* Lintermédiaire est limité à un seul point de vente au moment où il est permis aux banques et à Barid Al-Maghrib, dont lassurance ne représente quune partie marginale de leur activité, de commercialiser à travers lensemble de leur réseau dagences. * Dans 5 à 10 ans, il ny aura plus dactivités banque et dactivités dassurance à part, mais des produits financiers tout simplement, vendus par tous les canaux. Activité en plein essor, la bancassurance a réalisé des performances impressionnantes, soit un total de primes émises de près de 3 milliards de DH et quelque 118,6 MDH de commissions engendrées en 2006. Son émergence sest appuyée sur la stratégie de diversification du portefeuille produit des compagnies dassurance en quête de nouveaux marchés. De plus, les avantages fiscaux accordés aux produits dépargne retraite, la diversification et lattractivité de loffre des produits ainsi que la constitution de groupes banques-assurances ont fortement contribué à lessor de cette activité. Avant 2004, la bancassurance bénéficiait des avantages fiscaux accordés aux personnes physiques souscrivant des produits dépargne retraite, à savoir la déduction des cotisations de revenu imposable avec un abattement fiscal de 40% à la sortie. La plus-value dun produit dassurance était défiscalisée. Depuis 2004, limposition par voie dIGR et de retenue à la source des plus-values réalisées au titre des souscriptions dont la durée est inférieure à dix ans, menace le développement de lassurance Vie. Commercialiser les produits dassurance-Vie via le canal de distribution des banques a contribué certes au développement de la bancassurance, mais cela nempêche que cette technique sest répercutée sur les courtiers dassurance, principaux intermédiaires. Deux poids, deux mesures Dans un passé récent, les courtiers dassurance avaient déploré le fait que lexercice de la bancassurance au Maroc seffectuait dans lillégalité la plus totale. Estimant par là quil ny avait aucun texte réglementant cette activité. Daprès eux, le partenariat entre les compagnies dassurances et les établissements bancaires crée une forme de concurrence déloyale à lencontre des intermédiaires en assurance. Les courtiers ont ainsi fait entendre leur voix : «si la bancassurance doit fatalement se développer, autant la réglementer, en délimitant le champ daction des banques dans ce domaine». Toujours est-il que même après la promulgation du Code des assurances, les courtiers continuent à se plaindre de cette concurrence déloyale et de son impact sur le courtage. La limitation de lintermédiaire à un seul point de vente au moment où il est permis aux banques et à Barid Al-Maghreb, dont lassurance ne représente quune partie marginale de leur activité, de commercialiser à travers lensemble de leur réseau dagences des produits dassurance est une aberration. Une mesure dautant plus incompréhensible quavec lInternet il est permis davoir aujourdhui des liaisons sécurisées à moindre coût garantissant un contrôle en temps réel sur les points de vente. Contacté par nos soins, un courtier tout en souhaitant garder lanonymat, a confirmé les faits. Il explique : «Les banques détournent la loi dans lexercice de la bancassurance dans le sens où il sagit de ventes liées et forcées». Il sempresse dajouter : «lorsque le client contacte sa banque pour lobtention dun crédit, ce dernier se trouve en fait contraint et obligé de souscrire un ensemble de garanties quil pourrait souscrire ailleurs auprès de la compagnie de son choix et par le canal dun intermédiaire quil aurait lui même désigné». Ce qui laisse entendre que le besoin de crédit fait que le client na dautre issue que de sexécuter devant son banquier, et ce quand bien même la couverture proposée nest ni nécessaire, ni indispensable pour la garantie du crédit. Pis encore, cette couverture nest ni suffisamment étayée ou expliquée comme laurait fait un assureur conseil, voire un intermédiaire. «Cest ce moyen de pression qui est condamnable car ceci crée une situation de monopole et ne va pas dans le sens dune véritable protection du citoyen», ajoute notre courtier. «Toujours est-il que les banques ne sarrêtent pas là, elles vont jusquà lexploitation par leurs cabinets, à des fins de démarchage, du «fichier central clients» de leur maison-mère censé être confidentiel. Ceci sans compter lutilisation du siège des banques comme point de démarchage au service des succursales, alors que celui-ci obéit à des règles strictes dont linterdiction dexploiter un local», nous apprend-on. Le dialogue des sourds En vue dy voir plus clair, nous avons sollicité un responsable d'une société de courtage, filiale d'un Groupe bancaire qui ne partage pas cet avis. «Nul ne peut affirmer que les banques font une concurrence déloyale aux courtiers car elles sont légalement autorisées à vendre des polices dassurance de personne, dassistance et dassurance-crédit entre entreprises ; ensuite, elles peuvent faire bénéficier leurs clients dautres assurances, notamment non Vie en souscrivant pour leurs comptes un contrat auprès dun intermédiaire classique dassurance. Elles peuvent le faire auprès de leur filiale créée en toute légalité», explique-t-il. Cette discorde entre banques et courtiers nest pas visible par les clients qui cherche le meilleur service au moindre tarif. Pour le client, les avantages de passer par la bancassurance ne sont pas des moindres. La bancassurance lui permet de souscrire à des produits bon marché parce quil sagit dun réseau étendu qui permet aux compagnies dassurance de pratiquer une meilleure tarification. La banque négocie avec sa compagnie une vente de masse qui lui permet de réduire les prix, et ce contrairement à la vente individuelle. «Moralité, celui qui offre les meilleurs tarif et service attirera la clientèle, quil soit banquier ou assureur», confirme notre responsable du cabinet de courtage, filiale dun groupe bancaire. Aujourdhui, les produits de bancassurance sont identiques à ceux bancaires, simples et accessibles. Le client peut suivre lévolution de son épargne. Il sait quelle est rémunérée à un taux minimum garanti et quà la fin de lannée, il bénéficie dun bonus supplémentaire, sachant que la compagnie place largent et distribue 90% des bénéfices. Le courtier par contre est appelé à inclure tous ses frais de démarchage envers la clientèle, ce qui entraîne une augmentation des tarifs. La bancassurance présente ainsi un caractère de proximité alors que les compagnies dassurance recourent à un courtier, lequel est appelé à se déplacer pour gagner la clientèle. Il est en effet tout à fait normal quun client, qui fréquente régulièrement son agence, est en position dobtenir régulièrement des renseignements sur les offres existantes. Une chose est sûre : les courtiers et les banques ne parlent nullement le même langage. Les premiers reprochent liniquité du Code espérant quune solution juste et équitable soit trouvée, car il y va de lintérêt dune profession qui a tant donné à léconomie en terme dépargne et demplois. Les seconds considèrent quil ny a pas de partie lésée dans la mesure où le libre choix dentreprendre dans lequel le monde entier sest engagé permettra à tout opérateur dinvestir tous les créneaux du moment quil satisfait aux conditions juridiques, professionnelles et financières pour le métier, en particulier pour celui dintermédiaire dassurance. Daprès ces derniers, le processus de libéralisation dans lequel sest engagé le monde entier, y compris le Maroc, ne laisse guère de place aux économies de rente et il est irréversible. Dailleurs en Europe, les compagnies dassurance ont des activités de banques (compte, carte bancaire et même crédit) destinées à leurs assurés : ce que lon appelle en France lAssur-bance en parallèle avec la bancassurance. «Dans 5 à 10 ans, il ny aura plus dactivités banque et dactivités dassurance à part, mais des produits financiers tout simplement, vendus par tous les canaux». martèle un professionnel. Devant une telle discorde, le ministère de tutelle ferme les yeux. LAdministration raisonne en terme de développement du marché financier. Ce qui est certes indispensable pour notre économie mais encore faut-il quil se passe dans léquité, sachant que 3/4 du portefeuille des banques constituent une mutation de celui des courtiers.