Fraîchement diplômé de Casa Moda Academy, Youssef Drissi est l'heureux lauréat du prix du meilleur jeune créateur FIMA 2018. Sa collection de fin d'études a conquis par son empreinte audacieuse le jury de la onzième édition. Au lendemain de sa consécration, l'éffronté Meknassi de 22 ans se confie à 2M.ma. Interview. - Pour commencer, parlez-nous de vos débuts Je me suis prédestiné depuis mon jeune âge vers les métiers de l'art. Encouragé par mon père qui faisait de la peinture, je me suis initié au dessin. Très à l'aise avec le crayon, habiller les poupées me fascinait tout autant. Ma transition vers la mode s'est alors effectuée naturellement. Après avoir décroché mon Baccalauréat en art appliqué et design, j'ai intégré Casa Moda Academy, un cursus de trois ans, à l'issue duquel j'ai obtenu ma licence en design et création mode.
- Quelle est votre philosophie dans la création ? Qu'est ce qui vous inspire d'une manière générale ? Je suis un grand observateur. J'ai cette particularité de visualiser tout ce qui m'entoure. C'est justement ce qui m'a poussé à faire de la mode qui incarne pour moi cet outil d'expression regroupant mes centres d'intérêt. Je suis le genre de styliste qui se base sur des pièces existantes et non sur un bout de toile puis faire le moulage sur Stockman. Je suis un amoureux de l'antifashion et de la mode sombre. - L'audace est le maître mot de votre collection primée au FIMA. Parlez nous-en Il s'agit de mon projet de fin d'étude. Une collection que j'ai pris le plaisir de confectionner de toute pièce pendant sept mois, dont trois consacrés à la réflexion et la recherche. Dix silhouettes auxquels j'ai donné le nom de "Late for work", pour marquer le paradoxe entre deux environnements distincts: le premier carré et formel qu'on retrouve généralement dans le milieu des entreprises où l'on nous oblige à respecter un dress code, et le deuxième, plus libre où tout est permis qu'est la rue, ou encore la jeunesse cool des années 90.
- Vous avez tendance à adopter un style unisexe dans vos costumes. Vous optez pour des découpes trop amples voire masculinisées. C'est une façon de s'échapper aux clichés ? Oui, je suis un peu dans cet univers. Je ne pense pas qu'un vêtement se doit d'être porté par une fille ou un garçon. Il en est de même pour les couleurs. D'ailleurs, lors des essayages pour le concours, j'ai été persuadé que ma collection ne ressemblait aucunement à la typologie des créations des autres candidats. Elle n'était pas forcement lié à l'Afrique. A aucun moment j'ai cru que j'allais être retenu.
- Si vous pouvez nous rapprocher plus du processus de création du dessin du croquis jusqu'aux dernières finitions. Vous intervenez dans tout le processus ? Je travaille autour des gardes de robes et des pièces existantes. Je cherchais l'originalité donc je me suis mis à collectionner des fripes, assembler les pièces des années 90, mêlant la cool jeunesse au côté rebelle contre les uniformes de bureau, puis pris le temps d'en faire des essais, de recouper de et de prendre en photo. C'est le résultat long processus de recherche sur mon univers personnel avant de passer au concept. - Qu'est-ce qu'un prix comme celui que vous venez de recevoir pourrait vous apporter en début de carrière? Je suis honoré qu'un tel prix m'ait été attribué. C'est un coup de boost pour ma future carrière. J'ai beaucoup gagné en visibilité et crédibilité depuis le jour de la consécration. L'autre grand privilège qui m'a été accordé est de pouvoir défiler lors de la prochaine édition du FIMA ou je présenterai une deuxième collection. Un autre concept, mais toujours dans le même esprit d'originalité. - Et si on vous demande quelle célébrité aimeriez-vous habiller ? Ce sera sans hésitation. Winnie Harlow. Vous avez compris que je suis pour l'anticonformisme. Ce qui m'attire chez elle, sa dépigmentation de peau qu'elle su rendre un atout. Une imperfection qui fait toute son originalité et qui sublime chaque vêtement qu'elle porte. - Des designers qui vous inspirent ? L'américain Virgile abloh, ou encore Demna Gvasalia qui est le directeur artistique de Balenciaga. Ce sont des jeunes créateurs qui ont rendu la mode plus street et jeune. Je peux citer aussi le belge Raf Simons, ou encore les japonais Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto, des précurseurs de l'antifashion des années 90. - Comment vous-médiatisez vous ? Les réseaux sociaux sont un excellent moyen mais je pense qu'il est encore tôt pour en avoir. Il faut que je me construise une vraie identité, avoir ma griffe puis après produire du contenu médiatisable. - Des projets en vue ? Je développe une collaboration avec un concept store à Paris qui aide les jeune créateurs à financer leurs produits en terme de tissus et production. J'ai proposé une pièce robe tailleur- disco année 90 en phase avec la thématique de cette année. Je vous remercie d'avoir bien voulu nous consacrer un peu de votre temps précieux!