Dans l'association "Jood", mouvement citoyen bénévole pour assister les sans-abri, l'on sait bien que pour restaurer la dignité de ces gens, que la vie a privé de tout ou presque, il ne faut surtout pas lâcher prise. Après avoir été contrainte d'arrêter son action de leur offrir un moment d'hygiène dans des bains maures, l'association emprunte un autre sentier, déterminée plus que jamais à réussir son combat pour assurer aux personnes sans domicile fixe le droit à la propreté et retrouver ainsi leur dignité. Il s'agit de la mise en service, à Casablanca, d'un camion-douche qui permettra aux sans-abri non seulement de prendre des bains, mais aussi de profiter des services d'un coiffeur et de recevoir des vêtements neufs. Objectif : permettre à des êtres humains, que la précarité extrême et les conditions de vie difficiles ont poussé à ne pas prendre soin d'eux, d'entretenir une bonne hygiène. Voulu opérationnel en juin dernier, le camion n'entrera en service que le 2 décembre prochain, le temps de délimiter sa couverture géographique, son circuit et ses arrêt. Ce processus est actuellement à l'étude en collaboration avec la Wilaya de Casablanca, dévoile à 2M.ma Hind Laidi, présidente de Jood. Au nom de "Jood Digne", ce premier véhicule de son genre à sillonner les rues casablancaises aura coûté 1,2 million de dirhams pour son acquisition et son aménagement (un montant pris en charge par la société Mecomar). D'un poids de 20 tonnes, il est équipé d'une citerne pouvant contenir 2000 litres d'eau, de branchements aux bouches d'incendie et de chauffe-eau électriques. Dans son enceinte, on retrouve 4 cabines de douche, une position de coiffeur et deux autres de rasage, en plus de rangements de vêtements et de chaussures. Au préalable, l'association a procédé à une collecte de fonds pour se procurer l'enveloppe nécessaire à l'achat de packs de vêtements et de chaussures neuves, en prenant en considération une première estimation de 8000 bénéficiaires par an. Selon Jood, chaque "pack vêtement" est composé d'un jogging, de sous-vêtements, d'une paire d'espadrilles, d'une paire de chaussettes et d'un bonnet en laine. Mieux encore, le camion-douche servira une autre mission : celle d'aider à établir une base de données pour les personnes sans domicile fixe. Il est équipé d'un appareil de reconnaissance digitale importé des Etats-Unis, et dont le but sera de former une base de données crédible, "et non pas ce que sort tout un chacun comme statistiques", nous explique Mme Laidi. Toujours selon elle, une équipe d'ingénieurs se penchent actuellement sur la mise au point de ce logiciel. "On le développe de manière à stocker, parallèlement au recensement des bénéficiaires, des informations les concernant", informe-t-elle. Sont-ils nés dans la rue? Ont-ils une carte d'identité nationale? Un parcours scolaire? Une expérience professionnelle? combien a-t-elle duré cette vie dans la rue? Autant de données qui, une fois utilisées à bon escient, permettront de mieux comprendre ce fléau pour assister ces personnes dans la réinsertion sociale. Quand propreté rime avec réinsertion sociale Dans ce cadre précis, la crédibilité de l'association lui a valu la reconnaissance de plusieurs partenaires de taille, lesquels peuvent aider ces personnes en marge de la société. La présidente de l'association cite l'exemple de la Fédération Nationale des promoteurs immobiliers. "Sachant qu'on n'y connaît personne, la FNPI a décidé de bâtir un centre de formation au profit de Jood, et où les plus démunis peuvent s'inscrire. Nous avons également signé une convention en vertu de laquelle la Fédération s'engage à embaucher toute personne qui suivra le programme de formation dispensé par le centre, et qui décide de faire un métier lié au bâtiment", étoffe Mme Laidi. Aussi, pour des personnes privées de tout ou presque, la possession même de la carte d'identité nationale est de la plus haute importance. "Je compte démarcher le ministère de la Justice et les tribunaux pour faciliter le droit à la CIN à ces personnes. Ce sont des Marocains avant tout et, en détenant une CIN, un grand nombre d'entre eux pourra travailler et louer des maisons ou des chambres", explique-t-elle. De même, la dématérialisation du processus de collecte de données procure un avantage non négligeables. "En Europe même, l'usage de formulaires en papier pour recenser les personnes sans domicile fixe persiste toujours, sachant que ces personnes sont appelées à se déplacer, parfois d'une commune à l'autre, alors que la reconnaissance digitale offre un suivi plus précis, des chiffres exacts et une base de données concrète", argumente la présidente de Jood. L'association n'en est pas à sa première initiative pour au profit des sans-abri. Son camion-douche est la parade trouvée pour rebondir après un premier revers : L'arrêt forcé, depuis plus d'un an, de son action d'offrir des bains aux hammams publiques aux sans-abris. Malheureusement, les gérants de hammams populaires refusaient aux sans-abris leur accès aux hammams, de peur que ces derniers transmettent des maladies à la clientèle. C'est ainsi qu'à l'heure où, selon Jood, "la propreté est un besoin élémentaire et une réponse urgente pour lutter contre la maladie, l'isolement et l'exclusion", il est clair que l'effort de sensibilisation à leur condition n'est pas à son terme. "A ce jour, nous avons pu aider 242 personnes en situation de rue. Nous n'avons eu à dépenser qu'un petit budget pour leur donner ce coup de pouce et les réinsérer dans la vie sociale. Des fois il ne faut pas beaucoup", conclut Mme Laidi sur une belle note d'espoir.