* Une circulaire du CDVM pour mieux encadrer lactivité des analystes financiers. * Elle entrera en vigueur le 1er novembre prochain. * Suffira-t-elle pour enlever le clou de la suspicion qui pèse sur la profession ? Nouveau pas vers une meilleure réglementation du marché financier. Le CDVM vient, en effet, de rendre publique une circulaire relative aux règles déontologiques applicables aux analystes financiers. Cette circulaire intervient trois mois après ladoption par les intervenants du marché dun code déthique relatif au financement des actifs financiers, avec une volonté ferme des banques et des sociétés de Bourse (SDB) de circonscrire toute pratique susceptible de fausser le jeu de la concurrence, le bon fonctionnement des marchés financiers ou de porter atteinte aux intérêts de la profession et de la clientèle. Deux initiatives (dont lune a force de loi) qui se complètent donc, et dont les investisseurs ont cruellement besoin dans un contexte de marché où, souvent, se côtoient, dans une légitimité douteuse, tripatouillages, transactions suspectes et autres délits dinitié Cette circulaire, fruit dune démarche concertée avec les professionnels concernés et qui entrera en vigueur le 1er novembre prochain, sarticule autour de pas moins de 24 articles explorant différents aspects, dont notamment la clarté, lintégrité et la qualité des analyses, les principes de transparence, les sources dinformation, le traitement des conflits dintérêt Bref, elle bannit tout ce qui peut altérer lindépendance de lanalyste tout en protégeant davantage linvestisseur. Ainsi, la section II de la circulaire, consacrée à la clarté et lintégrité de lanalyse, stipule, dans ses articles 1er et 2, que «lanalyse doit être intègre et claire», élaborée avec «probité, équité et impartialité». Cest là toute la problématique à laquelle sont confrontés les investisseurs actuellement. Ils apprécient de plus en plus avec beaucoup de réserve les analyses et recommandations servies par les analystes de la place. Non pas que ces derniers sont incompétents. Bien au contraire ! Ils sont justement très doués pour faire et défaire le marché à leur guise et sont régulièrement mêlés à des opérations douteuses, voire frauduleuses. Au point que certaines sociétés de Bourse, trop peu prudentes, se sont fait épingler par le gendarme du marché. Ce qui a davantage enfoncé le clou de la suspicion qui entoure la profession. Une profession où certaines sociétés de Bourse, parmi les plus réputées dailleurs, se canardent honteusement par notes de recherche interposées devant des investisseurs dubitatifs. Une profession discréditée du fait dune crédibilité vendue aux enchères, perdue (la-t-elle dailleurs déjà eue ?). Une profession qui a surtout sacrifié éthique et déontologie sur lautel du mercantilisme. Il faut faire du business, le maximum ! En cela, pour obtenir des conventions de placement lucratives, certains analystes nhésitent pas à donner des recommandations dinvestissement subjectives ou à exagérer les prévisions de croissance de sociétés émettrices clientes (ou potentiellement clientes) de la société de Bourse qui les emploie. Difficile, à ce titre, pour les banques daffaires, de se soustraire à la pression de leur clientèle et de rester objectives, quand on sait que les activités danalyses financières sont financées par les commissions générées par ce type dopérations. Il ne faut donc pas sétonner de voir se multiplier ces «analyses» concoctées surtout pour drainer des commissions de placement, et qui taisent toutes les appréciations négatives sur les entreprises clientes. Il faut dire que les pratiques illégales sont bien ancrées dans le marché, malgré le durcissement de la réglementation en vigueur. Elles restent seulement, en ces temps où le gendarme du marché ouvre bien lil et est mieux outillé pour exercer ses prérogatives, mieux élaborées et, donc, forcément plus spectaculaires en termes de résultats. Cétait le cas lors de lintroduction en Bourse de la CGI (www.financesnews.ma). Informations privilégiées Avec cette nouvelle circulaire, la prévention et la gestion des conflits dintérêt autant que le traitement des informations privilégiées restent mieux encadrées. Du moins, dans la forme. Ainsi, larticle 4 de la circulaire stipule, entre autres, que «dans le cas où un analyste a connaissance dinformations privilégiées sur les perspectives ou la situation dun émetteur ou sur les perspectives dévolution dune valeur mobilière cotée, il ne doit pas réaliser ou faire réaliser sur le marché, soit directement, soit par personne interposée, une quelconque opération avant que le public ait eu connaissance de ces informations. Il ne doit pas non plus les communiquer à quiconque, y compris ses collègues. Cependant, lorsque des procédures internes lauront prévu, il pourra en informer sa hiérarchie ou, le cas échéant, le déontologue». Cela suffira-t-il pour autant à résorber les délits dinitié ? Peu sûr. Dans un pays où la tradition orale reste bien ancrée, difficile, en effet, de répondre par laffirmative. Cest, comme on lappelle ironiquement, le «téléphone arabe» : le «je te donne une info, mais nen parle à personne» fonctionne à merveille et reste la meilleure façon débruiter une information dans tout le Royaume. Mieux, lorsque ce sont les dirigeants de sociétés cotées qui, eux-mêmes, à la veille dune opération stratégique, appellent leurs potes pour leur dire dacheter leurs titres, il est difficile de croire que cette circulaire suffira pour pour barrer la route au délit dinitié. Elle a néanmoins le mérite dexister et de formaliser les choses, tout en instaurant des sanctions pécuniaires et pénales. Peut-être sera-t-elle dissuasive pour servir de rempart aux démarches malsaines des consciences tordues. «Pour cela, poursuit la circulaire, lanalyste doit agir de manière honnête, loyale et professionnelle et assumer pleinement la responsabilité morale de son opinion». De même, son avis «doit demeurer objectif et indépendant» et «ne doit pas favoriser ses intérêts ainsi que ceux de son établissement employeur au détriment de ses clients». En cela, «les études rédigées et les conseils donnés par lanalyste doivent avoir comme objectif premier lintérêt des destinataires de ses travaux danalyse». Ce qui est, souvent, loin dêtre le cas, dans un marché où les analystes sévertuent à défendre les intérêts des sociétés émettrices clientes de la société de Bourse qui les emploie. Ont-ils vraiment le choix ? Très souvent non, à moins de rendre le tablier. Et de se retrouver dans une autre banque daffaires où les principes de fonctionnement sont quasiment les mêmes. Cela pour dire que cest un cercle vicieux au sein duquel nont guère place les intelligences rebelles.