* Sniper de Targuist, grève à Sefrou, mariage homosexuel à Ksar El Kébir, emprisonnement du bloggueur Rajji, sont autant daffaires ayant donné son plein essor au cyberactivisme au Maroc. * Avec un parc de 650.000 abonnés à Internet, dont 95 % en haut débit, la communauté internaute marocaine est estimée à 7 millions de personnes. Internet serait-il devenu la nouvelle voix des Marocains ? Tout prête à y croire. Avec un parc dabonnés de plus de 650.000, quelque 25.000 noms de domaines portant le fameux «.ma» et 100.000 ordinateurs vendus par an au Maroc, lattrait dInternet nest plus à démontrer. Mais, en 2008, une nouvelle forme dutilisation de cet outil a émergé : le cyberactivisme. Ainsi, Internet nest plus seulement un moyen de connexion au monde extérieur, mais désormais, il devient un espace libre dexpression et, surtout, de revendications. «Internet est un média alternatif certes embryonnaire, mais son influence fut importante dans lexplosion de certaines affaires comme celle du sniper de Targuist qui sest traduite par une suspension de gendarmes, ou encore les violations quavait connues Sidi Ifni ou la grève de Sefrou », explique Rachid Jankari, journaliste et rédacteur en chef du magazine spécialisé dans lactualité des TIC au Maroc, «Maroc-it.ma». Il soutient que lannée 2008 a effectivement connu lémergence du cyberactivisme au Maroc, grâce notamment au nombre important daffaires qui ont éclaté durant cette année. Notamment celles datteinte à la liberté dexpression comme laffaire Raji, emprisonné après un article diffusé sur le Net. Tant de vecteurs donc qui ont provoqué un réel dynamisme de lutilisation dInternet à limage de revendication et de dénonciations dabus comme laffaire du sniper de Targuist. Vidéo à lappui, ce snipper avait choppé des gendarmes en flagrant délit dextorsion dargent aux conducteurs de véhicules de transport, de particuliers et de marchandises. La vidéo diffusée sur Youtube.com a été vue par des millions dinternautes marocains et étrangers et enclenchera une enquête denvergure au sein de la gendarmerie royale. Autre affaire très suivie sur ce même site : celle du prétendu mariage homosexuel à Ksar El Kébir; et une fois de plus le média alternatif prend une longueur davance sur les médias traditionnels. Le cyberactivisme se décline également dans les groupes de soutien comme celui de «Free Raji» sur Facebook.com où quelques 3.800 inscrits ont témoigné leur solidarité avec ce bloggueur marocain. Facebook. Com, justement, dont le réseau Morocco compte plus de 80.000 personnes. Les groupes de solidarité et de dénonciation dabus se multiplient, faisant adhérer de plus en plus les internautes marocains, mais également les ONG. Comme ce fut le cas de lingénieur Mortada qui sest inscrit sur Facebook sous le profil de SAR le Prince Moulay Rachid. Linfo Mortada a explosé sur Internet avant dêtre reprise par des organismes internationaux comme Amnesty, Global Voice, RSF et des organismes nationaux comme lOMDH et lAMDH Autant daffaires qui expliquent ce dynamisme de la communauté Internet au Maroc, laquelle est estimée à 7 millions dInternautes. «Internet nest plus un espace dinformation, il est vite devenu un nouvel espace de mobilisation et de plaidoiries. Cest un baromètre de la réactivité des gens par rapport aux affaires datteinte aux Droits de lHomme et par rapport au marasme de laction politique et associative normale», poursuit Rachid Jankari. En effet, un site comme Youtube est vite assimilé à un Diwan Al Madalim en ligne. Dès quun Marocain se sent lésé dans ses droits, il fait appel à Internet à coup de photos, vidéos, son ou textos ! Aidé en cela par lanonymat que peut assurer cet outil à son utilisateur et, surtout, par le caractère viral dInternet où linfo circule très rapidement. «On sous-estime le potentiel dengagement sur Internet, mais le dynamisme des internautes démontre quil y a un vif intérêt pour la chose publique, comme en témoignent les commentaires sur les groupes à connotation politique, ceux qui défendent lintégrité territoriale», souligne Rachid Jankari qui soutient quil serait inopportun de comparer la mobilisation cybernétique à celle traditionnelle : «cest un faux débat !». Autre facteur important qui a droit de cité parmi les vecteurs de développement du cyberactivisme : la libéralisation de loutil Internet accentuée par la présence de trois opérateurs de télécommunication. Ainsi, les censures de sites ne sont plus que sporadiques ! Internet est plus libre au Maroc quailleurs dans le monde arabe. Le revers de la médaille est que cet outil peut ouvrir la voie aux excès recensés ici par Rachid Jankari : il peut y avoir atteinte à la vie privée, il y a ceux qui abusent des profils des gens, le risque de pédophilie; de tourisme sexuel et même de terrorisme «Cest normal dans chaque outil il existe des dérapages, mais à mon sens, le Maroc a fait le choix des nouvelles technologies comme levier de croissance, donc, il doit préserver cet espace de liberté pour encourager linvestissement», conclut Rachid Jankari. Entre temps, les groupes alternatifs, les associations virtuelles de lutte contre la maltraitance des enfants et autres, trouvent en lInternet un formidable espace déchange et de mobilisation pour des causes nobles !