* ATW et BMCE se sont déjà fait une place dans la sphère financière africaine La BCP est en train de suivre. * Si lexternalisation africaine des banques marocaines se limite aux pays de lOuest, cest surtout grâce à «une fraternité politique» avec notre pays. Depuis bientôt trois ans, les banques marocaines sattaquent au marché de la finance africaine, considéré comme un réel gisement de croissance à linternational. Et pour cause, le continent affiche un faible taux de bancarisation pour une population dépassant le milliard de personnes. De grands projets dinfrastructure sont aussi en marche dans plusieurs pays et engendrent un besoin important en fonds pour les financer. Cest dire tout lintérêt quont les établissements bancaires à simplanter un peu partout dans le continent noir, et daccompagner le développement du secteur bancaire dans cette région du globe. Attijariwafa bank, BMCE Bank ou encore le Groupe Banque Populaire, ont toutes choisi de saisir les opportunités financières qui se sont offertes depuis que les hauts responsables du pays ont adopté une politique de rapprochement avec les Etats subsahariens. La filiale de lONA a été la première à entamer cette conquête de lAfrique. Juste après lacquisition en consortium avec Grupo Santander de 53,54% du capital de la Banque du Sud en 2005, devenue depuis Attijari bank Tunisie, elle a enchaîné avec la création dune filiale au Sénégal, ayant en ligne de mire le financement des PME sénégalaises et laccompagnement de leur développement. Ambition qui le poussera à acquérir plus tard la BST (Banque sénégalo-tunisienne) et le groupe CBAO. Depuis, Attijariwafa bank a poursuivi son expansion à linternational pour devenir présente dans pas moins de dix pays africains à grand potentiel de croissance. Et 2008 y a, semble-t-il, fortement contribué. En effet, avec la récente transaction réalisée avec le Groupe Crédit Agricole S.A en novembre 2008, ATW a déboursé près de 3 Mds de DH pour saccaparer diverses participations dans des établissements bancaires africains. Et toutes représentent, faut-il le dire, des pourcentages de contrôle pour le moins majoritaire : acquisition de 81 % du capital du Crédit du Congo, 51% de la Société ivoirienne de banque, deux tiers de la société camerounaise de banque, 59% de lUnion gabonaise de banque et la quasi-totalité des actions du Crédit Agricole du Sénégal rien que des parts lui offrant un pouvoir de décision exclusif. Avec la même stratégie, le groupe a acquis 51 % du capital de la Banque Internationale pour le Mali, cédés par lEtat malien au terme dun appel doffres international qui entre dans le cadre dune politique de privatisation pour un montant de 60 millions deuros. En terme de performance, les filiales africaines semblent bien sen tirer au vu des réalisations 2008, et lavenir sannonce meilleur selon les analystes, puisquAttijariwafa bank a su démontrer une réelle expertise dans le développement de ses filiales à travers linstauration dun modèle de gestion pertinent. De son côté, la BMCE, à limage de sa consur, a rapidement pris conscience des opportunités à saisir dans le cadre de son plan de développement ; toutefois avec une stratégie différente. La banque dOthman Benjelloun se contente dun pourcentage de contrôle, certes majoritaire dans certains cas, mais noffrant pas tout le temps un contrôle absolu. Cest donc depuis les années 2000 que le groupe BMCE Bank a montré son intérêt pour le continent noir, mais la concrétisation nest réellement intervenue quen mars 2007 avec la reprise de 35% du capital de Bank Of Africa, 3ème groupe bancaire de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Moins de deux ans après, le périmètre de consolidation de BOA Group a été élargi à 42,5%. Un coup de maître, puisque cette transaction, pour laquelle le groupe a dû contracter 70 millions deuros demprunt obligataire auprès de la SFI, a permis à la banque bleue de se positionner non seulement sur neuf banques commerciales, mais aussi sur des compagnies dassurance africaines, des sociétés de leasing et des intermédiaires en Bourse. Selon le président de lempire bancaire, «BMCE Bank uvre à diversifier géographiquement ses revenus. Lexercice écoulé, elle en a recueilli les premiers fruits : un investissement opéré en 2007 dans la Holding Bank of Africa a permis de générer, en 2008, 13 % du RNPG». Outre la BOA, la BMCE a pris des participations dans le capital de la Banque du Développement du Mali, à hauteur de 27,38%, et 25% des actions de la Congolaise des Banques. Selon le management du groupe, les résultats réalisés en 2008 par les filiales africaines auraient largement contribué à compenser leffort significatif dinvestissement et les charges importantes engagées pour le parachèvement de la plate-forme européenne du groupe quest MédiCapital Bank. Cette dernière, bien que basée à Londres, affiche des ambitions plus africaines quil ne paraît. En effet, la filiale londonienne aurait comme objectif principal de se positionner pionnière dans le marché de la banque dinvestissement sur le continent, notamment avec une présence en République Démocratique du Congo, au Bénin et au Burkina Faso où n'existent pas encore des banques d'investissement. «BMCE Bank SA soutient lexpansion à linternational de son groupe en y allouant des fonds propres et quasi-fonds propres qui, certes, impactent ses charges financières, mais généreront davantage de revenus pour les prochains exercices», souligne Othman Benjelloun. Cet appétit pour la finance africaine de ces deux grands mastodontes bancaires ne pouvait laisser indifférent lautre concurrent de taille, la banque du cheval. Depuis son avènement à la tête du Groupe Banque Populaire, Mohamed Benchaâboune na pas caché sa volonté de faire de sa banque un organisme dont lactivité serait internationale. De ce fait, le GPB est présent dans deux pays subsahariens que sont la Guinée et la République Centrafricaine à travers les deux filiales Banque Populaire Maroco-Guinéenne et Banque Populaire Maroco-Centrafricaine. Le GPB sest aussi implanté en Mauritanie grâce à un partenariat avec Attijariwafa bank, lequel a consisté à mettre en place un consortium opérant dans ce pays voisin. Le groupe bancaire nest certes quà ses premiers pas dans sa politique dexternalisation, mais il ne compte guère sarrêter là. «Nous penchons sur le développement du groupe à linternational. Nous regardons du côté de lEurope et de lAfrique», a souligné le président du groupe lors de la présentation des résultats 2008. Avec cet engouement des groupes bancaires marocains pour lexternalisation, un constat se fait flagrant : les seuls pays où le Maroc a pu se positionner, à part la Tunisie, appartiennent à la moitié ouest-africaine. Alors la question qui se pose : quen est-il de lEst ? Lintérêt que portent ces trois banques pour cette région est évident. Mais il semblerait, selon certains experts, que des pays influents de la région restent réticents par rapport aux intérêts économiques et politiques du Maroc. Cest notamment le cas de lAlgérie. Un marché jugé opportun par tout le microcosme de la finance marocaine, mais qui souffre des relations tendues qui animent la scène politique, surtout quand il sagit du Sahara marocain. Ce dernier élément ressort aussi quand il sagit dexpliquer la quasi-impossibilité de conquérir les marchés nigérian et sud-africain. Dun autre coté, des différences culturelles et historiques pourraient expliquer labsence du Maroc dans les économies de lEst. La langue est citée en premier lieu. Si lAfrique de lOuest est réputée être majoritairement francophone, celle de lEst est anglophone. Ce qui ne favorise en rien le développement déchanges économiques entre le Maroc et les pays de cette région. Aussi, historiquement, depuis le désengagement du Maroc de lUnion africaine, il y a de cela une trentaine dannées, la voix du Royaume est devenue très peu influente dans les pays de lEst, surtout avec la montée en puissance de lAfrique du Sud et du Nigeria, grand producteur pétrolier. Cest dire que sans une assise politique favorable, le développement économique, et partant financier, dans les pays de lAfrique de lEst restera assez probable.