Sans un consensus politique structurant, la coopération opérationnelle, aussi importante soit-elle, restera un "traitement symptomatique", appliqué à un cercle vicieux où l'on continuera, indéfiniment, à refouler et réadmettre des personnes, qui se feront aussitôt suppléer par d'autres, lorsqu'elles ne reviendront pas elles-mêmes, a souligné lundi le ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l'Etranger, M. Nasser Bourita, à l'ouverture des travaux de la 8-ème Conférence Ministérielle du Dialogue 5+5 sur la Migration et le Développement. "Sans ce consensus politique structurant, la coopération opérationnelle n'aurait pas suffisamment de hauteur sur nos propres réalités et sur les dynamiques mondiales. Elle ne pourrait pas, non plus, intégrer la "dimension développement" qui, elle, est réellement décisive pour avancer vers une gouvernance migratoire à même de prendre en charge, aussi, les causes profondes de la migration", a insisté le ministre. C'est dans ce sens, que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a souligné, en décembre 2018, que "La question de la sécurité ne peut pas davantage faire l'économie de politiques de développement socio- économique, tournées vers la résorption des causes profondes des migrations précaires. [Enfin] la question de la sécurité ne peut pas nier la mobilité. Mais elle peut la transformer en un levier de développement durable, au moment où la Communauté internationale s'emploie à mettre en œuvre l'Agenda 2030", a rappelé le ministre. "Si notre région accueille certaines des coopérations les plus anciennes et les plus denses en matière migratoire (une quinzaine d'accords de réadmission notamment), cette coopération reste à refonder sur un consensus politique structurant", a ajouté M. Bourita. "Notre groupement est un véritable laboratoire du phénomène migratoire : Il regroupe à la fois des pays d'origine, de transit et de destination, et des pays qui ont connu récemment le passage de l'un à l'autre de ces statuts. De même, il concentre une palette de politiques nationales, pas toujours cohérentes les unes avec les autres; parfois même divergentes", a-t-il fait observer. Selon M. Bourita, ces divergences ne suivent aucune fracture, elles sont Nord-Sud, Nord-Nord et Sud-Sud. "Au Nord comme au Sud, nous nous retrouvons parfois en rapprochement objectif avec des partenaires de l'autre rive, davantage qu'avec des pays de notre propre espace géographique", a-t-il relevé. Dans ce sens, il a indiqué que la rencontre d'aujourd'hui n'est, toutefois, pas simplement une "énième" conférence sur la migration. Elle aspire à dépassionner le débat et à le reposer dans des termes nouveaux : Car d'abord, la crise n'est plus migratoire, mais davantage liée au divergences sur les politiques migratoires, ajoutant que la réduction du nombre d'arrivées vers l'Europe ne se traduit pas par une diminution proportionnelle du nombre de morts en Méditerranée, aussi les routes migratoires se déplacent, et la fermeture d'une route clandestine ici, entraînante l'ouverture d'une autre ailleurs. Dans la même veine, le ministre a souligné qu'il était, donc, grand temps de tenir cette ministérielle, qui consacre la place que la migration occupe en Méditerranée occidentale, autant qu'elle démontre la pertinence du groupement pour traiter de cette question. Il a, toutefois, rappelé que la ville de Marrakech a accueilli, sous le double sceau de la mobilisation collective et de la responsabilité partagée, l'adoption historique du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, en décembre 2018 et a abrité également en mai 2018, la 5ème Conférence Ministérielle Euro- Africaine sur la Migration et le Développement, dit Processus de Rabat. Les travaux de la 8-ème Conférence Ministérielle du Dialogue 5+5 sur la Migration et le Développement se sont ouverts, lundi à Marrakech, en présence des ministres des Affaires Etrangères des pays de la Méditerranée Occidentale, ainsi que des représentants des organisations internationales et régionales (OIM, UA, UE, UpM, UMA, CEDEAO, OCDE). Présidée par le Royaume du Maroc, cette 8è Conférence vise à définir un cadre d'action global, consensuel et équilibré en Méditerranée Occidentale portant sur la question migratoire dans ses différentes dimensions, notamment le lien entre la migration et le développement, la migration régulière et la mobilité, l'intégration des migrants et la préservation de leurs droits, ainsi que la lutte contre le trafic des migrants et la traite des êtres humains. Une bonne gouvernance de la migration à l'échelle sous-régionale et régionale repose sur une coopération et une coordination politique étroites entre les pays du Dialogue 5+5 autour d'un projet : celui de la création d'un espace de gestion humaine et ordonnée des flux migratoires fondé sur la responsabilité partagée. C'est dans ce cadre que cette conférence ministérielle ambitionne aussi d'initier une approche consensuelle des questions migratoires à travers la recherche de convergences au sujet de l'interdépendance entre la migration et le développement. Cette démarche devrait se fonder sur une réflexion commune des Etats du Dialogue 5+5, l'identification des actions conjointes réalistes et réalisables ainsi qu'une véritable coopération dans les différents domaines liés à la migration.