* En dépit dune loi qui prohibe les pratiques anticoncurrentielles, les établissements bancaires imposent la souscription de leur propre assurance emprunteur à tout client souhaitant contracter un crédit. * Une telle pratique biaise la concurrence au sein du secteur des assurances. * Le Conseil de la Concurrence, en tant quorgane de régulation, ne jouit pas encore dune véritable liberté afin de pouvoir statuer sur cette mesure anticoncurrentielle. * Dans lHexagone, la Loi Lagarde a pu renverser une situation jusque-là défavorable à lemprunteur. Elément essentiel dun crédit immobilier, lassurance décès reste régie par une pratique bancaire excessivement controversée. Plus précisément, les établissements bancaires ont, en effet, cette fâcheuse tendance à imposer presque systématiquement la souscription de leur propre assurance emprunteur à tout client souhaitant contracter un crédit immobilier. Qui dentre-vous, lors dun contrat dun crédit immobilier, a eu lembarras de choisir lui-même sa compagnie dassurance pour lachat dun produit dassurance Vie ? Ladite assurance garantit, certes, le paiement du capital en cas de décès de lassuré à condition quil survienne avant la date indiquée dans le contrat. Il est à noter que lorsque létablissement de crédit impose un produit dassurance Vie à lassuré, il biaise la concurrence au sein du secteur de lassurance. Et la question qui se pose demblée est : quel sera le sort des compagnies dassurance non adossées à des groupes où existent des sociétés de financement ? A quoi sert la loi ? Or, la loi n°6-99 sur la liberté des prix et la concurrence est très claire à ce sujet. Dans le chapitre des pratiques anticoncurrentielles, larticle 6 stipule que «sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions expresses ou tacites, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, notamment lorsqu'elles tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises». Aussi, la même loi annonce dans son article 49, dans le chapitre relatif aux pratiques restrictives de la concurrence : «Il est interdit de refuser à un consommateur la vente dun produit ou la prestation dun service sauf motif légitime; de subordonner la vente dun produit à lachat dune quantité imposée ou à lachat concomitant dun autre produit ou dun autre service; de subordonner la prestation dun service à celle dun autre service ou à lachat dun produit». Mais dans la gestion courante des affaires, les faits sont bien là et défient la loi : souscription de prêt immobilier et souscription d'assurance emprunteur vont de pair. Elles sont régulièrement associées et proposées au client sous la forme d'un «package». Reste que cette association des produits nest pas exempte dincidences. Interrogé à ce sujet, un professionnel du secteur confirme quhormis le fait que la loi nest pas respectée, le client, principal maillon de la chaîne, nest pas sollicité dans le choix de la compagnie dassurance. Et lon se demande sil paie vraiment la prime optimale. Il sempresse aussi dajouter : «Les contrats dassurance décès prévoient le versement des participations aux bénéfices aux sociétés de financement. Ces participations rémunèrent en quelque sorte la performance du contrat dassurance conclu entre la société de financement et lassureur». Or, daprès lui, «ces participations devraient revenir aux assurés effectifs ayant payé la prime. Chose quon ne retrouve pas étant donné que ces participations font partie intégrante des produits des sociétés de financement». Le consommateur reste donc une proie facile pour ces prédateurs. Contrairement à dautres pays, au Maroc, on assiste à un mutisme total sur la question et lassuré continue de subir les caprices des banquiers. A défaut dun réel mouvement associatif, le consommateur continue dêtre livré à lui-même. Aussi, le Parlement, censé défendre les intérêts des citoyens, brille par son mutisme. Le Conseil de la concurrence, censé remédier à ce type de problèmes en tant quorgane de régulation, narrive pas encore à le faire. Daprès un responsable au sein du Conseil de la concurrence qui souhaite garder lanonymat, contrairement aux organes de régulation de par le monde, ledit Conseil ne jouit pas encore dune véritable liberté. Il ne peut faire de lautosaisine que sil est saisi par un assureur ou une association habilitée à le faire. Le Conseil na donc pas un statut décisionnel et demeure très dépendant du Premier ministre. A quand une loi Lagarde ? Ce sont les mêmes faits relatés ci-dessus qui avaient poussé Christine Lagarde, ministre de lEconomie de France, à réformer en 2008 lassurance crédit. Une première mesure préconisée par la Loi Lagarde et destinée à renverser une situation jusque-là défavorable à l'emprunteur, a donc progressivement été mise en place. Depuis le 1er juillet 2009, la Loi Lagarde oblige les banques à distribuer à leurs clients, souhaitant souscrire un crédit, une notice informative au sujet de l'assurance emprunteur. Cette loi est entrée effectivement en vigueur le 1er septembre 2010. Si cette fiche d'information instaurée par la Loi Lagarde offre à l'usager une meilleure compréhension de l'assurance de prêt, elle permet également de le guider vers le choix d'une assurance emprunteur véritablement adaptée à son profil. Chaque assuré pourra désormais contracter une assurance Vie auprès de lorganisme de son choix. Aussi, et après avoir pris connaissance du profil et des besoins de lemprunteur, la banque ou lorganisme prêteur devra, en vertu de la Loi Lagarde, indiquer quelle solution dassurance de prêt elle compte proposer à lusager. La Loi Lagarde met donc un terme à cette habitude bancaire jugée abusive par bon nombre d'associations en ouvrant l'assurance emprunteur à la concurrence. Au Maroc, les choses traînent encore. Pis encore, le débat nest même pas encore soulevé. Notre Conseil de la concurrence a vraiment du pain sur la planche.