* Malgré les mesures prudentielles préconisées par BAM et qui insistent sur la mise en place de dispositifs de contrôle interne au sein des sociétés de financement, Taslif vient de subir une escroquerie. * Dans ce cas de figure, des critères dévaluation des performances doivent être exploités pour identifier les évolutions anormales, notamment en matière de recouvrement. * Labsence dimpact sur les résultats telle que communiquée par le CA de Taslif donne matière à réflexion. Il y a à peine trois années, les deux sociétés de crédit à la consommation Salaf et Taslif ont entamé un processus de fusion pour donner naissance à une entité de taille conforme à un marché de plus en plus concentré. La filiale du crédit à la consommation du groupe Saham avait acquis 100% du capital de sa consur Salaf. Le financement de l'acquisition de Salaf, qui a eu lieu en juillet 2007, a été structuré en deux étapes. D'abord, par un apport provisoire en comptes courants d'associés. Ensuite, par une augmentation de capital venant en substitution aux comptes courants d'associés. Cette opération stratégique avait pour but datteindre une part de marché de 5% et, partant, dassurer une meilleure présence sur le marché tout en utilisant un meilleur levier pour renégocier des refinancements. Cette fusion avait également pour dessein de compléter la gamme de produits de Taslif par le crédit classique véhicules, notamment celui des camions, offert par Salaf et présentant un faible niveau de risque en raison de lexistence dune garantie hypothécaire sur les véhicules. Globalement, des effets de synergie sont recherchés à travers la complémentarité des réseaux de distribution des deux sociétés, et ce pour une meilleure extension régionale. En dépit des mesures de prévention Dans le milieu des affaires, on parle dun véritable scandale financier « Une organisation descrocs, avec la complicité dagents internes de Salaf, profitant du passage au nouveau système dinformation, ont permis à des sociétés laccès à des crédits camions, totalisant près de cent millions de dirhams», apprend-on dans un communiqué de Taslif. Le management de la société a pu détecter certaines anomalies, voire remonter à lorigine du problème. Les présumés complices dans cette affaire ont été traduits en justice. A noter que la loi bancaire du 14 février 2006 a accru, de manière considérable, les pouvoirs de décision et de contrôle de BAM, ainsi que les mesures prudentielles et les règles de prévention de risques. Elle a introduit deux obligations importantes pour les établissements de crédit : se doter dun système de contrôle interne approprié visant à identifier, mesurer et surveiller lensemble des risques quils encourent et à mettre en place des dispositifs qui leur permettent de mesurer la rentabilité de leurs opérations ; un devoir de vigilance concernant toute opération dont la cause économique ou le caractère licite nest pas apparent. Leur insertion au sein même de la loi bancaire de 2006 et linsistance du législateur à les évoquer dans différents articles de cette loi, montrent toute limportance que les autorités leur accordent. Aussi, les établissements de crédit nobservant pas les dispositions prudentielles peuvent, en sus des sanctions disciplinaires, ou à leur place, se voir interdire par BAM de distribuer des dividendes à leurs actionnaires ou encore dans lobligation de limiter cette distribution. La question qui se pose demblée est que comment se fait-il quun tel cas de fraude existe dans une société cotée en Bourse et dont les comptes sont certifiés annuellement. Mieux encore, les comptes de la société sont passés mensuellement au peigne fin par BAM. Interrogé à cet effet, un responsable au sein de lassociation professionnelle des sociétés de financement, ne veut pas se prononcer sur un sujet aussi sensible. Selon un auditeur qui souhaite garder lanonymat, «Les sociétés de financement sont soumises à un double commissariat aux comptes au vu de la certification des comptes. Les diligences effectuées en matière de révision des comptes dans le projet de certification diffèrent de celles utilisées en matière de détection des fraudes». Il sempresse dajouter : «Seulement, la phase dévaluation du système de contrôle interne peut révéler lexistence dentorses aux règles de contrôle interne qui pourraient mettre en péril le patrimoine de lentité auditée. Il faut reconnaître quen présence dun réseau, la détection de la fraude savère très difficile». Et donc on se demande dans ce cas de figure : quel sera le sort des auditeurs internes ? « les entités de contrôle ont une obligation de moyens et non une obligation de résultat. Il leur revient, par contre, de prouver quelles ont satisfait à toutes les diligences requises en matière de contrôle et de certification. Cependant, des critères dévaluation des performances doivent être exploités pour identifier les évolutions anormales, notamment en matière de recouvrement ». Les sociétés de financement en tant quétablissements de crédit sont soumises au contrôle sur pièce et sur place relevant des attributions de la Banque centrale. Reste que les contrôles doivent suivre une cadence régulière. Cette exigence est dautant plus renforcée sachant que ces entités font appel à lépargne publique. A en croire le communiqué publié par le Conseil dadministration mardi dernier, les comptes nont pas été affectés par ce scandale. «Vu que tous les camions ont été restitués et quune expertise est en cours pour les évaluer, le Conseil estime quil ny aura pas dimpact sensible sur le résultat ». Les résultats communiqués à ce titre font montre que lannée 2009 a enregistré une croissance de la production de 11%, atteignant 438 MDH. Le résultat avant impôts a progressé de 26%, atteignant 43 MDH. Le CA confirme que les résultats sociaux de Salaf restent positifs, et ce malgré lescroquerie dont elle a été victime et quil ny a même pas lieu de constituer de provision à ce titre. «Sur le plan comptable, il sagit dun événement postérieur à la clôture. En dautres termes, les faits sont révélés entre la date de clôture des comptes et la date de la première publication. La norme comptable veut que cet événement soit pris en ligne de compte au titre de lannée 2009 sil impacte de façon significative les résultats: le patrimoine doit refléter la situation nette de Taslif. Dans le cas contraire, une simple mention dans lETIC est suffisante pour informer le lecteur des états de synthèse» explique notre auditeur. Pourtant, cet acte nest pas sans effet sur les résultats de lexercice 2009. En effet, il a été révélé au titre de lexercice 2009, et donc la constitution de provision devait être opérée au titre du même exercice. La récupération des camions étant un facteur pouvant atténuer le montant des pertes. n