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Intérêts de retard : Le privé face au vide juridique
Publié dans Finances news le 12 - 11 - 2009

* Les intérêts moratoires prévus par la réglementation concernant les établissements publics peuvent être qualifiés, en cas d’abandon, de libéralités imposables fiscalement.
* Pour le secteur privé, aucune disposition n’a été prévue par la loi. La Justice reste la seule voie de recours.
* 30% du chiffre d’affaires des entreprises sont confrontés actuellement à des problèmes de recouvrement, contre 10 à 15% habituellement.
La crise économique et financière déclenchée en 2007 a eu comme corollaire des retards de paiement en ce qui concerne les créances commerciales, et qui ont touché principalement des trésoreries défaillantes. Plusieurs entités du tissu productif national ont été impactées. Effectivement, ce phénomène a touché aussi bien les petites et moyennes entreprises que les grandes. Pis encore, ces retards en cascade ont entraîné des faillites essentiellement dans le secteur du textile-habillement.
En effet, si sous d’autres cieux les retards de paiement sont réglementés, ici au Maroc, on assiste à un vide juridique en la matière.
Dans un pays comme la France, la loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques) est venue renforcer l’obligation instituée en 1992 de facturer des intérêts de retard en cas de paiement tardif des créances commerciales. En vue de limiter l’importance du crédit-fournisseur, le législateur a obligé les entreprises à facturer les intérêts de retard si leurs clients s’acquittent tardivement des créances reçues. Fiscalement, l’administration avait décrété en son temps que la créance d’intérêt de retard, même non facturée, constituait une créance à enregistrer comptablement et à imposer fiscalement. En pratique, pour des raisons commerciales évidentes, les entreprises sont réticentes à facturer ces intérêts.
Ici au Maroc, le législateur n’a rien prévu à cet effet.
Toutefois, il est à nuancer car contrairement au secteur privé, les établissements publics relevant de la Direction des Entreprises et Etablissements Publics sont soumis à ce que l’on appelle les intérêts moratoires.
A ce sujet, il est à noter que les titulaires des marchés de l’Etat peuvent obtenir le paiement d’intérêts moratoires calculés à un taux supérieur de 1% au taux d’escompte de la Banque d’Etat du Maroc en cas de retard dans le paiement des sommes dues au titre de ces marchés, à la condition que ce retard soit exclusivement imputable à l’administration.
Aussi, ne donnent pas lieu à paiement d’intérêts moratoires les sommes dont le paiement peut être prévu dans les contrats aux titres d’approvisionnements de matériaux, d’avance sur matériel et installations de chantiers… Dans ce sillage, lorsque le délai écoulé entre la date de la constatation du service fait et celui de la date d’envoi du mandat de paiement ou de l’avis de virement est supérieur à quatre vingt-dix jours, le créancier pourra, sur sa demande, obtenir le paiement des intérêts moratoires, s’il est établi que le retard dans le paiement est exclusivement imputable à l’administration.
La question qui se pose par contre est la suivante : est-ce qu’en cas de constatation de retard de paiement entre les établissements publics, on assiste vraiment à une application des intérêts moratoires ?
Interrogé à cet effet, un responsable d’un établissement public explique : « Il est vrai que le législateur a prévu la pratique des intérêts moratoires pour sanctionner les retards de paiement. La Trésorerie générale publie périodiquement les taux d’intérêt à appliquer. Ils sont généralement exigés dans le cadre d’une procédure de recouvrement judiciaire. Les entreprises n’accordent pas d’importance à ce volet pour des raisons purement commerciales. Seulement, les intérêts prévus par la réglementation peuvent être qualifiés, en cas d’abandon, de libéralités imposables fiscalement». Donc, d’après lui, le risque fiscal subsiste toujours.
La procédure doit se faire automatiquement par facturation. Seulement, les entreprises lésées préfèrent la voie judiciaire.
Si l’on applique les intérêts moratoires aux établissements publics, qu’est-ce qui empêche donc d’en faire autant avec le secteur privé qui se taille désormais une part importante dans le monde des affaires ?
Secteur privé : le contrat fait loi
En effet, la dernière enquête de conjoncture de BAM relève que 36% des entreprises de l’échantillon sondé annoncent que dans le contexte actuel, leur niveau de trésorerie est inférieur à la normale en raison des difficultés de recouvrement. En moyenne, 30% du chiffre d’affaires des entreprises demeurent sujets à des problèmes de recouvrement contre 10 à 15% habituellement; et sur ce volume, 2 à 5% feront l’objet d’un contentieux.
Parmi les secteurs où les retards de paiements ont été légion dans ce contexte de crise, le ciment et l’hôtellerie figurent en bonne position. «Depuis le déclenchement de la crise, les délais se sont allongés de manière inquiétante, soit plus de trois mois», annonce un hôtelier dans la capitale du Souss.
Idem pour le secteur du ciment : les opérateurs ont ressenti à fond les effets de la crise et nombreux sont ceux qui se sont retrouvés en cessation de paiement vis-à-vis de leurs fournisseurs à cause de l’allongement des délais de recouvrement.
Face à un vide juridique, les fournisseurs se trouvent astreints à sélectionner leurs clients. Nombreux sont les chefs d’entreprise ayant adopté la stratégie de prudence. Ils ont ainsi choisi de conclure, certes, peu de contrats, mais avec des clients soi-disant solvables ou qui relèvent de la catégorie des bons payeurs.
Dans le cadre du secteur privé, le législateur préfère le consensuel et le contrat constitue la loi des parties. Toutefois, on peut se retrouver avec un contrat d’adhésion où les clauses sont celles dictées par la partie la plus forte. Le législateur doit donc intervenir pour réguler cette relation, prévoir les intérêts de retard par un texte qui exempte leur insertion dans le contrat tout en leur conférant un caractère automatique.
En attendant un texte réglementaire, les entreprises continuent de jouer le jeu de sélection de la clientèle. En 2005, la Fédération des PME-PMI avait proposé au gouvernement un projet de loi fixant le délai de paiement à 45 jours et le paiement des intérêts de retard. Valeur d’aujourd’hui, le projet n’a pas encore vu le jour. Et le patronat compte le remettre sur la table.


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