinésithérapeute et l'orthophoniste. Il exerce sa profession auprès d'enfants et d'adultes qui présentent des difficultés d'adaptation au monde à cause d'une intégration perceptivo-motrice perturbée. La cause du déficit peut être un trouble psychomoteur à proprement parler mais aussi un tableau plus large où la difficulté perceptivo-motrice n'est alors qu'une partie de la désadaptation. On parle d'un champ d'action très large en fonction du lieu d'exercice de la profession. Le psychomotricien s'adresse donc à une population de différents âges au cours de la vie pour des actions de dépistage, de diagnostic, de prévention, d'accompagnement et de rééducation.
Très au fait du développement de l'enfant et des troubles neuro-moteurs, le psychomotricien tente d'apporter, par des mises en situation et des apprentissages spécifiques, une réduction du déficit ou une disparition même du trouble neuro-développemental visé. A défaut, il aide à la compensation et à l'intégration du sujet en prenant en compte ses déficits.
Si le cadre d'intervention est toujours le même : évaluation, diagnostic, construction d'un projet, réévaluation du travail effectué, les méthodes de thérapie sont, elles, riches et multiples. Elles empruntent à la recherche fondamentale comme à la recherche appliquée toute avancée qui pourrait aider le patient.
La psychologie, elle, se partage en nombreux types. Il existe des psychologues qui correspondent à une spécialisation de fin d'études : psychologue clinicien, scolaire, du travail, neuropsychologue, psychologue du développement...Celui auquel on s'adresse pour traiter des difficultés psychologiques est le psychologue clinicien.
Le psychologue est soumis à un code de déontologie qui lui impose par exemple le secret professionnel, l'obligation de se former régulièrement, de proposer des thérapies adaptées au patient qu'il reçoit. Le psychologue est libre de choisir ses propres outils thérapeutiques et ses propres méthodes de soin. Différentes formations existent, qui permettent aux psychologues de se spécialiser dans des disciplines précises : thérapies d'inspiration psychanalytiques, cognitivo-comportementales, systémiques, hypnose ericksonnienne...
Aucune technique n'est meilleure qu'une autre. Il s'agit surtout de trouver la méthode et le thérapeute qui s'adaptera le mieux aux attentes du patient.
Le psychologue clinicien peut proposer des entretiens à visée thérapeutique, des thérapies de soutien, des séances pour couple, ou pour groupe, des tests (de personnalité, d'intelligence ou de développement, neuropsychologiques, etc…).
L'Opinion : Quel est le rôle du psychomotricien dans l'encadrement des enfants dyslexiques?
M. Rayan Sami : Tout d'abord il faut signaler que la prise en charge psychomotrice de l'enfant dyslexique se fait après prescription médicale et après un diagnostic réalisé par une équipe pluridisciplinaire (orthophoniste, psychologue, psychologue scolaire, psychomotricien..).
L'accompagnement psychomoteur de l'enfant dyslexique se fait à plusieurs niveaux étant donné que la prise en charge psychomotrice est une approche holistique prenant en considération les difficultés psychiques se traduisant au niveau de l'investissement corporel. Il peut s'agir d'un mauvais ajustement du tonus musculaire qui va se traduire par une mauvaise écriture ou bien une maladresse gestuelle qui perturbe d'autres apprentissages…. A noter que la thérapie psychomotrice se fait dans un cadre ludique et séduisant pour l'enfant, ce qui permet à ce dernier de se libérer des tensions subites tant à la maison qu'à l'école.
L'Opinion : En quoi consiste le traitement de la dyslexie par le psychomotricien ?
M. Rayan Sami : Devant une dyslexie, il faut tout d'abord faire (en association avec les autres investigations) un bilan psychomoteur. Cet examen doit être le révélateur de l'état des principaux processus développementaux et maturationnels intéressant la psychomotricité.
Il doit être confronté à l'ensemble des résultats obtenus par les examens des autres disciplines (orthophonie, psychologie, orthoptie, neuropsychologie...) afin d'aider à contribuer à la pose du diagnostic et du pronostic évolutif.
Ce bilan doit faire l'examen de ces fonctions motrices et psychiques particulières à travers l'examen du schéma corporel, la latéralité, la structuration spatiale et temporelle qui sont des pré requis nécessaires à toute activité mentale, aux apprentissages scolaires et au développement de l'intelligence.
Donc, après ce bilan, le psychomotricien peut élaborer un projet thérapeutique individualisé à travers lequel on peut rééduquer les troubles psychomoteurs associés à la dyslexie qui affectent la triade: corps, espace, temps dans un cadre, comme déjà signalé, ludique et séduisant pour l'enfant.
L'Opinion : Existe-t-il des similitudes entre la dyslexie et d'autres dysfonctionnements du comportement chez l'enfant, et qui peuvent porter à confusion des 2 troubles?
M. Rayan Sami : C'est une question très importante car il ne faut pas oublier que l'enfant dyslexique est toujours mis en situation par l'entourage. La maîtrise du langage oral et écrit étant devenu une fin en soi et pas un moyen d'apprentissage, dès les premiers pas à l'école, l'enfant dyslexique, qui est d'intelligence normale ou parfois supérieure à la norme, va se mettre en comparaison avec ses camarades de classe : « pourquoi je n'arrive pas à bien lire comme eux? » L'enfant peut faire l'objet de moquerie de ses amis en classe ou bien d'une mauvaise compréhension de la part des professeurs qui peuvent être mal informés sur le sujet de la dyslexie. Toutes ces circonstances peuvent donner lieu à des troubles du comportement comme l'agressivité, l'hyperactivité, la phobie scolaire et donc au lieu de s'attaquer à la source du problème qu'est la dyslexie, on ne s'intéresse qu'aux symptômes déjà cités, d'où l'importance d'un suivi psychologique qui ne peut apporter que de bons résultats sur plusieurs volets, surtout l'estime de soi.
L'Opinion : La dyslexie est-elle une pathologie guérissable?
M. Rayan Sami : Dans la majorité des cas, la dyslexie est liée à un défaut de manipulation mentale des phonèmes. Le cerveau des enfants dyslexiques présente plusieurs anomalies caractéristiques : l'anatomie du lobe temporal est désorganisée, sa connectivité est altérée, son activation au cours de la lecture est insuffisante. Une forte composante génétique est impliquée et quatre gènes de susceptibilité ont été identifiés. On soupçonne qu'ils affectent la mise en place des neurones du cortex temporal au cours de la grossesse, cependant selon les spécialistes en neurosciences, ces anomalies n'impliquent pas que la dyslexie est incurable. De nouvelles stratégies de rééducation apportent un grand message d'espoir: fondées sur un apprentissage intensif par ordinateur, elles améliorent les scores de lecture et conduisent à une normalisation partielle de l'activité cérébrale des enfants dyslexiques, donc aucune preuve scientifique ne permet d'étiqueter les dyslexiques de porteurs d'une pathologie inguérissable. »
Des parents d'élèves dyslexiques témoignent :
Mme K., maman–courage : «Mon garçon a commencé à présenter des troubles d'apprentissage dès l'âge de 5 ans. Ses maîtresses m'avertissaient souvent qu'il a des difficultés à apprendre les lettres de l'alphabet, à les mémoriser. Elles me conseillaient de lui faire doubler son année car, disaient-elles, il n'était pas encore prêt à entamer le primaire et il risque de ne pas suivre le rythme normal des élèves. Je ne comprenais pas alors ce qui se passait ; je croyais qu'il était lent à comprendre ou qu'il faisait le pitre au lieu de se concentrer en classe. Il se comportait normalement à la maison, sinon il était hyperactif mais pas bête du tout.
J'ai refusé de lui faire doubler de classe et je me suis tuée à la tâche des révisions toute l'année. Au CP, le problème s'est accentué. Il ne pouvait pas lire un texte normalement, était lent en écriture, ses mots écrits étaient inachevés, des lettres y manquaient. Il inversait l'ordre des lettres et même les syllabes. « Ba » devenait chez lui « Ab » par exemple. Les avertissements des enseignants pleuvaient : il lisait mal ses textes, n'écrivait pas ses leçons, perdait ses affaires en classe, ne se concentrait pas sur ses cours. Il ne faisait que bouger et son esprit était tout le temps de la leçon ailleurs. Je retrouvais souvent la mention « Nul en orthographe » dans ses bulletins. Jusqu'à maintenant il ne peut pas lire et comprendre en même temps ce qu'il lit. Il a des difficultés à réaliser ce qu'il lit. On doit lui expliquer ce qu'il lit, sinon il risque comprendre de travers ou de ne rien comprendre du tout.
C'est à sa deuxième année du primaire que j'ai décidé de l'emmener voir une orthophoniste. Je commençais à entendre parler de la dyslexie et je me suis renseignée à ce sujet. Je reconnus mon fils dans les symptômes que je lisais dans les ouvrages. L'orthophoniste me confirme sa dyslexie. Elle me donne des exercices à lui faire faire à la maison qui entraînent la mémoire à se mémoriser. Ces exercices aidèrent beaucoup mon fils à s'améliorer. Ils consistaient à aider l'enfant à apprendre par mots (écrits en grands caractères afin que l'enfant les visualise bien et s'en souvienne) et par gestes. Oui, l'apprentissage pour les dyslexiques passe essentiellement par le visuel. A cela s'ajoute le fait que je lui ai fait changer d'établissement l'année d'après. Je l'ai placé dans une école où l'effectif est plus réduit et où l'enseignante s'occupe de lui personnellement et selon son handicap. Je lui ai fait aussi voir un psychologue.
En parallèle avec l'apprentissage à la maison, je passais mes soirées à l'aider à faire ses exercices, à vérifier le contenu de son cartable et son emploi du temps car il oubliait tout le temps ses fournitures scolaires, ses cahiers et ses livres à la maison (même chose à l'école), les devoirs et les révisions à faire à la maison. C'était un travail à temps plein … ».
Un travail qui dure depuis 7 ans déjà mais les résultats valaient le combat de longue haleine de cette maman qui y a laissé un peu de son souffle et de sa santé : « Mon enfant a repris confiance en lui, angoisse beaucoup moins. Avant, il paniquait quand il ne comprenait pas ou n'arrivait pas à exprimer ses idées. Il tombait même malade à force de bloquer face à l'orthographe. Il mentait, imaginait des choses, tricher, bref, il faisait tout pour s'en sortir. Je l'ai inscrit à une discipline sportive. Il est en train de s'épanouir doucement mais sûrement. Son enseignante de français l'appelle aujourd'hui « Monsieur dictionnaire ».
N., maman-combat
Si maman-courage voit des lueurs d'espoir pointer à l'horizon et note une amélioration palpable dans les comportements de son fils, Mme N., autre maman, n'est pas au bout de ses peines dans sa lutte pour vaincre la pathologie de son fils: « Mon fils avait un parcours scolaire normal; les ennuis ont commencé à l'âge de 7 ans. Sa maîtresse le traita un jour de « nul ». La réflexion me choqua et je partis lui demander la raison de son agissement. J'ai découvert que mon fils ne réussissait pas sa dictée. Il prononce les mots justes mais il n'arrive pas à les écrire. Il n'arrive pas à retenir la table de multiplication. Et c'est là que ma souffrance a commencé. Les maîtresses n'ont aucune idée sur la pathologie, à cela s'ajoute le fait qu'à El Jadida il n'y a presque pas de spécialistes des troubles dysfonctionnels. J'ai fait le tour de trois cabinets à Casablanca pour qu'enfin une psychothérapeute m'annonce que mon fils est dyslexique et qu'il lui faut un suivi régulier. Mon fils est en 6ème cette année. Tout son parcours n'est que souffrance et sacrifice. Le but de notre association est de sensibiliser tout le corps enseignant de la ville et faire savoir aux responsables de l'éducation que les dyslexiques ne sont pas des enfants nuls. Nous essayons aussi d'établir des contacts avec d'autres réseaux qui s'intéressent à la même question et nous espérons q'une loi soutenant ces enfants voit le jour.
Mon fils était en classe de CP ; il n'arrivait pas à faire sa dictée. Vous devez savoir que les enfants dyslexiques, quand on les prend individuellement, sont excellents, tout à fait normaux. C'est dans le groupe qu'ils se perdent. Ils n'arrivent pas à lire devant tout le monde à haute voix. Ce qui se passe est qu'ils cherchent à éviter d'être humiliés devant leurs camarades par n'importe quel moyen et là ils deviennent turbulents. C'est là que les enseignants disent que ces enfants sont gâtés alors que c'est faux. Ils souffrent et leur familles aussi. Mon fils s'améliore, il devient de plus en plus indépendant mais le problème d'écriture est toujours là, surtout en arabe. Notre combat vient de commencer. Les programmes sont trop chargés, et l'année prochaine ce sera le collège......... »
Si l'Association Mazagan pour la Dyslexie se démène avec les moyens de bord limités, un effectif médical réduit dans une ville où les spécialistes des troubles de comportements ne font pas légion et où la pathologie n'est pas encore passée dans les mœurs, elle vient de remporter une bataille haut la main et qui aidera largement les élèves qui souffrent de dyslexie. Ainsi, la délégation de la ville vient d'autoriser la sensibilisation au sein des écoles publiques, ce qui a permis aux membres de l'association d'effectuer des sondages auprès du corps enseignant, chose qui a révélé une méconnaissance totale de la pathologie par les enseignants et la manière de se comporter avec les enfants dyslexiques.
Elle a par ailleurs autorisé qu'on dépêche un assistant, un élève d'une classe inférieure que l'élève dyslexique, pendant les examens, pour lire les questions à l'élève et écrire ses réponses.
L'avis du psychologue-pédagogue ,
M. Abdallah Imzri:
« Il faut que tous les opérateurs sociaux, dont parents, éducateurs, environnement reconnaissent la dyslexie et l'accepter, surtout les parents qui ont souvent du mal à supporter l'idée d'avoir un enfant dyslexique, vivent mal cet état et le prennent pour une fatalité.
Les gens doivent surtout reconnaître que l'handicap existe en chaque Homme mais qu'il diffère d'une personne à l'autre. Ils doivent alors se comporter sans préjugés et en toute spontanéité avec l'enfant dyslexique afin de le mettre en confiance et de lui rendre son estime pour lui-même et pour ses compétences : « Nous sommes tous tenus de collaborer avec cette catégorie à travers des outils tels que la sensibilisation au sein de l'école et de la famille, la patience jusqu'à ce que l'enfant arrive à réaliser ses buts, sans avoir à répéter l'aide qu'on lui fournit, s'intéresser aux autres moyens de communication de temps à autre comme alternative à l'expression orale.
Pour les enseignants, je préconise les lectures de groupe de temps à autre, comme les comptines et les chansonnettes, afin de renforcer l'expression orale chez les enfants dyslexiques, ou le sport qui reste un moyen d'expression corporelle, surtout pour les sports de groupe car l'expressivité passe par le gestuel plus que par l'oral et là l'enfant se retrouve et s'affirme sans retenue et sans gêne.
Par ailleurs, il faut amener les enfants dans des endroits où ils peuvent s'exprimer librement et où rencontrer des personnes avec qui ils peuvent communiquer en toute aise et confiance.


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