Ni le «séisme» politique qui a conduit à son limogeage du gouvernement El Othmani, ni la lettre de protestation du Palais royal n'ont eu raison de la carrière politique de Nabil Benabdallah, qui vient de rempiler pour un troisième mandat à la tête du PPS. Un exploit qui mérite qu'on s'y attarde. Rappelez-vous. Le 24 octobre 2017, Mohammed VI limoge quatre ministres du premier gouvernement El Othmani. Parmi eux, le patron du Parti du progrès et du socialisme (PPS) Nabil Benabdallah, victime du rapport présenté par Driss Jettou au souverain sur les failles dans la gestion du projet «Al Hoceima, Manarat Al Moutawassit». À l'époque, d'aucuns n'auraient parié sur la survie politique de l'ex-ministre de l'Urbanisme, objet du courroux royal. Au Maroc, personne ne survit à un tel désaveu provenant de surcroit du Chef de l'Etat. Mais Benabdallah et ses camarades feront preuve d'une solidarité et d'une indépendance décisionnelle rare, dans un champ politique marocain habitué à fonctionner par «orientations» (Tawjihate). Benabdallah n'en était pourtant pas, au lendemain du «séisme» politique, à son premier différend avec l'institution monarchique. Septembre 2016, quelques semaines avant les élections législatives, le Palais royal rend public un communiqué dans lequel il s'attaque à Nabil Benabdellah, coupable d'avoir critiqué Fouad Ali El Himma lors d'une précédente interview avec l'hebdomadaire Al Ayam. «Les récentes déclarations de M. Nabil Benabdellah (...) sont un outil de diversion politique en période électorale, qui requiert de s'abstenir de lancer des déclarations non-fondées», avait réagit le cabinet royal dans un communiqué au vitriol qui visait le chef du PPS personnellement et non le «PPS, parti reconnu pour son rôle historique de militantisme et sa contribution constructive au processus politique et institutionnel national», tenait à préciser l'entourage royal, dans une tentative d'isoler Benabdallah du reste de son parti. Lire aussi: Vidéo. Nabil Benabdallah réélu pour un 3e mandat à la tête du PPS Pourtant, les leaders du PPS ne lâcheront pas leur patron, bien au contraire. Le PPS «demeurera fidèle à ses engagements en tant que formation politique unie autour de sa direction, dont le secrétaire général exprime, en tant que porte-parole officiel, les positions que requiert la vie politique», répondront les membres du «Politburo» du parti au livre, pour qui «le secrétaire général du PPS n'avait aucune intention d'inclure l'institution monarchique dans cette lutte partisane, somme toute normale dans un pays démocratique». Le même scénario s'est donc répété lors du « séisme » politique, une année plus tard. Les cadres du PPS soutiennent Benabdallah malgré son limogeage. Dix jours après le coup de balai du souverain, Nabil Benabdallah bénéficiera encore une fois du soutien du bureau politique du PPS, qui lui réitèrera sa fidélité en «se rangeant derrière lui». Les cadors du PPS ont même refusé, quelques jours plutôt, une lettre de démission signée des mains de Benabdallah. Le sort de Benabdallah contraste d'ailleurs avec celui d'un de ses plus proches alliés, Abdelilah Benkirane. Alors que l'ex-chef du gouvernement avait été poignardé par ses propres «frères» et éjecté de son poste de secrétaire général du PJD, Benabdallah a pu compter sur le soutien sans faille de son parti. Benabdallah a donc été réélu, avec 80 % des suffrages à la tête de son parti pour une troisième mandature. Un exploit qui renseigne sans doute sur le manque de relèves dont souffre le PPS, mais qui doit également être observé sous un autre prisme, celui du difficile combat pour l'indépendance de nos partis. Le PPS, un des plus anciens partis politiques du Maroc, a refusé de plier. Tant mieux pour la vie politique.