Un collectif de la société civile algérienne a rejeté "la feuille de route du pouvoir", estimant que les législatives anticipées, prévues ce samedi 12 juin, "n'aboutiront pas au changement espéré". Ces législatives "n'aboutiront pas au changement espéré et revendiqué par la révolution pacifique", lit-on dans une déclaration signée par un grand nombre de partis, d'associations, d'avocats, d'universitaires et de journalistes. Les signataires de cette déclaration ont exprimé le rejet de la "feuille de route du pouvoir, à commencer par les élections formelles du 12 décembre 2019 et la Constitution dont le référendum a été boycotté par la grande majorité du peuple, et qui fait du parlement une chambre d'enregistrement entre les mains du système". "L'Algérie est enfermée dans une politique d'état d'urgence non déclarée", ont dénoncé les signataires de la déclaration, faisant état de la fermeture de toutes les places publiques, ainsi que l'"empêchement des manifestations et de toute expression pacifique appelant à un changement démocratique, alors que des salles et des canaux médiatiques sont ouverts pour promouvoir l'échéance du 12 juin". Pour les signataires de la déclaration, cette situation "s'inscrit dans le sillage d'un système en faillite imposant toutes les contraintes possibles pour se maintenir et empêcher le peuple de réaliser sa volonté politique". Dans ce contexte, ils soutiennent que "la répression agressive des autorités ne peut parvenir à empêcher la voie de la libération portée par ceux qui appellent à la rupture avec le système et ses pratiques". Ces méthodes d'un autre âge deviennent une menace pour le pays, son unité et sa sécurité, ont-ils mis en garde. "Nous appelons à la fin immédiate de la répression, à la libération de tous les prisonniers politiques et d'opinion et à leur réhabilitation, au respect des droits de l'homme et du droit aux manifestations pacifiques", ont lancé les signataires de la déclaration. Ils ont aussi invité "les autorités à être à l'écoute de l'appel de millions de citoyens pour une transition politique démocratique". A l'approche des législatives, les autorités continuent de cibler opposants politiques, militants, journalistes et internautes, multipliant poursuites judiciaires et condamnations. D'après le Comité national de défense des détenus et la Ligue Algérienne de défense des droits de l'Homme, des milliers de personnes avaient été interpellées durant les derniers vendredis et ce, depuis que le gouvernement avait décidé d'interdire les manifestations du Hirak. Face à ce climat politique tendu et délétère, plusieurs partis et organisations non gouvernementales ont exprimé leur indignation et dénonciation suite à l'escalade de la répression et des atteintes aux libertés durant ces dernières semaines. A cet égard, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) a dénoncé le verrouillage de tous les espaces et la répression qui continue à s'abattre sur tous les militants qui contestent l'agenda politique du pouvoir en place. "Incapable du changement démocratique revendiqué par le peuple dans le hirak pacifique prodémocratie en marche le long de plus de deux ans et demi, l'Algérie nouvelle s'attaque aux acquis démocratiques arrachés en octobre 1988", a expliqué le vice-président de la LADDH, Saïd Salhi dans un communiqué. Soulignant que les droits de manifestation publique et pacifique, d'organisation et de réunion sont mis sous scellés, M. Salhi a condamné "cette escalade de la répression". "Le débat et l'espace publics sont fermés, les champs démocratique, politique, associatif et médiatique totalement verrouillés et ce, à la veille des élections législatives imposée par la force", a-t-il dénoncé, tout en fustigeant "les menaces des acquis démocratiques" et "la dérive autoritaire en marche". Le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, Mohcine Belabbas, dont le parti est ciblé par la justice, a de son côté dénoncé "l'instrumentalisation des tribunaux contre des dirigeants et des partis de l'opposition pour leurs déclarations et autres solidarités qu'ils ont exprimées envers les victimes de la répression". Pour le président du RCD, "s'il reste encore des cadres lucides au sein du pouvoir, il est temps qu'ils réagissent avant la grande contagion". Pour sa part, le Front des Forces Socialistes (FFS), le vieux parti d'opposition en Algérie, a exprimé ses vives inquiétudes quant à l'évolution de la situation politique "caractérisée par les atteintes aux libertés". Dans une déclaration signée par son premier secrétaire, Youcef Aouchiche, cette formation politique a appelé le pouvoir de "cesser sa tentative de confisquer la vie politique, syndicale et associative, car elle ne ferait que creuser davantage le fossé entre le peuple et les institutions et encouragerait la logique de collision".