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Entretien : «La pratique de l’ALM varie d’une caisse à une autre»
Publié dans Finances news le 10 - 12 - 2009

* La CIMR a entièrement revu son dispositif de gestion actif/passif en 2003 et ne cesse, depuis, de l’améliorer.
* La philosophie voulue par l’ALM à la CIMR est de permettre de détecter suffisamment à l’avance les difficultés éventuelles et proposer des scénarii d’ajustement indolores.
* Khalid Cheddadi, PDG de la CIMR, livre son point de vue.
- Finances News Hebdo : Parmi les principaux indicateurs-clés de la pérennité d’un régime de Caisse de retraite, on trouve le rapport actif/ retraité et la réserve de prévoyance. Peut-on savoir comment de tels indicateurs ont évolué au titre de l’année 2009, un exercice difficile aussi bien sur le plan interne qu’externe ?
- Khalid Cheddadi : Le rapport actif/retraité n'est pas, à mon sens, un indicateur pertinent permettant de se prononcer sur la santé d’un régime de retraite. Ainsi, un régime qui démarre ou qui connaît une certaine dynamique démographique va avoir un rapport « actif / retraité » élevé, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est en bonne santé. S'il est trop généreux, il va créer une dette importante qu'il transfèrera aux générations futures et le déséquilibre apparaîtra le jour où cette dynamique s’arrêtera.
Par ailleurs, pour un système géré en répartition provisionnée, c’est-à-dire qui dispose d'une réserve de prévoyance en plus des produits techniques générés par les cotisations des affiliés, le rapport actifs/retraités peut être faible sans qu'il y ait d'impact sur la pérennité du régime, la réserve constituée pouvant dans ce cas de figure couvrir les engagements.
La réserve de prévoyance est alors un indicateur plus parlant puisque son niveau et la projection de son comportement sur la durée, permettent de voir le nombre d’années où la caisse est capable d’honorer ses engagements et de définir l’horizon de viabilité du régime. De plus, le niveau de la réserve de prévoyance permet de calculer le taux de couverture, soit le degré de représentativité des engagements de la caisse.
Pour ce qui est de la CIMR, qui est un régime géré en répartition provisionnée, nous avons adopté comme critères de pérennité :
1- que la réserve de prévoyance, projetée sur un horizon de 60 ans, soit toujours positive sur toute cette durée. Ce qui signifie que sur les
60 années de projection, la CIMR disposera toujours de ressources suffisantes pour couvrir ses engagements.
2- qu'en fin de projection, la courbe de la réserve de prévoyance ait une tendance haussière, ce qui signifie qu'aucun déséquilibre ne se dessine au-delà de cette période.
Et ce qui fait la force de ces critères, c'est le fait que, dans le cadre du pilotage du régime inscrit dans nos statuts, nous les soumettons chaque année à examen, avec des hypothèses prudentes et des données actualisées. Nous réalisons un bilan actuariel annuel pour vérifier le comportement de la réserve, et donc la pérennité du régime et, de plus, nous faisons certifier ce bilan par un actuaire international indépendant.
Les résultats que nous enregistrons pour ces bilans actuariels nous confortent, d'année en année, quant à la pérennité de notre régime. Ils ont été par ailleurs renforcés par les conclusions du diagnostic des caisses de retraite, réalisé dans le cadre des travaux de la réforme du secteur par un cabinet conseil international indépendant mandaté par la commission technique, et qui est arrivé aux même résultats.
Ceci étant précisé, et pour répondre à votre question, le rapport actif/retraité de la CIMR connaît une stabilité depuis 2007 et se situe au niveau de 2,47.
Quant au niveau de la réserve de prévoyance, elle s'est élevée en 2008 à 15,011 milliards de DH en valeur comptable, soit plus de 17% par rapport à l'exercice précédent. En valeur marché, elle a augmenté de 22% en 2008 et s'est établie à plus de 23 milliards de DH. Ces montants devraient augmenter en 2009.
- F.N.H. : La gestion Actif / Passif se veut désormais un outil indispensable pour les caisses de retraite dans un contexte très volatil. Où en est actuellement la CIMR ?
- Kh. Ch. : L'ALM est conçue pour évaluer et promouvoir l'équilibre entre les ressources et les emplois à un niveau de risques appropriés. Elle fait appel à plusieurs disciplines pour appréhender une situation future, tester sa robustesse et prévenir les complications éventuelles. Mais l’ALM reste à ses balbutiements. La pratique de cette discipline et son degré de sophistication varie sensiblement d'un établissement à l'autre. La CIMR a entièrement revu son dispositif de gestion actif/passif en 2003 et ne cesse, depuis, de l’améliorer.
Ce dispositif est directement pris
en charge par le Conseil d’Administration qui délègue les études techniques au Comité de pilotage pour «le passif» et au Cominvest pour la partie «actif» tout en soumettant les méthodes et les résultats de leurs travaux à une certification annuelle et un audit de gestion faits par deux cabinets internationaux de renom.
La philosophie voulue par l’ALM à la CIMR est de permettre de détecter suffisamment à l’avance les difficultés éventuelles et proposer des scénarii d’ajustement indolores. Cette notion de pilotage de régime de retraite par répartition n’est en fait possible que si la gestion actif/passif est suffisamment étoffée, robuste et proactive.
- F.N.H. : Où en est le chantier Solvency II au sein de votre caisse ?
- Kh. Ch. : Solvency II a introduit des règles de gestion qui tendent à maîtriser et à couvrir les risques auxquels sont soumis l’actif et le passif d’une société d’assurance, qui commencent à entrer en vigueur en Europe. Cependant l’adaptation de ces règles aux caisses de retraite est loin d’être réalisée pour deux raisons essentielles :
• les caisses de retraite, à l’inverse des sociétés d’assurance, n’ont pas de capitaux propres. Cette différence est de taille car c’est à travers le dimensionnement des capitaux propres que se fait la couverture des risques ;
• les caisses de retraite n’enregistrent pas tous leurs engagements sur leurs bilans, car ceux-ci sont couverts par les recettes futures.
Des réflexions sont en cours à l’échelle internationale pour tenir compte de ces spécificités et adopter des règles particulières aux caisses de retraite.
Le colloque que nous avons organisé à l’occasion du 60ème anniversaire de la CIMR sur le thème «Stratégies de gestion de l’actif et du passif d’une caisse de retraite», se situe dans ce sillage, et avait pour ambition d’ouvrir des pistes de réflexion sur le sujet.
- F.N.H. : Dans un contexte de crise, comment s’est démarquée votre politique de placements ? Et comment s’est soldé votre portefeuille à fin 2009 en valeur marché ?
- Kh. Ch. : Le terme crise est peut-être un peu fort pour décrire le contexte économique et boursier marocain. Les cours sont par nature cycliques. Après une période d’euphorie, il est normal de passer par une période d’ajustement ou de correction à condition, bien sûr, qu'elle ne dure pas dans le temps.
Si l'on met de côté l’effet psychologique, on voit bien que la rentabilité actuelle et les perspectives des sociétés cotées restent bonnes.
Donc, au regard de la nature de l’investissement en Bourse et notre horizon d’investissement, nous prêtons plus attention à des critères de valorisation fondamentale à long terme. Cet « helicopter view » doit être encadré par un dispositif de veille stratégique qui anticipe ces tendances de fonds et c’est ce qui nous démarque. Nous avons travaillé depuis quelques années à la mise en place d’un mécanisme nous permettant de détecter les signaux de dépérissement du contexte d’investissement et de retournement de tendances. Ainsi, en 2008, notre contre-performance a été contenue à -1% alors que nous assistions à une déconfiture des marchés partout dans le monde. Pour 2009, l’année n’est pas encore terminée, mais à fin novembre 2009, la variation du portefeuille est de +7%.
- F. N. H. : Quel a été l’impact de la morosité du marché boursier sur vos placements ?
- Kh. Ch. : Le portefeuille de la CIMR résiste bien. Au 04 décembre 2009, la performance est de +1,43% (hors dividendes) quand le MASI est à -8,98%. Idem pour les fonds dédiés. La surperformance est de 800 pb depuis le début de l’année.
- F.N.H. : Quel a été le rendement du portefeuille au titre de l’exercice 2009. Jusqu’à quel degré estimez-vous que ce taux pourrait aider la Caisse à faire face aux chocs violents du marché qui ne semblent pas encore terminés ?
- Kh. Ch. : Le rendement attendu au titre de l’année 2009 est de 8,7% avec une valeur «marché» du portefeuille en hausse de +5%. La CIMR a été extrêmement prudente en matière d’investissement et de réalisation de plus-values latentes, son résultat financier est constitué à 82% de revenus (coupons, dividendes, intérêts..) et le taux de plus-value (rapport entre valeur marché et valeur comptable) est de 320%. Nous pouvons conclure que la CIMR aborde l’avenir avec une bonne protection contre de telles tempêtes boursières. Ses placements sont suffisamment diversifiés et contrôlés pour passer au travers de ce type de difficultés.


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