* Les intérêts moratoires prévus par la réglementation concernant les établissements publics peuvent être qualifiés, en cas dabandon, de libéralités imposables fiscalement. * Pour le secteur privé, aucune disposition na été prévue par la loi. La Justice reste la seule voie de recours. * 30% du chiffre daffaires des entreprises sont confrontés actuellement à des problèmes de recouvrement, contre 10 à 15% habituellement. La crise économique et financière déclenchée en 2007 a eu comme corollaire des retards de paiement en ce qui concerne les créances commerciales, et qui ont touché principalement des trésoreries défaillantes. Plusieurs entités du tissu productif national ont été impactées. Effectivement, ce phénomène a touché aussi bien les petites et moyennes entreprises que les grandes. Pis encore, ces retards en cascade ont entraîné des faillites essentiellement dans le secteur du textile-habillement. En effet, si sous dautres cieux les retards de paiement sont réglementés, ici au Maroc, on assiste à un vide juridique en la matière. Dans un pays comme la France, la loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques) est venue renforcer lobligation instituée en 1992 de facturer des intérêts de retard en cas de paiement tardif des créances commerciales. En vue de limiter limportance du crédit-fournisseur, le législateur a obligé les entreprises à facturer les intérêts de retard si leurs clients sacquittent tardivement des créances reçues. Fiscalement, ladministration avait décrété en son temps que la créance dintérêt de retard, même non facturée, constituait une créance à enregistrer comptablement et à imposer fiscalement. En pratique, pour des raisons commerciales évidentes, les entreprises sont réticentes à facturer ces intérêts. Ici au Maroc, le législateur na rien prévu à cet effet. Toutefois, il est à nuancer car contrairement au secteur privé, les établissements publics relevant de la Direction des Entreprises et Etablissements Publics sont soumis à ce que lon appelle les intérêts moratoires. A ce sujet, il est à noter que les titulaires des marchés de lEtat peuvent obtenir le paiement dintérêts moratoires calculés à un taux supérieur de 1% au taux descompte de la Banque dEtat du Maroc en cas de retard dans le paiement des sommes dues au titre de ces marchés, à la condition que ce retard soit exclusivement imputable à ladministration. Aussi, ne donnent pas lieu à paiement dintérêts moratoires les sommes dont le paiement peut être prévu dans les contrats aux titres dapprovisionnements de matériaux, davance sur matériel et installations de chantiers Dans ce sillage, lorsque le délai écoulé entre la date de la constatation du service fait et celui de la date denvoi du mandat de paiement ou de lavis de virement est supérieur à quatre vingt-dix jours, le créancier pourra, sur sa demande, obtenir le paiement des intérêts moratoires, sil est établi que le retard dans le paiement est exclusivement imputable à ladministration. La question qui se pose par contre est la suivante : est-ce quen cas de constatation de retard de paiement entre les établissements publics, on assiste vraiment à une application des intérêts moratoires ? Interrogé à cet effet, un responsable dun établissement public explique : « Il est vrai que le législateur a prévu la pratique des intérêts moratoires pour sanctionner les retards de paiement. La Trésorerie générale publie périodiquement les taux dintérêt à appliquer. Ils sont généralement exigés dans le cadre dune procédure de recouvrement judiciaire. Les entreprises naccordent pas dimportance à ce volet pour des raisons purement commerciales. Seulement, les intérêts prévus par la réglementation peuvent être qualifiés, en cas dabandon, de libéralités imposables fiscalement». Donc, daprès lui, le risque fiscal subsiste toujours. La procédure doit se faire automatiquement par facturation. Seulement, les entreprises lésées préfèrent la voie judiciaire. Si lon applique les intérêts moratoires aux établissements publics, quest-ce qui empêche donc den faire autant avec le secteur privé qui se taille désormais une part importante dans le monde des affaires ? Secteur privé : le contrat fait loi En effet, la dernière enquête de conjoncture de BAM relève que 36% des entreprises de léchantillon sondé annoncent que dans le contexte actuel, leur niveau de trésorerie est inférieur à la normale en raison des difficultés de recouvrement. En moyenne, 30% du chiffre daffaires des entreprises demeurent sujets à des problèmes de recouvrement contre 10 à 15% habituellement; et sur ce volume, 2 à 5% feront lobjet dun contentieux. Parmi les secteurs où les retards de paiements ont été légion dans ce contexte de crise, le ciment et lhôtellerie figurent en bonne position. «Depuis le déclenchement de la crise, les délais se sont allongés de manière inquiétante, soit plus de trois mois», annonce un hôtelier dans la capitale du Souss. Idem pour le secteur du ciment : les opérateurs ont ressenti à fond les effets de la crise et nombreux sont ceux qui se sont retrouvés en cessation de paiement vis-à-vis de leurs fournisseurs à cause de lallongement des délais de recouvrement. Face à un vide juridique, les fournisseurs se trouvent astreints à sélectionner leurs clients. Nombreux sont les chefs dentreprise ayant adopté la stratégie de prudence. Ils ont ainsi choisi de conclure, certes, peu de contrats, mais avec des clients soi-disant solvables ou qui relèvent de la catégorie des bons payeurs. Dans le cadre du secteur privé, le législateur préfère le consensuel et le contrat constitue la loi des parties. Toutefois, on peut se retrouver avec un contrat dadhésion où les clauses sont celles dictées par la partie la plus forte. Le législateur doit donc intervenir pour réguler cette relation, prévoir les intérêts de retard par un texte qui exempte leur insertion dans le contrat tout en leur conférant un caractère automatique. En attendant un texte réglementaire, les entreprises continuent de jouer le jeu de sélection de la clientèle. En 2005, la Fédération des PME-PMI avait proposé au gouvernement un projet de loi fixant le délai de paiement à 45 jours et le paiement des intérêts de retard. Valeur daujourdhui, le projet na pas encore vu le jour. Et le patronat compte le remettre sur la table.