Le Maroc a opté pour le libéralisme. Nécessairement et indépendamment du contexte international, il doit connaître périodiquement des crises plus ou moins aiguës. Ceci pour la simple raison que la crise est quelque chose dinhérent au système capitaliste lui-même. Cest sa maladie chronique. Ces dernières années, notre pays a vécu une période relativement favorable dans une conjoncture mondiale qui était elle-même favorable. Aujourdhui, ce nest plus le cas. Traditionnellement, il suffisait que la France éternue pour que le Maroc senrhume. Mais quand la France senrhume, devinez ce qui arrive au Maroc ? Et que dire quand toute la planète est malade ? Cette maladie remonte aux événements dramatiques du 11 septembre 2001. Sommairement, léconomie américaine était alors menacée dune forte récession. Les taux dintérêt ont été alors rabaissés jusquà 1% pour booster la demande. Les banques prêtaient à bras ouverts sans être regardantes sur la solvabilité des clients. Il sensuivit un boom immobilier sans précédent. Pour éviter la tendance inflationniste, la FED (banque centrale américaine) a relevé dernièrement les taux dintérêt. Or, il sest trouvé quune grande partie des prêts immobiliers étaient à taux dintérêt variables. Il fallait payer des traites de plus en plus élevées. Le nombre des insolvables grandit de jour en jour. Les banques qui ont prêté avec largesse, et/ou les institutions qui ont acheté la dette des insolvables, procèdent à des saisies de logements sans possibilité de revente et entrent en difficulté. Les bilans saffichent en négatif. Les Bourses sen ressentent. Cest la descente aux enfers ! Cela ne concerne pas uniquement les USA car toutes les grandes banques de ce monde ont des placements en Amérique. Les institutions européennes ont aussi subi de grosses pertes. On na pas agi à temps. La crise financière passe du système bancaire à la Bourse et se propage pour toucher la sphère de léconomie réelle (ralentissement de la croissance, faillites, montée du chômage, baisse de la demande ). Cest la récession. Les économistes savent que la persistance, dans la durée, de celle-ci engendre la dépression. Sommes-nous dans cette perspective ? Beaucoup déconomistes ladmettent. Les politiques aussi. Pour comprendre pourquoi le gouvernement américain a tardé à agir, il faut revenir aux fondements de la doctrine libérale. Les Républicains, dont le président Bush, sinspirent du libéralisme pur et dur. Celui-ci stipule que le marché est le seul régulateur de léconomie. La fonction de lEtat est réduite aux fonctions régaliennes (sécurité, diplomatie, défense et justice) et à la garantie des conditions de la concurrence. Linterventionnisme ne peut se justifier quen cas de monopole à coûts croissants ou en cas dexternalités portant atteinte à la concurrence. Dans cet esprit, le marché serait doué de facultés extraordinaires permettant une allocation optimale des ressources. Toutes autres interventions de lEtat produiraient des dysfonctionnements dans le marché et induiraient des déséquilibres. Les Démocrates, eux, (dont Obama), admettent, certes, les lois du marché mais les considèrent insuffisantes doù la nécessité de lintervention de lEtat. Ils sont plus ouverts sur lapproche keynésienne avec des politiques de régulation. Cest la revanche de Keynes sur Milton Friedman et ses disciples de léconomie de Chicago; ceux-là qui ont posé les jalons doctrinaires dun «marché libre et autorégulateur», source de la bourrasque actuelle. Sur le terrain, les politiques économiques des pays industrialisés vacillent donc entre le plus dEtat (régulation) et le moins dEtat (dérégulation) au gré des courants de pensée qui inspirent les décideurs. Pour simplifier davantage, on peut avancer quhistoriquement, la crise de 1929 est une crise de la régulation par le seul marché (non-interventionnisme). Celle de 1973, une crise de linterventionnisme. Il sen est suivi jusquà aujourdhui une politique de non-interventionisme (Thatchérisme en Grande-Bretagne et Reaganisme aux USA). Lère de linterventionnisme a sonné. On accepte même lidée des nationalisations chez léquipe Bush ! La réalité a fait éclater les dogmes doctrinaux ! Face à la récession, il faut agir. La résistance sorganise. Les citoyens des pays démocrates sont traités en majeurs. Leur gouvernement les ont, de manière pédagogique, avertis. Il ny a pas eu de mouvements de panique ! Au Maroc, rien ne bouge. La crise connaît pas ! Le gouvernement veille au grain. Rien narrivera par mer, ni par terre, ni par air. Si le Premier ministre est dun silence de plomb, le ministre des Finances, lui, crie à qui veut lentendre quil tient tout en main. Il plane dans un monde virtuel sans nulle turbulence. Quelle inconscience face à des séismes financiers de forte magnitude et face à la propagation imparable de leurs effets. La crise actuelle est comme un gros feu qui sattise et samplifie selon la vitesse et la direction des vents. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des Finances, vous traitez les citoyens en mineurs. Vous leur cachez la vérité ; on ne sait dans quel dessein. Or, vous savez bien que : - lEurope, après les USA, est entrée en récession ; - plus de 70% de notre commerce extérieur se fait avec ces pays européens, avec la France en tête ; - le chômage va remonter dans ces pays et va toucher aussi les MRE ; - la demande intérieure de ces pays, pilier central de leur économie, va régresser ; - beaucoup dentreprises dans ces pays vont tomber en faillite faute de crédits bancaires et faute de demande ; - les activités de services vont sen ressentir ; - les Européens vont voyager de mpoins en moins du fait de cette crise ; - les entreprises européennes vont réduire leurs investissements faute de demande ; - les gouvernements européens vont tout faire pour limiter les délocalisations en vue de limiter lampleur du chômage Ce constat relève presque de lévidence. Si cest le cas, pourquoi notre gouvernement sobstine-t-il à ne pas prévenir les Marocains des risques qui menacent notre économie dans les mois à venir ? Ce silence risque de nous conduire, si par malheur les choses venaient à empirer, à un mouvement de panique. Il est temps de préparer les esprits, monsieur le Premier ministre. Quattendez-vous pour communiquer ? Le vent de crise souffle déjà sur le Maroc. Lannée 2009 sera difficile : - Moins de touristes : il faudrait tabler sur une chute au moins de 15 à 20% des recettes ; - Des MRE touchés par le chômage transfèreront moins dargent ; - Nos exportations vont stagner, voire régresser en volume et en valeur dont les phosphates et dérivés ; - Les investissements étrangers au Maroc vont régresser mais Renault doit coûte que coûte respecter ses engagements à Tanger ! - Des entreprises vont dégraisser en procédant à des licenciements, à commencer par le bâtiment et le textile ; - Les bilans de beaucoup dentreprises vireront au rouge ; - La Bourse de Casablanca suivra la trajectoire des entreprises en difficulté ; - Le chômage augmentera sensiblement, conduisant à une baisse de la demande intérieure ; - Le nombre de transactions va diminuer réduisant les recettes de lEtat (TVA, droits denregistrement, IS ) - Le déficit budgétaire sera de retour après une courte période déquilibre, voire dexcédent. Il faudra sendetter plus. La baisse du prix du pétrole et des produits agricoles ne peut pas compenser les pertes. Le Maroc entrera en récession. Celle-ci durera ce que va durer la crise en Europe et aux USA. Deux à trois ans seront nécessaires pour revenir à la normale. Pendant ce temps-là, ce sont ceux qui disposent dargent frais qui vont profiter de la situation en achetant à bas prix des biens qui auront plus de valeur demain (foncier, immobilier ). La crise est toujours une occasion pour plus de concentration des richesses !