Les règles relatives au franchissement de seuils sont parmi les plus importantes du marché financier, car elles rendent publics des agissements qui, s'ils restaient méconnus, pourraient causer de graves troubles au point de discréditer la place. C'est po Avec la nouvelle loi sur les sociétés, la structure familiale des entreprises tend à disparaître (c'est en tout cas le vu du législateur). Elle laisse place à des sociétés dont le capital est de plus en plus dilué, c'est-à-dire que les titres représentant le capital sont de plus en plus répartis entre un grand nombre d'actionnaires, appelés petits porteurs. La présence de petits porteurs n'exclut cependant pas l'existence de noyaux durs. Le franchissement de seuil En fait, actionnaires majoritaires et actionnaires minoritaires se côtoient dans la structure de l'actionnariat. Ces noyaux dits durs poursuivent généralement une stratégie de concentration des titres entre leurs mains dans le but de détenir le contrôle de la société, partant d'une conviction qu'une fois leur gestion entre les mains, ils peuvent en améliorer les résultats et dégager une forte plus-value grâce aux dividendes perçus. On se retrouve de cette façon avec une structure intermédiaire entre la structure familiale des sociétés et la dispersion importante de l'actionnariat. Cette prise de contrôle peut se faire de plusieurs manières. L'une des techniques les plus appréhendées par les marchés financiers est le ramassage « discret » en bourse à cause de ses effets ruinants et dévastateurs sur le cours normal de la vie sociale en cas de mauvaise foi du preneur. Du jour au lendemain les dirigeants changent, les salariés doivent subir une nouvelle mentalité managériale et, ce qui est pire, c'est que cela laisse la porte ouverte aux grands groupes pour éliminer la concurrence et, partant de là, les situations de monopole pourraient proliférer. Une telle suprématie, on s'en doute, ruinerait notre tissu social. C'est pourquoi la loi a instauré des seuils légaux d'acquisition ou de cession et des règles qui leur sont applicables dans le but de prévenir les dérapages. Ainsi, dans le but de limiter les ramassages en bourse et d'éliminer leur caractère secret, la loi n° 34-96 modifiant et complétant le Dahir portant loi n° 1-93-211 du 21 septembre 1993 relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, ainsi que la circulaire n°08/97 prise pour son application par le CDVM, rendent l'information obligatoire en cas de franchissement de certains seuils. En outre, on s'attend à ce qu'une circulaire du CDVM rende, dans certains cas de franchissement de seuils et s'inspirant ainsi de l'arrêté du 28 septembre 1989 en France, le dépôt d'un projet d'OPA obligatoire. Et ses enseignements Selon la loi, toute personne physique ou morale qui vient à posséder plus de 5%, 10%, 20%, 33%, 50% ou 66% du capital ou des droits de vote d'une société, dont les titres sont inscrits à la cote de la Bourse des Valeurs, doit en informer cette société, dans un délai ne dépassant pas les 15 jours. Elle doit en informer également le CDVM dans un délai de 5 jours. Le CDVM porte cette information à la connaissance du public. L'obligation d'information concerne également les baisses de participation entraînant le franchissement d'un des seuils cités. L'information doit indiquer le pourcentage du capital ou des droits de vote ainsi que le nombre de titres achetés ou vendus. En cas de manquement à l'obligation légale d'information, les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée sont privées de droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait dans les deux ans suivant la date de régularisation de la notification. Ces mesures sont également assorties de sanctions pénales. En outre, la personne ayant franchi l'un de ces seuils doit déclarer ses intentions de poursuivre l'acquisition ou non des titres pour les douze prochains mois à venir. En plus du renforcement des obligations d'information et des sanctions encourues en cas de défaut, la circulaire prévoit que toute personne physique ou morale, qui vient à détenir plus du tiers du capital ou des droits de vote d'une société inscrite à la cote, doit déposer un projet d'offre publique. Le CDVM se réserverait toutefois la possibilité d'accorder une dérogation au déclenchement de l'Offre Publique d'Achat. Et ses enseignements La concentration de l'actionnariat accroît la probabilité de l'OPA et souvent aux dépens des actionnaires minoritaires. En application de la loi, les franchissements des seuils légaux font l'objet d'information régulière. L'information véhiculée par ces déclarations a un triple objet. Tout d'abord, elle indique au marché l'intérêt (le désintérêt) que porte l'acquéreur (le vendeur) pour le titre en question. L'accroissement de la liquidité attire les petits actionnaires, qui peuvent diversifier plus facilement leurs portefeuilles grâce à la baisse des coûts de transaction. Les firmes dont le capital est dispersé attirent davantage les investisseurs pressés demandeurs de liquidité. Dans ce cas, les personnes qui disposent d'informations privées peuvent réaliser plus facilement des profits en investissant dans ce titre. Ceci va les inciter à rechercher de nouvelles informations privées sur la firme. Cette recherche se traduit par un contrôle plus ardu de la performance des dirigeants par le marché. Ainsi, la dilution du capital accroît la liquidité et incite au contrôle des agissements des dirigeants. Au contraire, une structure de l'actionnariat concentrée donne lieu à une baisse de la valeur de la firme, puisque la baisse de la liquidité qui s'ensuit réduit le contrôle des dirigeants par le marché boursier. Enfin, l'annonce du franchissement de seuil révèle une modification de la structure de l'actionnariat. Selon le sens du franchissement de seuil, il peut s'agir d'un accroissement de la concentration ou au contraire d'une dilution des titres entre les différents actionnaires. En effet, un franchissement de seuil à la hausse, non accompagné d'une déclaration de franchissement de seuil à la baisse, est supposé indiquer l'augmentation de la participation d'un actionnaire dans le capital de la cible qui ramasse des titres en bourse. On peut raisonner de la même façon pour un franchissement de seuil à la baisse non accompagné d'une annonce de franchissement de seuil à la hausse et à la baisse. Il peut s'agir alors d'un simple transfert de titres entre deux actionnaires. Ou au contraire, il peut s'agir d'une véritable modification de la structure de l'actionnariat. En absence d'une connaissance détaillée de l'évolution de la structure de l'actionnariat des firmes, il n'est pas possible de savoir si ces opérations modifient ou non la structure.