Le Rapport Général sur le Nouveau modèle de développement (NMD), dont la copie a été présentée à SM le Roi Mohammed VI le 25 mai courant, prévoit le projet "couverture sanitaire universelle", dont l'objectif est d'accélérer la réalisation de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU), en lien avec les orientations Royales lors du Discours du Trône de 2020, pour pallier aux faiblesses et aux lacunes du système de santé actuel. Système de santé au Maroc, le diagnostic sans appel de la CSMS L'écosystème de la santé au Maroc connaît plusieurs dysfonctionnements qui expliquent la situation actuelle, estime le Rapport. Parmi ces lacunes, par exemple, le fait que l'Etat n'investit pas assez dans la santé, que la couverture maladie protège peu, qu'il y ait une pénurie générale du personnel soignant et que le parcours de soins soit mal organisé, rapporte-t-on de même source. Objectifs du projet "couverture sanitaire universelle" Dans l'optique d'améliorer l'accès aux soins, d'augmenter le niveau de protection financière et d'assurer la qualité du système de santé dans sa globalité, le projet "couverture sanitaire universelle" s'articule autour de plusieurs objectifs qui sont les suivants : * Augmenter la part de la population couverte pour les soins de santé essentiels (100% de la population à horizon 2025 contre 65% environ actuellement). * Réduire les dépenses directes de santé des ménages (30% des dépenses totales de santé supportées par les ménages en 2035 contre plus de 50% actuellement). * Faciliter l'accès aux soins, optimiser le parcours du patient, et réduire les inefficiences (pour réduire les délais de rendez-vous, les délais d'accès, décongestionner certaines structures hospitalières). * Augmenter les effectifs médicaux et paramédicaux et en optimiser la répartition sur le territoire pour arriver à une densité de personnel soignant de 4,5 pour 1 000 habitants en 2035 (1,5 pour les médecins et 3 pour les infirmiers) contre 2 pour 1 000 actuellement. * Assurer et inciter à la qualité et à la responsabilité. Comment s'articule le projet "couverture sanitaire universelle" ? Le projet "couverture sanitaire universelle" s'articule autour de quatre composantes. Celles-ci sont les suivantes : 1- Assurer une couverture médicale de base pour tous Cela suppose de : * Accélérer la couverture des travailleurs non-salariés (TNS) en assurant un processus de concertation productif et dynamique avec les associations professionnelles, y compris les professions libérales. * Définir un panier de soins essentiels couverts par le régime de base et ne nécessitant aucun paiement direct par les patients. Le panier couvrirait : prestations de soins à la mère et l'enfant de moins de 5 ans, les maladies infectieuses, les affections prévalentes et coûteuses, les soins médicaux d'urgence et les services hospitaliers de base. * Enclencher un processus de convergence des régimes de couverture médicale de base. La convergence devra porter sur le panier de soins essentiels, les tarifs de référence, les taux de remboursement et les taux de cotisation. * Accélérer la mise en place de la facturation au sein des hôpitaux publics. La prestation de soins au sein des hôpitaux publics doit donner lieu à un remboursement, par le régime de couverture médicale de base et, le cas échéant, les complémentaires santé. * Renforcer le financement de la couverture médicale de base. Le financement de la CMB reposera sur une double logique de cotisation et de solidarité.
2 - Renforcer et valoriser les compétences; La couverture sanitaire universelle nécessitera de relever significativement la densité de personnel soignant (médecins et infirmiers). Dans ce sens, il est recommandé de :
* Mettre en place un plan massif d'investissement dans les compétences de santé. Ce plan vise à porter la densité de personnel soignant à 4,5 médecins pour 1 000 habitants en 2035 contre moins de 2 actuellement. En tenant compte des départs en retraite, cela implique de former 54 000 médecins et 107 000 infirmiers entre 2020 et 2035, soit un flux annuel moyen de 3 600 médecins et 7 100 infirmiers. Pour rappel, la capacité actuelle de formation au sein des facultés de médecine est d'environ 2 800 médecins par an. * Opérer une refonte du système de formation médicale. Cela consiste notamment à poursuivre les réformes en cours pour réduire la durée de formation des médecins généralistes de 7 à 5 ans, en lien avec ce qui se fait dans plusieurs pays, en opérant une meilleure allocation des enseignements entre formation généraliste et spécialisée (parmi d'autres changements) tout en assurant la qualité de la formation. Il s'agit également de créer une catégorie de médecins de famille formés en deux ans après la formation généraliste.
3 – Réorganiser le parcours de soins et digitaliser le système. L'objectif est d'améliorer l'accès des citoyens aux services de soins, optimiser la répartition du personnel soignant et des ressources matérielles, réduire les inefficiences dans le recours aux soins et la gestion des cas, et renforcer la capacité globale de pilotage du système de santé. Cela suppose de :
* Optimiser et gérer le parcours de soins. Le parcours de soins pourra être organisé en trois échelons complémentaires : i) un échelon communautaire couvrant la télémédecine, les agents de santé communautaire, et la médecine mobile ; ii) un échelon de proximité couvrant les soins essentiels (du panier de base), encadré par des centres médicaux de proximité (CMP), iii) un échelon de recours couvrant les soins hospitaliers spécialisés (hors panier de soins essentiels). * Déployer la télémédecine et favoriser la santé communautaire. Cela consiste à déployer une initiative nationale de télémédecine dans les zones les plus enclavées ou reculées sur la base de l'expérimentation en cours par la Société Marocaine de Télémédecine. Cela consiste également à mettre en place des programmes de santé communautaire (notamment pour la prévention, la sensibilisation, le suivi de patients). * Favoriser le partenariat public-privé (PPP) pour la construction d'hôpitaux de proximité. * Renforcer les programmes et infrastructures liés aux affections prévalentes et coûteuses. * Domicilier la création de postes au niveau des régions. Il s'agit d'une innovation majeure du Nouveau Modèle de Développement qui rompt avec les logiques d'affectation parfois aléatoire du personnel de santé pour répondre au besoin de répartition équitable au niveau des territoires. * Mettre en place une infrastructure nationale d'information. Cela consiste à mettre en place un consortium national pour le développement et le déploiement opérationnel d'une infrastructure informatique nationale pour le système de santé qui soit intégrée et agile.
4 – Assurer et inciter à la qualité et à la productivité. La généralisation de la couverture médicale doit s'accompagner d'un renforcement de la qualité des soins. Pour cela, il est recommandé de :
* Mettre en place une agence en charge de garantir la qualité des soins de santé. Une autorité publique indépendante à caractère scientifique dont le mandat est d'assurer la qualité du système national de santé devrait être créée. * Mettre en place le paiement à la performance dans les structures publiques. Il s'agit de modifier le mode de rémunération du personnel soignant dans le secteur public pour lier celle-ci au service effectivement rendu, améliorer l'attractivité du secteur public pour les médecins (notamment à travers la mise en place d'un statut particulier pour les médecins).