* La fixation du seuil des marchés éligibles à l'audit (5 Mdh) devrait découler d'une statistique sur la population des marchés engagés, et ce pour les besoins d'argumentation et aux fins d'identifier les marchés présentant un risque. * Il est recommandé de programmer ces audits par des entités indépendantes des ordonnateurs, notamment les ministères de tutelle technique et financière. * La réglementation à elle seule ne peut rehausser le niveau de performance des achats. La performance des achats publics continue dalimenter les débats de lactualité nationale. Et pour cause, les différents rapports, études et enquêtes continuent de se faire lécho dune détérioration du niveau de vie dans un pays en quête de modernité. La Cour des comptes, dans son dernier rapport, a fait état dune dilapidation des deniers publics dans plusieurs établissements publics. Cest aussi dans le même sillage que sinscrit le séminaire organisé récemment par lALISA. Les achats publics sont estimés à 60 Mds de DH, soit environ 15% du PIB, mais les résultats escomptés demeurent en deçà des attentes. Ainsi, il savère légitime de sinterroger sur la performance de laction publique, notamment sur un aspect palpable comme les achats publics au regard dun pays désireux dexploiter les marges de progrès qui sont les siennes. Ce questionnement savère crucial dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources financières publiques qui, désormais, incitent à une réallocation plus optimale. Quand le contrôle tue le contrôle La stratégie de réforme de ladministration publique sarticule autour de trois axes : efficacité dans la gestion des ressources budgétaires, efficacité dans la gestion des ressources humaines et maîtrise de la masse salariale. Elle inscrit désormais laction publique dans une logique de performance. Tous ces chantiers de réforme qui ont été ouverts par lAdministration marocaine sarticulent autour dune logique de résultat et sont interdépendants. La question de performance des achats publics se trouve au carrefour de ces chantiers et constitue une composante essentielle de la performance des finances publiques. De lavis des responsables, lexigence de performance des achats publics est un corollaire incontournable de la réforme des finances publiques. Et la pratique des achats publics au Maroc reste encore dominée par un caractère procédural et une multiplicité de contrôles. Des contrôles qui, malheureusement, nont pas abouti à une meilleure transparence des dépenses publiques. En témoigne le dernier rapport de la Cour des comptes où les exemples de dilapidation versent à flot. A titre dexemple, dans une comnune, la Cour des comptes régionale a constaté que la totalité des achats de carburants et lubrifiants est faite auprès dun seul fournisseur en dehors de tout appel à la concurrence. Par ailleurs lexamen des états mensuels de consommation de gasoil a révélé le ravitaillement de certains véhicules nappartenant pas à la commune Pis encore, lesdits contrôles ont conduit à un renchérissement des coûts des prestations et lon commence déjà à parler dune réforme de cette nouvelle réglementation. Les opérateurs jugent ainsi la réglementation plus comme une entrave quun moyen de performance. Daucuns estiment que cette réglementation un peu contraignante est tout à fait légitime sachant que certains secteurs réalisent lessentiel de leur chiffre daffaires grâce à ces achats : 70% pour le secteur des bâtiments et travaux publics et 80% pour celui de lingénierie. Et donc les deniers publics doivent être préservés de toute forme de corruption, denrichissement personnel ou de détournement à des fins auxquelles ils nétaient pas destinés. Cest ce qui daprès eux justifie cette multiplicité de contrôles auxquels ils sont soumis. Performance de lachat public vs cadre réglementaire Toutefois, il est à noter que si la nouvelle réglementation des marchés de lEtat insiste beaucoup sur le renforcement de la mise en application des principes généraux régissant la commande publique, elle demeure toutefois moins prolixe sagissant des moyens et outils à mettre en uvre pour garantir la performance des achats publics. Des maillons de la chaîne dachat public (gestionnaires, contrôleurs et fournisseurs) iraient même jusquà soupçonner des contraintes que pourrait avoir cette nouvelle réglementation jugée très tatillonne sur des aspects procéduraux du processus dachat. Lheure est désormais à la fluidité des achats. Les Administrations sont ainsi appelées à considérer lacte dachat comme un centre déconomie, doù la nécessité de faciliter cet acte tout en respectant les principes de transparence et de la concurrence. Daprès R. Boumhil, Directeur des Ressources Humaines et des Affaires Générales au département de la pêche maritime : «Lidentification des marges de progression pour la performance de lachat passe nécessairement par la standardisation des outils de la réglementation, lunification de lecture des textes régissant lacte dachat, la mise en place de nouveaux outils de gestion et de performance et la mise en place dun observatoire des rejets émanant des autorités de contrôle pour capitaliser sur les expériences passées ». Daprès ce responsable, la réglementation régissant les commandes publiques nest pas incompatible avec les exigences de la performance. Toutefois, en labsence de mécanismes de mise en uvre, de suivi ou dévaluation, la portée de bon nombre de dispositions risque dêtre limitée. Le décret régissant les marchés publics prévoit l'audit interne des marchés dépassant le seuil des 5 millions de dirhams. Or, la fixation du seuil des marchés éligibles à l'audit devrait découler d'une statistique sur la population des marchés engagés et ce pour les besoins d'argumentation et aux fins d'identifier les marchés présentant un risque. On peut citer par ailleurs larticle 90 qui fait obligation détablir un rapport de présentation du projet de marché, mais ne précise pas lautorité à laquelle il doit être soumis, lexploitation qui peut en être faite et les mesures à prendre en cas dirrégularités. Le rapport dachèvement prescrit par larticle 91, doit être soumis à lautorité compétente et publié au PMP. Cette prescription, assurément positive en terme de transparence, peut être dun intérêt limité si lautorité compétente nen fait pas un outil dévaluation et damélioration de lintervention des services gestionnaires. Larticle 92 prescrit la soumission des PPMP à des audits et au contrôle interne. Mais combien dordonnateurs disposent dun contrôle interne et soumettent systématiquement leurs marchés à des audits. Il n'est pas commode d'assigner cette mission d'audit à des entités internes de l'ordonnateur sachant que cette option viderait la mission de toute sa substance dans la mesure où elle ne pourrait se solder par des conclusions objectives : respect de la hiérarchie oblige. Il serait souhaitable de programmer ces audits par des entités indépendantes des ordonnateurs, notamment les ministères de tutelle technique et financière. En matière déthique, il nest pas prévu de mécanismes de prévention des pratiques de fraude et de corruption. Quelle est donc lutilité dun recours dont on reconnaît la validité, en labsence de mécanismes de réparation du préjudice subi ? Les délais relatifs aux actes de passation et dexécution sont certes précis mais ils sont trop longs et source de lenteur quant au délai de réalisation des marchés publics. Des questions qui restent pour linstant sans réponses mais qui méritent une attention particulière dans la mesure où la réglementation, à elle seule, ne pourrait rehausser le niveau de performance et, partant une amélioration des finances publiques.