De nombreux experts et décideurs de haut niveau ont appelé, à Addis-Abeba, les dirigeants africains à veiller à ce que les besoins et les points de vue des femmes et des jeunes filles du continent africain soient pleinement intégrés aux efforts visant à construire des sociétés pacifiques, justes et inclusives. Même si les femmes africaines ont pu faire entendre leur voix au cours de la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin en 1995, les progrès réalisés ne sont toujours pas à la hauteur des engagements de la Déclaration et du Programme d'action de Pékin, a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, au cours d'une réunion de haut niveau au siège de l'UA à Addis-Abeba sur l'égalité des sexes et l'émancipation des femmes, en marge du 33eme sommet de l'Union africaine. A cette occasion, Guterres a salué le fait que depuis le 1er janvier, l'ONU avait pour la première fois de son histoire atteint une complète parité des sexes dans ses instances de gestion à haut niveau. "C'est une première étape vers une parité complète à tous les niveaux en 2028, ce qui reste un de nos objectifs fondamentaux", a-t-il déclaré. "Bien que nous comprenions maintenant clairement les avantages - et même la nécessité - de l'inclusion et de l'égalité des sexes pour parvenir à la paix et au développement durable, nos actions ne sont toujours pas à la hauteur", a-t-il ajouté. Réitérant le soutien de l'ONU à l'UA dans ses efforts pour surmonter les obstacles qui continuent à limiter le potentiel des femmes et des filles africaines, M. Guterres a également souligné qu'il était nécessaire de "permettre aux femmes de contribuer de manière significative aux communautés dans lesquelles elles vivent". Réaffirmant sa détermination à soutenir l'initiative "Réseau des dirigeantes africaines" (African Women Leaders Network) et le "Fonds pour le leadership des femmes africaines" lancé samedi, M. Guterres a également souligné la nécessité d'encourager les femmes et les filles africaines à développer des compétences scientifiques au moyen d'un meilleur accès à l'innovation et à la technologie. Le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, a fait écho aux propos de M. Guterres en soulignant qu'il était "inacceptable que les femmes du continent continuent à être les premières à souffrir de la violence et des conflits, une situation qui limite leurs contributions à l'économie". La présidente éthiopienne Sahle Work Zewde a quant à elle déclaré qu'il restait encore beaucoup à faire en termes de lutte pour l'égalité des sexes. "Malgré d'innombrables conférences, résolutions et débats, l'égalité des sexes est loin d'être atteinte", a-t-elle souligné. Cette réunion sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, qui se tenait dans le cadre de la 33e Assemblée des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA à Addis-Abeba, a été organisée par la Commission de l'UA, la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), ONU-Femmes, le Réseau des dirigeantes africaines et tous leurs partenaires.
Guterres appelle à des réponses collectives, globales et coordonnées aux défis de l'Afrique Abordant les défis auxquels sont confrontés les pays africains, le chef de l'ONU a estimé que ces défis restent "complexes, à multiples facettes et de grande envergure", mais une réponse "collective, globale et coordonnée" de la communauté mondiale s'appuyant sur les dynamiques en cours aiderait le continent à prospérer. "Depuis mon entrée en fonction, j'ai cherché à renforcer les liens entre nos deux organisations, sur la base de valeurs partagées, de respect mutuel, d'intérêts communs et, si je puis me permettre, de mon profond engagement personnel en faveur de la paix, de la prospérité et du bien-être de l'Afrique et de ma conviction que les défis de l'Afrique ne peuvent être résolus que par les dirigeants africains", a-t-il déclaré.
M. Guterres, qui n'a pas manqué de saluer les efforts complémentaires des deux organisations en matière de paix et de sécurité ainsi que de développement, a souhaité mettre en exergue trois défis particulièrement urgents, à savoir la paix et la sécurité, la crise climatique et l'éradication de la pauvreté. Le Secrétaire général a salué les nombreux succès en matière de paix et de sécurité au cours de l'année écoulée, menés à bien à travers les efforts conjoints ONU-UA, tels que les accords conclus en République centrafricaine et au Soudan du Sud. Aujourd'hui, le maintien de la paix dépend de partenariats solides, "tant avec les Etats Membres qu'avec l'Union africaine et le renforcement continu du partenariat entre l'Organisation des Nations Unies et l'Union africaine est une priorité absolue", a affirmé M. Guterres. Il a signalé que "non seulement que la plupart des opérations de maintien de la paix des Nations Unies se déroulent en Afrique, mais également que la plupart des casques bleus sont eux-mêmes africains". M. Guterres a rappelé que le maintien de la paix "dans sa forme traditionnelle" ne suffit pas là où il n'y a pas de paix à maintenir, tel que dans le Sahel. "Nous avons de plus en plus besoin d'opérations d'imposition de la paix et de lutte contre le terrorisme, mises en œuvre par l'Union africaine et appuyées par l'ONU", a ajouté le chef de l'ONU. "L'expérience du G5 Sahel et de la Somalie montre que ces opérations doivent être mandatées par le Conseil de sécurité, dans le cadre du chapitre VII de la Charte, et jouir d'un financement prévisible garanti par les contributions obligatoires", a-t-il précisé. M. Guterres a déploré le "manque soutien suffisant" de la communauté internationale qui laisse aujourd'hui les régions du Sahel et du lac Tchad "fragilisée par le terrorisme". Face au nombre et à la complexité croissants des attaques terroristes, notamment au Burkina Faso, au Mali et au Niger, il a appelé à "contribuer à bâtir des conditions propices à l'espoir et à l'accès aux opportunités pour tous pour que le peuple puisse en bénéficier entièrement". "Nous devons également mettre un terme au conflit Libyen", a lancé le chef de l'ONU, soulignant l'incidence majeure de la crise libyenne sur le Sahel et au-delà. "La Libye ne se serait pas enfoncée dans un conflit toujours plus grave et destructeur sans la complicité directe de certains membres de la communauté internationale", a dénoncé M. Guterres. "Les résolutions du Conseil de sécurité, y compris sur l'embargo des armes, sont bafouées avant même que l'encre n'ait séché. C'est un scandale inacceptable", a-t-il déploré. "Nous avons établis hier ensemble un nouveau cadre de partenariat entre l'Union Africaine et les Nations Unies pour une coordination étroite de nos efforts communs", a annoncé le chef de l'ONU précisant qu'il partageait les frustrations qu'éprouve l'Union africaine face à la situation qui règne en Libye depuis 2011. Il s'est dit encouragé par les pourparlers tenus à Brazzaville organisés par l'UA et a voué "tout son soutien" à l'organisation d'un forum de réconciliation intra-libyenne en Afrique. "Je continuerai d'insister que seule une solution politique, par et pour les libyens, apportera la paix en Libye et que toute intervention étrangère dans le conflit ne fera qu'aggraver la situation. Un cessez-le-feu immédiat est absolument essentiel", a martelé le Secrétaire général. S'agissant du climat, le secrétaire général a déploré le fait que l'Afrique est la moins responsable du dérèglement climatique et pourtant elle est parmi les premières et plus fortement touchées, signalant que "ses nations ont besoin d'aide pour renforcer leur résilience afin de s'adapter aux impacts inévitables à venir". L'augmentation de la température en Afrique est deux fois plus importante que la moyenne mondiale. "Nous devons être plus ambitieux en matière d'atténuation et, surtout dans l'intérêt de l'Afrique, plus ambitieux en matière d'adaptation et de financement afin de renforcer la résilience des pays et des communautés africains et de permettre un redressement et une reconstruction efficaces", a précisé le chef de l'ONU. La lutte contre les risques sécuritaires liés au climat dans la Corne de l'Afrique, en Afrique centrale et au Sahel doit être une priorité, a ajouté M. Guterres.
L'UA veut "faire taire les armes" en Afrique Le sommet annuel des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA s'est ouvert dimanche à Addis Abeba sur le constat amer de la multiplication des conflits sur le continent, ainsi que l'ambition affichée de l'organisation continentale de peser plus en vue de leur résolution. Après plusieurs sommets lors desquels les réformes de l'UA - notamment son financement - et la mise en place de mesures telles que la Zone de libre-échange continentale (ZLECA) ont occupé le devant de la scène, les débats se sont concentrés sur les conflits africains, comme en atteste le thème du rendez-vous continental: "Faire taire les armes". L'Union africaine a aussi rejeté dimanche le projet du président américain Donald Trump pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien, qualifié de "énième violation des multiples résolutions des Nations unies", par le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki. Evoquant "le terrorisme, les conflits intercommunautaires et les crises pré- et post-électorales", Moussa Faki a rappelé la variété des problématiques auxquelles l'Afrique doit faire face. Et souligné que si l'UA a récemment permis de faire avancer la paix en Centrafrique et au Soudan, de nombreux conflits persistent, comme en Libye et au Soudan du Sud, tandis que d'autres sont nés, notamment au Mozambique et au Cameroun. Appelant à assortir l'action militaire au combat contre les "causes profondes" des conflits, comme la pauvreté ou l'exclusion, M. Faki a s'est fait l'écho de la volonté de l'UA d'occuper un rôle plus important dans la résolution des conflits du continent et de cesser de laisser la main aux puissances et organisations extérieures. Placé sur le thème «Faire taire les armes : créer des conditions propices au développement de l'Afrique», le 33ème Sommet poursuit ses travaux, ce lundi à huis clos. Il devra réfléchir sur les moyens permettant de relever le défis sécuritaires, entre autres, pour ouvrir la voie à une Afrique pacifique et prospère.