* Les chiffres annoncés par les partis politiques ne sont pas outranciers et ne sont pas des promesses irréalisables. A condition que tout le monde se mette au travail. * 2007 Daba ne cherche pas à critiquer les partis politiques, mais plutôt à les valoriser. Parce qu'il ne peut y avoir de démocratie sans partis politiques. Finances News Hebdo : Quelle est, d'après-vous, la principale caractéristique des élections législatives 2007 ? Noureddine Ayouch. : Aujourdhui, les partis ont préparé des programmes chiffrés et crédibles. Ils ne font plus de promesses vagues telles que l'éradication de la pauvreté ou du chômage, mais déclinent leurs programmes et surtout fournissent des chiffres. Ils disent : voici ce que nous voulons atteindre comme taux de croissance, ou le nombre demplois que nous voulons créer, et voici ce que ces objectifs vont nous coûter et comment nous allons les financer. C'est le sérieux et le professionnalisme avec lesquels les programmes sont préparés par les partis politiques qui constituent donc la principale caractéristique cette année. F.N.H : Justement, en parlant de chiffres, j'aimerais bien savoir si les partis politiques se sont basés sur des études scientifiques, ou s'ils ont fait appel à des cabinets externes. ? N. A. : Il y a plusieurs démarches : certains partis politiques ont élaboré leurs programmes en interne en se basant sur les études existantes et les chiffres publiés par le gouvernement marocain. Il y a des partis qui, tout en se basant sur l'existant, ont fait appel à des compétences extérieures. C'est une grande nouveauté quil faut saluer. Ils se sont ouverts à la société civile et au monde des affaires. Ils ont fait appel à des spécialistes marocains pour les aider à élaborer leurs programmes. C'est une excellente initiative parce qu'il y a eu un apport en compétences externes. F.N.H.: Ces programmes se veulent des contrats d'engagement pour les différents partis ; quelles sont, d'après-vous, les garanties dont dispose le citoyen pour l'évaluation des réalisations des programmes ? N. A.: Le citoyen peut considérer ces programmes et objectifs comme des engagements chiffrés et publiés. Il a la possibilité en 2012 de dire aux partis qu'ils ont tenu ou pas leurs engagements et sanctionner par la voie des urnes ceux qui nont pas pu réaliser leur programme. La presse peut aussi jouer un rôle dobservateur actif. Elle peut prendre ces programmes et les comparer aux résultats obtenus. Enfin, il y a le Parlement et les associations qui peuvent juger la concordance des engagements des partis avec les résultats. Il faudrait procéder à l'instar de ce qui vient de se passer en France où les deux principaux candidats, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, se sont engagés sur des chiffres. Par exemple, Sarkozy s'est engagé sur la baisse de l'impôt, sur la défiscalisation des heures supplémentaires, sur la réalisation d'un certain nombre de grands projets économiques. On remarque aujourd'hui en France que la presse suit de près ce qui se passe en critiquant ou en saluant telle ou telle réalisation. C'est de cette manière qu'il faut travailler en procédant à une évaluation permanente par la société civile, par la presse et lopposition. Il faudrait juger les partis sur les résultats, sinon on aura toujours des promesses vagues. Mais je ne vous cache pas que je suis confiant cette année parce que c'est la première fois où les chiffres ne sont pas outranciers, ce ne sont pas non plus des promesses mensongères. Les chiffres sont élaborés par des gens compétents et ils peuvent être tenus si tout le monde se met au travail. F.N.H : Donc, on peut dire que les chiffres avancés sont réalisables ? N.A.: Je ne sais pas si vous l'avez remarqué par rapport à la création d'emplois : certains partis ont parlé de la création de 2 millions sur cinq ans, dautres ont avancé 1.300.000 postes, dautres encore ont parlé de 800.000. Quel est celui qui a raison ? Quel est celui qui a tort ? Bien sûr, ils affirment que pour réaliser ces chiffres, il faut une croissance de 5%, 6% ou 7% par an. On a parlé de réduction du taux de chômage, certains ont parlé dun point, d'autres de 2 points, voire plus. Tout cela est mesurable et les partis seront jugés sur leurs réalisations. Pour la lutte contre la pauvreté, il y a eu des idées nouvelles. Pour lutter contre la pauvreté, un parti a déclaré accorder une subvention mensuelle de 500 DH par famille à condition qu'ils envoient leurs enfants à l'école, un autre parle de 6.000 DH/an. Ceci est important dans la mesure où de nouvelles réflexions se mettent en place pour lutter contre la pauvreté. Plusieurs partis politiques, grands, moyens et petits ont décliné des programmes chiffrés. Cela démontre la vitalité des partis politiques marocains. F.N.H : Est-ce qu'au niveau de l'Association, vous n'avez pas réfléchi à mettre en place une matrice ou une étude comparée des différents programmes économiques présentés ? N. A. : Nous n'avons pas le droit de comparer et de porter un jugement. D'autres associations peuvent le faire. Notre rôle est de contribuer à changer l'image des partis politiques en les valorisant. Cest pour cela que nous incitons les élites à intégrer les partis politiques pour les renforcer, pour travailler sur les programmes. Notre démarche a abouti dans la mesure où plusieurs hauts cadres ont intégré les partis. Un autre objectif est d'inciter les femmes à intégrer les partis et à jouer un rôle actif en leur sein. Nous souhaitons que les femmes soient plus représentées au niveau des instances parlementaires et surtout au niveau des communes et bien entendu au sein du gouvernement pour que le rôle de la femme soit reconnu à sa juste valeur. Notre objectif est aussi dinciter les partis à s'ouvrir aux jeunes, aux femmes et aux élites. Enfin, nous avons demandé à l'Etat de veiller à ce que les élections se passent dans une véritable transparence et à prendre des sanctions contre toute utilisation de moyens illicites à des fins électorales. C'est la première fois qu'une association joue un rôle pareil. Nous ne cherchons pas à démolir, mais à construire. Pour nous, il ne peut y avoir de démocratie sans partis politiques forts. Il ne faut plus travailler les uns contre les autres, mais dans un même but : l'intérêt du Maroc. Pour revenir à l'économique, il est certes très important pour la croissance du pays, mais il ne faut pas oublier le social. Parce que ce dernier demande beaucoup de moyens financiers et une réelle volonté politique. On parle de lutte contre la pauvreté, l'ignorance et lexclusion du monde rural. Tout cela il faut le chiffrer parce qu'il ne suffit pas de dire : «je veux faire», mais : «comment je vais le faire et quand je le ferai» ?