Depuis le début de la pandémie au Maroc et la manifestation des effets liés aux mesures préventives édictées, l'esprit d'entraide s'est montré sous son meilleur jour. Les différentes composantes de la société marocaine ont redoublé d'ingéniosité, et de générosité, dans leur innombrables initiatives visant à atténuer les répercussions de la crise sur les citoyens et les sociétés. Dans ce grand élan de solidarité, Konta, plateforme de gestion dématérialisée de factures, a ajouté son grain de sel. L'entreprise Mosaiclab qui a développé la plateforme s'est mobilisée, à titre gratuit, à la disposition des entreprises durement touchées : les équipes « comptabilité fournisseur » de ces dernières peuvent travailler en remote, et leurs fournisseurs et coursiers n'auront plus besoin de se déplacer. Aussi, les managers peuvent contrôler et valider toutes les dépenses à distance grâce à la plateforme. Dans cet entretien, Issam Dahman, directeur associé de Mosaiclab, cabinet d'innovation technologique à l'origine de l'application Konta, nous livre des éclairages autour de l'activité de son entreprise, de son apport lors de cette crise, et nous livre son regard sur l'apport de la digitalisation dans la fluidification de l'activité économique en ces temps troublés.
ISSAM DAHMAN, directeur associé de Mosaiclab
2M.ma : Comment avez-vous vécu, en tant que start-up, la crise actuelle, et comment est née votre initiative ? Issam Dahman : Il faut avouer que beaucoup de projets sont restés en stand-by avec la crise provoquée par le Covid-19. Nous avons constaté qu'un vent de panique s'était emparé des entreprises, surtout les structures assez grandes. Du moment qu'on est membre actif dans plusieurs écosystèmes, nous avons été consultés autour d'une éventuelle contribution. Nous avons ainsi proposé de mettre nos services à la disposition des entreprises touchées qui le souhaitent, à titre gratuit le temps que cette crise se dissipe. Cette gratuité a-t-elle fait son effet ? Combien de bénéficiaires se sont manifestés ? A vrai dire, le retour n'était pas très satisfaisant. A cause du vent de panique que j'ai cité, la dynamique économique a baissé et de nombreuses entreprises ont été impactées. Par conséquent, cette partie achats et relation fournisseur que l'on gère, a été bloquée. Par exemple, le secteur de l'hôtellerie, où notre entreprise est très active, a été le premier à être durement touché. Rares sont les secteurs qui ont échappé à cette baisse de régime. Comptez-vous étendre votre offre de gratuité sur la période de la relance, les entreprises touchées ayant besoin de tout l'appui qu'elles peuvent avoir ? Cela va de soi. Nous l'étendrons au profit des entreprises mises en difficulté par la crise et qui remplissent un certain nombre de conditions. Il leur suffit de nous donner des explications autour de leurs procédures internes d'achat et de paiement fournisseur pour qu'on puisse leur configurer la plateforme. C'est sur cette petite étape d'une journée qu'on peut avoir un maximum d'informations sur l'activité de l'entreprise et ses difficultés, pour mieux l'aider. Nous avons aussi revu notre modèle de licence pour l'adapter aux impératifs de la reprise. Désormais, nos clients peuvent opter pour des licences modulables leur permettant d'ajuster en permanence leurs abonnements en fonction de l'évolution de leur activité. Face aux aléas des temps modernes, comme cette pandémie, des entreprises peu familières avec la digitalisation peuvent souffrir. De par votre expérience, peut-on dire que les sociétés marocaines ont mûri dans leur interaction avec les nouvelles technologies ? On peut dire que oui. En tout cas, cette prise de conscience grandit de plus en plus. Même les structures les plus réticentes aux nouvelles technologies s'y sont mises. Il n'y a qu'à voir la rapidité avec laquelle les services de l'Etat, ses entreprises et ses institutions ont pu faire preuve de flexibilité et adopter plusieurs solutions digitales en un temps record. Grosso modo, par rapport à l'économie marocaine, la tendance qu'on espère maintenant est celle de plus d'ouverture sur la digitalisation, et nous sommes optimistes à ce sujet. Maintenant, les entreprises entretiennent un ordre de priorités quand il s'agit de digitaliser leurs process. Une structure commencera naturellement par digitaliser les aspects qui impacteront le plus son cœur de métier surtout en terme d'optimisation des coûts, et reléguer les parties annexes au second plan. La partie qu'on attaque, celle de la relation fournisseur, a son importance en fonction de l'activité de l'entreprise. Je vous donne un exemple. Pour une compagnie d'assistance, tous ses prestataires sont stratégiques. Si la relation avec ces derniers est impactée, toute sa chaine de valeur subira les répercussions, du coup l'adoption d'une solution comme la nôtre devient une priorité stratégique pour elle. Par contre, pour les sociétés de services, la partie "Achats" n'est pas très prépondérante, elles préféreront donc commencer par la digitalisation d'autres aspects. Pensez-vous que, malgré l'épreuve économique que le tissu économique a vécu, certains peuvent toujours entretenir une réticence vis-à-vis de la digitalisation ? Il y a toujours une réticence vis-à-vis de la digitalisation, mais qui va actuellement en diminuant d'intensité. Plusieurs structures n'avaient pas entamé ce processus avant la crise, mais avec son avènement elle se sont vues dans l'obligation de le faire. Et quand elles ont essayé, elles ont compris que presque toutes les réticences qu'elles entretenaient n'étaient pas justifiées. Il fallait donc qu'elles s'y mettent. Cette crise a donc été bénéfique dans la mesure où elle a permis une prise de conscience envers l'importance de la digitalisation. Maintenant, il faudra que cette prise de conscience soit accompagnée d'une réelle confiance des donneurs d'ordre en la capacité des acteurs nationaux à leurs proposer des solutions efficaces et 100% marocaines.