Le projet de loi 13-21 portant usage légal du cannabis a été examiné ce jeudi 25 février par le Conseil de gouvernement. Le texte vise à instaurer un cadre légal pour l'exploitation et l'usage de cette plante "à des fins médicales et industrielles", est-il indiqué dans sa note de présentation. Le texte devrait être adopté lors du prochain conseil de gouvernement. La note du ministère de l'intérieur rappelle que le Maroc a été l'un des premiers pays à instaurer un cadre légal pour réglementer l'usage des drogues à des fins thérapeutiques à travers le Dahir du 12 Rébia II 1341 (2 décembre 1922) portant règlement sur l'importation, le commerce, la détention et l'usage des substances vénéneuses, avant que le Dahir du 20 chaabane 1373 (24 avril 1954) portant prohibition du chanvre à kif ne mette fin à l'usage de cette plante dans toutes les activités légales. Cependant, le contexte international a évolué. Plusieurs pays ont changé leur approche légale vis-à-vis de cette plante, et l'Organisation Mondiale de la Santé recommandé sa suppression du tableau IV de la Convention de 1961 sur les stupéfiants, tableau qui liste les substances ayant un potentiel d'abus fort et des effets nocifs importants, sans valeur thérapeutique notable. Le Maroc a adopté ses recommandations, à travers la Commission nationale des stupéfiants le 11 février 2020. Le projet de loi 13-21 a ainsi été formulé "en conformité avec les engagements internationaux du Royaume", précise la note, et s'articule autour de 4 orientations principales, à savoir soumettre toutes les activités relatives à cette plante (culture, transformation, commercialisation, exportation, etc) au système d'autorisation, créer "'l'Agence nationale de réglementation des activités relatives au chanvre indien" dont le rôle est le développement d'une filière agricole et industrielle et le renforcement des mécanismes de contrôle, ouvrir le champs aux agricultures pour adhérer à des coopératives agricoles, et l'adoption de sanctions adéquates contre les contrevenants. Culture et production du "chanvre indien" Un ensemble de mesures a été instauré pour éviter que le produit final ne sorte du circuit formel. Le projet de loi instaure un cadre pour la culture du cannabis. Une autorisation sera octroyée à cet effet, et sera délivrée exclusivement dans certaines provinces dont la liste sera fixée par décret. Aussi, cette autorisation sera limitée aux "quantités nécessaires pour satisfaire les besoins des activités de production de matières à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles". Toutefois, un texte d'application futur limitera le seuil du taux de tétrahydrocannabinol (substance active) contenu dans les plantes destinés à l'usage industriel. Les agriculteurs et producteurs autorisés devront respecter un cahier de charges élaboré par la future agence de tutelle. La loi fixe également les conditions à remplir pour bénéficier d'une autorisation de culture et de production de cannabis, dont la nécessité d'adhérer à une coopérative fondée spécifiquement à cet effet. Aussi, ces coopératives doivent se lier d'un contrat avec une ou plusieurs sociétés de transformation ou d'exportation de cannabis. La livraison de la production à la société acheteuse doit se faire en présence d'une commission locale mixte, et les quantités excédantes seront détruites. Aussi, le demandeur de l'autorisation de culture et de production doit être majeur, de nationalité marocaine et propriétaire de la parcelle où la culture du cannabis aura lieu, en plus de résider dans une province où la culture licite de cette plante sera autorisée. Le texte aussi somme les producteurs de déclarer, dans un délai de 3 jours, tout dommage ayant touché leur récolte, et ce pour permettre à l'Agence de mener les investigations nécessaires pour s'en assurer. Transformation, industrialisation, transport et commerce international Les sociétés demandeuses d'autorisations pour la transformation et l'industrialisation du cannabis, son transport ou son exportation/importation doivent remplir certaines conditions similaires : être une société soumise au droit marocain, disposer des moyens matériels et humains qualifiés et suffisants pour exercer ses activités, détenir les autorisations nécessaires à l'exercice des activités réglementées selon les législations en vigueur et respecter un cahier de charges élaboré par l'agence de tutelle (variant légèrement selon chaque activité). Les sociétés de transformation et d'industrialisation doivent aussi disposer d'entrepôts "sécurisés et surveillés" pour stocker les quantités livrées par les coopératives. Il ne peut être procédé à la destruction d'une partie de ces quantités, "quelle qu'en soit la raison", qu'en présence d'une commission spécifique. L'exportation et l'importation du cannabis et de ses dérivés, sont également strictement limitée à des fins médicales, pharmaceutiques et thérapeutiques, et seront soumises aux dispositions de la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie. A l'instar des industriels, les importateurs/exportateurs doivent disposer d'entrepôts sécurisés et de ne détruire aucune quantité de cannabis sans la présence d'une commission spéciale. Autorisations et sanctions Les autorisations sont délivrées aux personnes et sociétés ayant respecté les dispositions précitées et leur octroi sera réglementé par un décret d'application. Les autorisations ont une durée de validité de 10 ans renouvelable et seront délivrées par l'Agence nationale de réglementation des activités relatives au chanvre indien. Ces autorisations peuvent être retirées à la demande du bénéficiaire ou sur décision de l'Agence (selon un nombre de dispositions). Les officiers de la police judiciaire, agents des douanes, des eaux et forêts en plus de ceux de l'Agence de tutelle sont habilités à contrôler les infractions à cette loi. Est punie de l'emprisonnement allant de 3 mois à 2 ans et d'une amende allant de 5.000 DH à 100.000 DH toute personne ayant cultivé, transformé, industrialisé, transporté, importé ou exporté le cannabis, ses dérivés, ses graines ou ses semis sans autorisation, ayant continuer d'exploiter cette autorisation après la fin de sa durée de validité ou après son retrait. Est puni de l'emprisonnement allant de 3 mois à 2 ans et d'une amende allant de 5.000 DH à 100.000 DH toute personne ayant cultivé le cannabis en dehors des dispositions fixées par sa licence ou en ayant fourni des informations mensongères pour l'obtenir, n'ayant pas fourni toute sa récolte aux collectivités concernées, n'ayant pas déclaré les dommages subis par sa récolte dans les délais impartis ou ayant détruit une partie de cette récolte sans se conformer aux dispositions de cette loi. Est puni de l'emprisonnement allant de 6 mois à un an et d'une amende allant de 10.000 DH à 20.000 DH toute personne qui fait obstruction aux missions des agents habilités à contrôler les infractions à cette loi. Aussi, toute personne ne disposant pas d'entrepôts sécurisés et surveillés pour le stockage du cannabis, de ses dérivés, de ses graines ou de ses semis sera puni d'une amende allant de 20.000 DH à 100.000 DH. D'autres infractions, comme l'usage de semis ou de graines non accrédités par l'Agence nationale, sont punies d'une amende allant de 5.000 DH à 50.000 DH.