* Le Maroc ne sera pas épargné par la crise mondiale, mais il ne sera pas touché de la même façon. * Léconomie marocaine nest une économie de marché que partiellement avec une forte présence de linterventionnisme de lEtat. * La hausse des taux directeurs décidée par BAM pourrait avoir des effets néfastes sur la croissance et linvestissement. Finances News Hebdo : Est-ce que vous pensez que les fondements du capitalisme libéral sont remis en cause avec la crise financière internationale ? Driss Benali : La crise actuelle est sans précédent. La crise de 1929 na pas remis en cause totalement le mécanisme, mais le fonctionnement du capitalisme : le marché ne pouvait pas assurer léquilibre automatique. Et cest là que la célèbre théorie de Keynes est intervenue. Pour les théories libérales, loffre crée sa propre demande, une théorie formulée par léconomiste français Jean-Babtiste Say. La crise actuelle, comme celle de 1929, est très profonde, elle nest pas passagère. Les mécanismes du marché narrivent pas à assurer léquilibre. La fin du socialisme, après la chute du Mur de Berlin, et le succès des vingt dernières années du libéralisme ont fait que le capitalisme financier sest développé de manière anarchique. Il a connu un développement sans précédent alors que les mécanismes de régulation sont restés inchangés. A léchelle internationale, le rôle des institutions issues de Bretton Woods est aussi remis en cause. Le FMI ne joue pas le rôle de régulateur. Il faut envisager de nouveaux mécanismes de régulation parfaitement adaptés au système actuel. F. N. H. : Est-ce quon peut sattendre à un retour en force de linterventionnisme de lEtat ? D. B. : Il y a retour de lEtat comme régulateur et comme acteur majeur de léconomie. Le retour se fera certainement à travers la régulation et la réglementation. LEtat va jouer le rôle de correcteur des dérapages du marché. Il a la responsabilité dassurer la stabilité économique, de préserver lépargne, de sauvegarder lemploi et de lutter contre linflation. Les méthodes qui peuvent être adoptées sont parfois douloureuses mais inévitables. F. N. H. : Pour le cas du Maroc, est-ce que vous pensez que le processus de libéralisation, adopté il y a quelques années et qui se poursuit, va être perturbé ou revu dans son ensemble ? D. B. : Léconomie marocaine est en voie de développement. Elle nest que partiellement une économie de marché. Il y a plusieurs éléments qui existent et qui empêchent que les lois du marché jouent pleinement. Le processus de privatisation nest pas achevé. Certains organes de lEtat ont toujours la mainmise sur léconomie nationale. Par ailleurs, le processus de libéralisation devrait se poursuivre tout en tirant les enseignements des défaillances de la crise actuelle. Il manque aussi les conditions de transparence et de la bonne gouvernance. La culture du marché est encore à ses débuts. Les différentes réformes nont pas encore abouti. Ce qui fait que le libéralisme dans le sens des économies occidentales est loin dêtre atteint. Cest ce qui explique aussi que léconomie nationale reste plus ou moins épargnée par la crise financière internationale. Le Maroc ne sera pas mis à l écart de la crise mondiale, mais il ne sera pas touché de la même façon. Il a déjà fait le choix de la libéralisation et dintégrer la mondialisation. Mais les ondes de choc de la crise mondiale seront moins ressenties au Maroc. Il y a une forte présence de lEtat. Dautant plus que le système bancaire marocain est très bien géré et privilégie beaucoup de prudence dans la prise de risque. Cela permet au pays déviter les graves turbulences. BAM a augmenté dernièrement le taux directeur, ce qui aura pour effet damortir le choc et de faire face à une inflation galopante. F. N. H. : Est-ce que vous ne pensez pas que linitiative de BAM pourrait ralentir linvestissement et la croissance et porter un coup à la dynamique que connaît léconomie nationale ces dernières années ? D. B. : Il y a ce risque. Mais pour lEtat, la priorité est de faire face à linflation et de décourager la spéculation dans les milieux financières. BAM a augmenté le taux directeur, mais il a sommé les banques de ne pas le répercuter sur la clientèle. La croissance économique de ces dernières années sest beaucoup basée sur la demande interne. Elle risque de pâtir avec le recul de cette demande. Surtout lorsquon sait que les ménages marocains sont surendettés.