Si pour certains le plus dur est passé, pour d'autres tout un travail reste à fournir. Et pour cause, la période de confinement, qui se prolonge dans certaines zones du pays, pourrait avoir des répercussions psychologiques sérieuses et nos enfants ne seraient aucunement épargnés. C'est ce que soutient Dr Amal Thimou, pédiatre et 2ème vice-présidente de la Société Marocaine de Pédiatrie (SMP). Interview. 2m.ma : Quelles sont les effets psychologiques et les répercussions en matière de santé mentale que pourrait avoir le confinement sur les enfants ? Dr Amal Thimou : C'est vrai qu'il y a des études qui ont été réalisées un peu partout dans le monde pour évaluer les effets du confinement aussi bien chez les adultes que chez les enfants et on s'est rendu compte que les conséquences psychologiques étaient fréquentes aussi chez l'enfant durant cette période et que ça retentissait sur sa santé psychique et mentale mais parfois aussi sur sa santé physique. Tout simplement car ce confinement entraine une perturbation du rythme de vie et donc des troubles du sommeil peuvent apparaitre chez les enfants avec des veillées tardives et des insomnies, ce qui dérègle complètement le cycle du sommeil chez l'enfant d'une part. Ça perturbe aussi le comportement alimentaire de l'enfant parce qu'il n'y a plus cette organisation avec les sorties à l'école, l'organisation des repas comme ils sont confinés chez eux. Cette désorganisation peut entrainer une augmentation des apports alimentaires avec une réduction de l'activité parce qu'ils sont sédentaires à la maison, cela peut même conduire à une surcharge pondérale à la longue. Au contraire d'autres enfants, lors de cette période perdent l'appétit et deviennent parfois anorexiques. On a également constaté que les enfants développaient des troubles de l'anxiété et étaient plus angoissés à la fois à cause du confinement d'une part mais aussi à cause du questionnement autour de ce qu'ils vivent, sur les raisons du confinement, sur la pandémie de Covid-19, la distanciation avec leurs amis, le manque d'activités physiques et la sédentarité. Surtout que ce sont des enfants plus connectés, toutes les informations sur la pandémie, la mortalité circulent sur le net. Ce qui nourrit cette angoisse et cette peur parfois de perdre un de leur proche ou la crainte de mourir. Tous ces points les rendent plus irritables et plus stressés et deviennent de fait très difficilement maitrisables. Le développement de ces troubles peut avoir d'autres conséquences notamment auprès des parents peu patients qui peuvent être plus violents envers leur progéniture. En tant que pédiatre, avez-vous traité ces cas durant cette période ou vous patientez jusqu'au déconfinement pour accueillir vos patients ? J'ai surtout eu des appels téléphoniques de parents se plaignant surtout de l'irritabilité de leurs enfants, ils se sentaient impuissants face à la situation et ne savaient plus gérer les enfants. Avec le confinement, la priorité était mise sur les consultations urgentes. C'est pour cela d'ailleurs que le Société marocaine de pédopsychiatrie et professions associées a mis en place une appli et une écoute téléphonique pour les patients et les enfants qui ressentent le besoin de discuter de ces problématiques et avoir un soutien psychologique à distance. Quelle est la tranche d'âge la plus touchée par ces troubles qui sont développés durant le confinement ? Toutes les tranches d'âge pédiatriques sont concernées du jeune enfant jusqu'à l'adolescence avec, disons, une adaptation différente en fonction de la tranche d'âge. Pour la petite enfance ce sont surtout des enfants qui ont besoin de bouger, d'une activité physique et donc en fonction de leur habitat, des conditions, ils peuvent se retrouver en situation de difficulté parce qu'ils sont entre quatre murs toute la journée. Ils deviennent ainsi plus agités, créant une certaine tension dans le foyer. Et la période de l'adolescence n'est pas épargnés par ces effets négatifs. C'est déjà une période difficile à gérer en temps normal, elle englobe beaucoup de perturbations qui surviennent chez l'adolescence. C'est une phase de transition, de développement, sachant que les ados ont un besoin social particulièrement important avec les pairs et en période de confinement ils se retrouvent parfois en difficulté voire en dépression. En tant que thérapeute, quelles seraient les solutions que vous pourriez apporter à ces parents pour protéger leurs enfants ? Quelques recommandations sont importantes à appliquer surtout pour les enfants. Elles consistent à d'abord communiquer avec eux et leur expliquer le motif du confinement, c'est très important pour qu'ils comprennent. Il faut aussi répondre clairement aux questions qu'ils se posent concernant la pandémie en choisissant bien sûr un vocabulaire approprié et qui ne leur fasse pas peur. Deuxièmement, il faut essayer en tant que parents de maintenir un rythme de vie habituel, le plus proche de ce qui se faisait avant le confinement avec les mêmes heures de réveil, de coucher. Il faut structurer la journée comme elle était autrefois avec des horaires de repas bien définis, des horaires aussi de travail scolaire encadré par les parents. Il faut veiller à ce que les enfants continuent à suivre l'enseignement à distance et les encourager à avoir des activités adaptées, comme jouer, dessiner, maintenir aussi une activité disons sportive d'intérieur et notamment faire des mouvements, de la gym chaque fois que possible pour maintenir les enfants un peu en forme. Avec votre regard de professionnel de la santé, à quoi peut-on s'attendre à l'issue de cette période de crise sanitaire au niveau psychologique ? Les études qui ont été réalisées auparavant sur des périodes similaires mais dans d'autres circonstances, de guerres, de famines et autres avaient révélé un impact psychologique négatif de cet isolement d'individus avec une augmentation de symptômes de stress aigu, une augmentation d'anxiété, de colère, de ce que l'on appelle les syndromes post-traumatiques. De même, vous savez qu'actuellement avec la période de confinement dans différents pays ont été signalés des cas de violences conjugales, des cas de violences dans la famille, des cas de divorces, tout ça rentre dans le retentissement psychologique du confinement. Il est donc fort probable qu'à la suite de ce confinement, l'on ait quelques séquelles avec quelques impacts psychologiques sur les individus. Les cicatrices n'auront pas la même ampleur, ça dépend des individus. Ça va être différent selon la perception que se font les individus de cette période mais je suis sûre que l'on gardera un souvenir pendant un certain temps. Je pense que le souvenir perdurera durant un moment mais j'espère que très peu de cicatrices persisteront sur le plan psychologique chez les adultes et chez les enfants.