* La retraite est une véritable bombe à retardement. * La situation de certaines caisses nécessite une intervention rapide. Le premier déficit est celui de la CMR qui apparaîtra en 2012. * Les caisses privées sont mieux loties que les publiques. La réforme de la retraite ne cessera jamais de faire parler delle. Et à loccasion de chaque débat, on remet sur la table les erreurs du passé, à savoir la générosité des systèmes qui était en partie à lorigine des déséquilibres financiers qui planent sur les caisses, comme si cela pouvait amortir le choc social. Le dernier débat en date est celui organisé, mardi dernier, par le Club Entreprendre. Le but était de retracer la situation de la retraite, faire la lumière sur les différentes réformes paramétriques et leurs enjeux économiques. Étaient invités à cette table ronde, B. Badou, Directeur général de la FMSAR, A. Alaoui, président de la Commission technique et J. Belahrach, président de la Commission Emploi et Relations sociales à la CGEM. Ce débat faisait suite à une éventuelle prorogation de lâge de la retraite qui a provoqué un tollé chez les syndicats qui sopposent fortement à cette disposition. Il est toujours utile de rappeler quen 1997 les pouvoirs publics avaient pris conscience du degré gravissime de la retraite dans notre pays. Des études actuarielles et des audits comptables et financiers avaient mis en exergue lépuisement des réserves sur le long terme. En 1998, un Comité interministériel a été constitué. En 2000, un rapport récapitulant des pistes de réflexion a été soumis au gouvernement. En 2003, on commençait déjà à entendre parler de réformes. En 2005, une Commission technique a été constituée pour mettre en place les différents scénarios possibles pour sauver le système de la faillite. Cette commission était composée de caisses de retraite, de syndicats et dentreprises. Comme on peut le constater, les compagnies dassurance nen font pas partie. Cela ne surprend pas le Directeur général de la FMSAR qui se souvient de la non-implication du secteur lorsque les pouvoirs publics avaient voulu instaurer lAssurance Maladie Obligatoire. «Le secteur des assurance draîne 40 milliards de DH dencours. Il se veut ainsi un pilier de la retraite complémentaire et jestime quil est aberrant de ne pas limpliquer dans un dossier qui le concerne dune manière ou dune autre», a déclaré B. Badou. Hormis lâge de la retraite, il reste deux paramètres sur lesquels les pouvoirs publics peuvent agir : les cotisations sociales et lassiette des cotisants. Cette dernière paraît la plus réalisable étant donné quune grande frange de la population nest pas couverte. Ajoutons à cela le secteur informel et même les entreprises relevant du secteur privé ne déclarant pas leurs salariés. Tout cela constitue un véritable manque à gagner en terme de cotisations. Caisses publiques vs caisses privées Aujourdhui, les travaux du cabinet détude Actuaria sont bouclés; les choses sérieuses commencent bel et bien. La Commission technique se dit en parfait accord avec le diagnostic élaboré par le cabinet. Elle est en train de discuter les différents scénarii qui ont été retenus et les propositions qui peuvent être privilégiées. Ce rapport sera soumis par la suite au gouvernement qui devra trancher sur la mouture finale à adopter. Tout dépendra du rythme des travaux que le gouvernement compte adopter. Les techniciens ne pourront se substituer aux politiques. A défaut dune véritable volonté politique, la casse serait irréparable. Surtout que la situation de certaines caisses nécessite une intervention immédiate. «A la Caisse marocaine de retraite, les premiers déficits sont attendus dès 2012 et lépuisement des réserves à partir de 2019», annonce avec amertume B. Badou. Aujourdhui, la dette implicite totale des régimes est de 1.187 milliard de dirhams. Ce qui représente 170% du PIB en 2007 pour moins de 30% de la population active. Dans le cas de la CMR, les déficits seront de 315 millions de dirhams en 2012. Cette caisse, qui dispose de 65 milliards de dirhams de réserves, sera confrontée à la vague des départs massifs à la retraite : de 149.000 retraités en 2007, leur nombre passera à 300.000 en 2020 et à 441.000 en 2060, soit le triple des niveaux actuels. La survie de la CMR dans les conditions actuelles est tributaire dune augmentation significative du taux de cotisation : 55% contre 20% en vigueur. Le RCAR, géré par la CDG, devra également faire face à la dégradation de son rapport démographique : 2,73 en 2007 à 2,11 en 2010, avant de tomber à 0,80 en 2040 et 0,78 en 2060. Ce régime enregistrera ses premiers déficits à partir de 2021 et qui atteindront 126 millions de dirhams avant de se détériorer à 8 milliards de dirhams en 2060. Pour sa part, la CNSS dispose dun atout : laubaine dun accroissement de ses cotisants. Leur nombre sera multiplié par 7, passant de 1,8 million de cotisants à 12,3 millions en 2060. Mais, en parallèle, elle connaîtra une évolution du nombre de ses retraités et des ayants-droit. Les premiers atteindront 3,1 millions de retraités, alors que le nombre des ayants-droit sera multiplié par 17 pour atteindre 2 millions de personnes. Contrairement à la CMR et au RCAR, le rapport démographique au niveau de la CNSS passera de 8,4 actuellement à 12,5 en 2020, avant de baisser à 4 en 2060. Cette caisse connaîtra lapparition des premiers déficits à partir de 2026. La pérennité de ce régime dans les conditions de fonctionnement actuelles est tributaire de lapplication dun taux de cotisation de 14% contre 11,89%. Quant à la CIMR, lévolution des réserves devra décroître entre 2010 et 2030, pour devenir croissante jusquà 2060, et la gestion par répartition impose des recettes régulières provenant soit de recrutements massifs comme avec laffiliation obligatoire, soit dun taux de cotisation maintenu à des niveaux actuels. Les différentes recommandations émanant du débat invitent les partis politiques à sintéresser à la retraite parce que cela relève de leur devoir de soulever une telle problématique dans les rangs du Parlement, en préconisant lélargissement de lassiette qui simpose avec acuité. Et les pouvoirs publics, pour leur part, doivent mettre les bouchées doubles pour augmenter le nombre de cotisants. Sans omettre, bien entendu, la volonté politique dont doit faire preuve le gouvernement dans limmédiat.