* Si la récession de léconomie réelle est très importante, elle aura nécessairement des effets sur le système financier. * Pour les projets ayant connu un retrait de groupes étrangers, il faut envisager leur reprise par les groupes nationaux et ne pas les abandonner, parce quils sont vitaux pour léconomie marocaine. * Le meilleur moyen dencourager lémergence de champions nationaux est linstauration dune fiscalité incitative pour promouvoir les fusions-acquisitions. * Point de vue de J. Kerdoudi, président de lIMRI - Finances News Hebdo : La Coface avait maintenu sa note pour le Maroc au moment où elle lavait réduite de deux points pour lEspagne, le Royaume-Uni Jusquà quel degré devait-on sassurer de la portée de cette information pour notre économie dans ce contexte de crise ? - Jawad Kerdoudi : Cest très important que la COFACE ait maintenu la même note pour le Maroc malgré la crise économique mondiale. En effet, les importateurs, les exportateurs et les investisseurs étrangers tiennent compte de la note de la COFACE pour initier avec notre pays de nouvelles opérations ou continuer celles déjà existantes. - F. N. H. : Les responsables ne cessent de se targuer du caractère «immunisé» de notre système financier pour des raisons qui restent très connues. Est-ce quaujourdhui on ne doit pas craindre la contagion de léconomie réelle (allusion au principe des vases communicants) ? - J. K. : Nos banques nont pas été touchées par la crise financière internationale, du fait de leur faible engagement à létranger, et du fait quelles nont pas acheté de produits financiers «toxiques» en raison du contrôle des changes. Par contre, la Bourse de Casablanca a été touchée, principalement pour des raisons psychologiques et techniques, et a terminé lannée 2008 avec une contre-performance de 13,48%, avec des perspectives imprévisibles pour 2009 . Vous avez raison de dire que si la récession de léconomie réelle devenait très importante, elle aura nécessairement des effets sur le système financier. Il faut espérer que ce ne sera pas le cas pour le Maroc. - F. N. H. : Daucuns estiment que dans les cas de crises gravissimes, il est plus recommandé de consommer local, essentiellement pour ce qui est de gros marchés. Est-ce que, daprès-vous, les fournisseurs marocains ont atteint un certain degré de maturité et de crédibilité pour quon leur fasse confiance ? - J. K. : Je ne crois pas beaucoup au slogan «Consommer local». Un chef dentreprise responsable cherchera toujours à acheter le produit qui a le meilleur rapport qualité /prix, quil soit marocain ou étranger. La réponse à votre question est que les entreprises marocaines doivent améliorer leur productivité, pour concurrencer efficacement les produits étrangers. On peut, cependant, dans les appels doffres publics, favoriser indirectement les entreprises locales. Cela se fait même dans les économies étrangères développées, mais il faut le faire de façon intelligente. - F. N. H. : En parlant de nationalisme justement, est-ce que celui-ci pourrait être une solution aux projets concernés par les retraits des grands groupes (Fadessa, Nissan, Emaar ) en vue déviter leur blocage ?. - J. K. : Le retrait du Maroc des grands groupes étrangers est une mauvaise nouvelle tant pour les projets eux-mêmes que pour léconomie marocaine en général. Je pense tout particulièrement au Plan Azur sur lequel beaucoup despoirs avaient été fondés et qui devait attirer 10 millions de touristes en 2010. Certes, ces grands groupes invoquent, pour leur retrait, la crise économique mondiale. Il faut tout dabord négocier avec eux pour augmenter, par exemple, les délais de réalisation. Si aucune solution nest trouvée, il faudrait commencer tout dabord par trouver de nouveaux investisseurs étrangers pour continuer les mêmes projets. En définitive, il faut envisager la reprise de ces travaux par les groupes nationaux, et nabandonner en aucun cas ces projets, qui sont vitaux pour léconomie marocaine. - F. N. H. : Aussi, passer le cap de la crise induit nécessairement lémergence de champions nationaux comme cest le cas de la Corée. Au Maroc, cette stratégie en est encore à ces balbutiements. Quels sont les mécanismes à mettre en place pour les voir émerger ? - J. K. : Dans le cadre de la mondialisation, il est indispensable pour un pays moyen comme le nôtre de disposer de champions nationaux. Ces derniers protègent tout dabord léconomie marocaine contre toute incursion étrangère nuisible. Ils peuvent soit initier de grands projets, soit reprendre ceux qui sont abandonnés par les investisseurs étrangers. Ils disposent enfin de moyens financiers pour investir à létranger, notamment en Afrique sub-saharienne. Le meilleur moyen dencourager lémergence de champions nationaux est linstauration dune fiscalité incitative pour promouvoir les fusions-acquisitions.